Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2401575 du 17 septembre 2024, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2024, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- le seul certificat médical établi le 16 avril 2024, postérieurement à l'arrêté du 20 décembre 2023, ne permet pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'état de santé de M. A... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2025, M. A..., représenté par Me Madeline, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de la Seine-Maritime ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de cette notification dans l'attente du réexamen de sa situation qui devra intervenir dans un délai d'un mois à compter de cette notification ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son avocate, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Maritime ne sont pas fondés ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- le préfet n'a pas effectué un examen approfondi de sa situation ;
- l'avis de l'OFII est erroné ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle ;
- le refus de titre de séjour qui lui a été opposé et l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;
- l'obligation de quitter le territoire français étant illégale, la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale.
M. A... a obtenu le maintien de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 20 décembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... à raison de son état de santé, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par sa requête, le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 17 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur le moyen retenu par les premiers juges :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant malien né le 31 décembre 1993 et qui déclare être entré en France le 30 mai 2022, a subi l'amputation de plusieurs doigts les 29 août 2022 et 5 septembre 2022 au centre hospitalier universitaire de Rouen à la suite de brûlures survenues au cours de son parcours migratoire. Le compte-rendu opératoire du 22 mai 2023 indique qu'il a présenté une ostéite du moignon de l'un des doigts amputés nécessitant une opération le même jour. Le certificat médical établi le 19 décembre 2023 indique par ailleurs qu'à la suite de l'amputation des cinq doigts de la main droite, il devrait être équipé d'une prothèse. Il est ainsi établi qu'à la date de l'arrêté attaqué du 20 décembre 2023, l'état de santé de M. A... nécessitait la pose d'un appareillage prothétique. En outre, si le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité d'une décision au vu de la situation de fait et de droit qui prévalait à la date de cette décision, il peut toutefois prendre en compte des éléments postérieurs à cette décision qui éclairent cette situation. Il ressort ainsi des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis les 16 avril 2024 et 10 juin 2024, que cette prothèse, dont l'intéressé a depuis lors bénéficié et qui se présente sous la forme d'un appareil myoélectrique particulièrement sophistiqué, nécessite un suivi et une maintenance spécifique ainsi qu'une rééducation pour l'adaptation à ce matériel, nécessaire pour en conserver les bénéfices d'un point de vue fonctionnel. Par suite, et alors même que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, par son avis émis le 16 mai 2023, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet de la Seine-Maritime a, dans les circonstance très particulières de l'espèce, entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences en ce qui concerne la situation personnelle de M. A....
3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 20 décembre 2023 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Le présent arrêt, qui rejette l'appel formé par le préfet de la Seine-Maritime, n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle qui a été ordonnée par le jugement du 17 septembre 2024. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... dans la présente instance.
Sur les frais liés au litige :
5. M. A... bénéficiant du maintien de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de ces dispositions, sous réserve que Me Madeline, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Madeline, avocate de M. A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime, à M. B... A... et à Me Madeline.
Délibéré après l'audience publique du 8 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
N°24DA02085 2