Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lille à titre principal, de condamner le centre hospitalier (CH) de Lens à lui verser la somme totale de 90 323,31 euros en réparation des préjudices subis lors de sa prise en charge dans cet établissement et à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise.
Par un jugement n° 2004707 du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a mis hors de cause l'ONIAM, a condamné le CH de Lens à verser à Mme D... une somme de 19 420,06 euros, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille la somme de 47 062,81 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai une somme de 15 262,10 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023, Mme D..., représentée par Me Barège, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement attaqué ;
2°) de condamner le CH de Lens à lui verser la somme totale de 90 323,31 euros ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;
3°) de mettre à la charge du CH de Lens une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité du CH de Lens est engagée du fait de l'apparition d'une infection nosocomiale à la suite de la ligamentoplastie qu'elle a subie le 3 mai 2015 ;
- le CH a commis un manquement en ne procédant pas à une antibioprophylaxie au cours de cette intervention ;
- la consolidation de son état de santé ne peut pas être fixée au 3 octobre 2016 mais au 31 mars 2018 dès lors que la nécessité de poser une prothèse de genou le 15 mars 2018 est en lien avec l'infection nosocomiale qu'elle a subie au CH de Lens ;
- le dommage est à l'origine d'une perte de gains professionnels constituée par la perte de de la moitié de son traitement, ainsi que de la perte de la prime de service, d'indemnités pour le travail de nuit ou le dimanche et les jours fériés qu'elle accomplissait au service de réanimation pédiatrique du CHU de Lille ;
- il en résulte un préjudice de 22 880,70 euros au lieu de la somme de 8 154,70 euros alloués par le tribunal pour ce poste de préjudice ;
- son besoin temporaire d'assistance par une tierce personne doit être évalué à la somme de 11 880 euros au lieu de la somme de 2 244,61 euros allouée par le tribunal ;
- elle a subi un déficit fonctionnel temporaire qui doit être évalué à la somme de 4 423,75 euros au lieu de la somme de 1 146,75 euros allouée par le tribunal ;
- elle a enduré des souffrances qui doivent être évaluée à la somme de 10 000 euros au lieu de la somme de 3 619 euros allouée par le tribunal ;
- elle a subi un préjudice esthétique temporaire et permanent qui doit être évalué à la somme totale de 2 500 euros ;
- elle a subi un préjudice d'agrément temporaire et permanent qui doivent être évalués à la somme totale de 2 000 euros au lieu de la somme de 955 euros allouée par le tribunal pour le seul préjudice esthétique permanent ;
- elle subit des pertes de revenus professionnels futurs qui doivent être évalués à la somme de 30 535,36 euros ainsi qu'à la somme de 3 053,50 euros au titre des congés payés afférents à la perte de salaire ;
- elle a subi un déficit fonctionnel permanent de 3 % qui doit être évalué à la somme de 2 550 euros.
Par des mémoires, enregistrés les 3 octobre 2023 et 7 octobre 2024, le centre hospitalier de Lens, représenté par Me Chiffert, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué et de ramener l'indemnité due à Mme D... à la somme totale de 14 974,39 euros, de réduire le montant alloué au titre des frais d'instance et de ramener l'indemnité allouée à la CPAM de Lille-Douai à la somme maximale de 13 067,02 euros.
Il soutient que :
- l'infection nosocomiale subie par Mme D... relève de sa responsabilité ;
- l'absence fautive de recours à une antibioprophylaxie au cours de l'opération du 4 mai 2015 n'a aucune incidence sur la prise en charge du dommage en lien avec cette infection ;
- à titre subsidiaire, la somme allouée à l'appelante par le tribunal au titre des pertes de gains actuelles doit être limitée à 10 083,13 euros ;
- la somme allouée au titre du besoin temporaire d'aide par une tierce personne doit être limitée à 1 597,44 euros ;
- la somme allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être limitée à 1 103,25 euros ;
- la somme allouée au titre du préjudice esthétique permanent doit être limitée à 500 euros ;
- la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent doit être limitée à 2 550 euros
- la somme allouée au titre des frais d'instance doit être ramenée à de plus justes proportions ;
- l'indemnité allouée à la CPAM de Lille-Douai doit être limitée à la somme maximale de 13 067,02 euros.
Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Fitoussi demande à la cour ;
1°) de confirmer sa mise hors de cause ;
2°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que le préjudice subi par la victime, qui n'excède par le seuil de gravité fixé par l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, est intégralement imputable au CH de Lens.
Par des mémoires, enregistrés les 26 septembre 2024 et 28 octobre 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, représentée par Me de Berny, demande à la cour :
1°) de rejeter les conclusions du centre hospitalier de Lens ;
2°) de porter l'indemnité forfaitaire de gestion à la somme de 1 191 euros ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les parties ne sont pas fondés.
La requête et les pièces de la procédure ont été communiquées au centre hospitalier universitaire de Lille et à la Caisse des dépôts et consignations qui n'ont pas produit de mémoire.
Par lettre du 28 avril 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par le CH de Lens tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser à la CPAM de Lille-Douai les sommes de 15 262,10 euros au titre du remboursement de ses débours et 1 162 euros au titre de l'indemnité de gestion, ces conclusions soulevant des litiges distincts de celui qui fait l'objet de l'appel principal par lequel Mme D... a uniquement sollicité la majoration de l'indemnité qui lui a été allouée par les premiers juges au titre des préjudices qu'elle a subis et ne constituant par suite ni des conclusions à fin d'appel incident ni à fin d'appel provoqué mais uniquement des conclusions à fin d'appel principal qui ont été présentées après l'expiration du délai d'appel et qui sont donc tardives.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Delannoy, représentant Mme D... et de Me Aïchi, représentant le centre hospitalier de Lens.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., née le 17 juin 1963 et exerçant les fonctions emploi d'auxiliaire de puériculture au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille en qualité de fonctionnaire titulaire, a été victime d'un accident de ski le 3 février 2015 ayant occasionné une rupture du ligament croisé antérieur du genou droit, une fissure du ménisque, une fracture de l'os sous-chondral de la partie supérieure du plateau tibial externe et un épanchement intra articulaire. Elle a été hospitalisée du 3 mai 2015 au 7 mai 2015 afin de subir une ligamentoplastie le 4 mai 2015 au centre hospitalier (CH) de Lens. Les suites de cette opération ont été marquées par des douleurs au genou, un syndrome algoneurodystrophique et un écoulement séreux au niveau de la cicatrice ayant justifié une ponction articulaire suivie d'une hospitalisation pour reprise chirurgicale le 26 juin 2016. La ponction a mis en évidence un staphylocoque épidermis et les prélèvements au cours de cette opération ont révélé l'existence d'un Propioni bactérium acnes. Le 14 décembre 2017, Mme D... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) du Nord-Pas-de-Calais, qui a désigné le 15 mars 2018, le docteur B..., chirurgien orthopédiste, en qualité d'expert. Le rapport d'expertise a été remis le 23 août 2019. Mme D... relève appel du jugement n° 2004707 du 24 mai 2023 en tant que le tribunal administratif de Lille n'a pas fait droit en totalité à ses conclusions tendant à la condamnation du CH de Lens à lui verser la somme de 90 323,31 euros en réparation des préjudices subis lors de sa prise en charge dans cet établissement.
Sur les conclusions du CH de Lens tendant à la minoration des sommes allouées par le jugement attaqué à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai :
2. En l'espèce, l'appel principal formé par Mme D... porte uniquement sur le montant de l'indemnisation au titre des préjudices qu'elle a personnellement endurés en sa qualité de victime d'une infection nosocomiale et tenant à une perte de gains professionnels, à ses besoins d'assistance par une tierce personne ainsi qu'à l'existence de déficits fonctionnels temporaire et permanent, de souffrances endurées, d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice esthétique. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai n'a, quant à elle, pas relevé appel du jugement lui allouant les sommes de 15 262,10 euros au titre du remboursement des dépenses de santé qu'elle a exposées et constituées de frais d'hospitalisation, de frais médicaux, de frais pharmaceutiques et d'appareillage, ainsi qu'une somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité de gestion. Les conclusions du CH de Lens tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser à la CPAM les sommes précitées soulèvent ainsi un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel de Mme D.... Ces conclusions ne constituent ni des conclusions à fin d'appel incident ni à fin d'appel provoqué mais uniquement des conclusions à fin d'appel principal. Ces conclusions ayant été présentées après l'expiration du délai d'appel, elles sont tardives et doivent, par suite, être rejetées.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Lens :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) ".
4. Pour l'application de ces dispositions, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial, une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise remis le 23 août 2019 à la CCI, qu'à la suite de l'intervention chirurgicale subie par Mme D... au CH de Lens le 4 mai 2015, la patiente a été contaminée par plusieurs germes dont un staphylocoque épidermis diagnostiqué le 30 mai 2015. Eu égard à la localisation des germes au niveau de la zone opératoire, cette infection, qui n'était ni présente ni en incubation avant sa prise en charge dans cet établissement, constitue une infection nosocomiale au sens des dispositions citées au point 3, engageant la responsabilité du CH de Lens, ce qu'il ne conteste au demeurant pas. La circonstance que le praticien ayant opéré l'appelante le 4 mai 2015 a omis de réaliser une antibiothérapie au cours de l'intervention est sans incidence sur l'engagement de la responsabilité de l'établissement à raison de l'apparition de cette infection, les conséquences de cette faute se confondant avec celles de l'infection nosocomiale. Il résulte encore de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le traumatisme subi par Mme D... le 3 février 2015 est à l'origine d'une décompensation arthrosique du genou droit de l'intéressée, qui a nécessité la pose d'une prothèse de genou. Toutefois, cette décompensation est sans lien avec l'infection nosocomiale constatée à la suite de l'intervention chirurgicale du 4 mai 2015, cette infection n'ayant en outre eu aucune incidence sur l'évolution de la chondropathie dont l'intéressée souffrait préalablement. Dans ces circonstances et alors que Mme D... n'établit pas ni même n'allègue qu'une faute aurait été commise à l'occasion de la prise en charge cette décompensation et de cette chondropathie, le CH de Lens n'est tenu d'indemniser que les seules conséquences directes de l'infection nosocomiale subie par la requérante, en application des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Il résulte enfin de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... résultant de la seule infection nosocomiale en cause doit être fixée à la date du 3 octobre 2016, date à partir de laquelle la requérante a pu reprendre ses fonctions d'auxiliaire de puériculture au sein du CHU de Lille.
Sur l'indemnisation des préjudices de Mme D... :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant du besoin d'assistance par une tierce personne :
6. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme D... a requis une aide temporaire non spécialisée d'une heure par jour pour la période du 9 juin 2015 au 25 juin 2015 et celle du 5 juillet au 31 août 2015, et de quatre heures par semaine du 1er septembre 2015 au 10 décembre 2015, soit un total de 131 heures. En tenant compte d'un taux horaire de 13,45 euros pour l'année 2015 applicable en cas d'aide active non spécialisée comme en l'espèce, il y a lieu d'allouer à la requérante une somme de 1 991 € (soit 131 heures x 13,45 euros x 1,13). En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de l'appelante nécessiterait l'assistance permanente d'une tierce personne.
S'agissant de la perte de gains professionnels :
8. D'une part, il résulte de l'instruction et notamment des bulletins de paie de Mme D... que celle-ci, en sa qualité de fonctionnaire titulaire, a été placée en congé de longue maladie à plein traitement jusqu'au 2 février 2016, puis à demi-traitement du 3 février 2016 au 3 octobre 2016. En l'absence de plein traitement au cours de cette dernière période de huit mois, l'intéressée a subi un préjudice à hauteur de 6 884,56 euros. Il résulte en outre de l'instruction qu'à compter du 4 août 2015, date à laquelle le congé de maladie imputable à l'accident de ski qu'elle a subi devait prendre fin en l'absence d'infection nosocomiale suivant le rapport d'expertise et jusqu'au 3 octobre 2016, la requérante n'a pas été en mesure de percevoir une prime de service ainsi que des indemnités pour le travail de nuit ou le dimanche et les jours fériés, travail qu'elle accomplissait jusqu'alors de manière régulière au service de réanimation pédiatrique du CHU de Lille. Ainsi au titre des indemnités pour le travail de nuit que Mme D... n'a pas pu percevoir en raison de l'infection nosocomiale dont elle a été victime, l'intéressée doit se voir allouer une somme déterminée sur la base d'un montant de 1,07 euros par heure, chaque nuit comportant 10 h15 de travail. En l'espèce, le nombre d'heures de nuit que Mme D... n'a pas été en mesure de réaliser doit être évalué à 1 624 et l'intéressée doit ainsi se voir allouer une somme de 1 737,68 euros à ce titre. En ce qui concerne les indemnités pour le travail réalisé le week-end et les jours fériés, l'intéressée doit se voir allouer une somme déterminée sur la base d'un montant de 5,91 euros par heure de travail qu'elle n'a pu effectuer en raison de l'infection nosocomiale. En l'espèce, ce nombre d'heures doit être évalué à 249,75 et il sera ainsi fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 1 476, 02 euros. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme D... a bénéficié au titre de l'année 2014 d'une prime de service d'un montant de 1 806,72 euros. Si l'intéressée ne peut se prévaloir de la perte de cette prime au titre de l'année 2015 eu égard au nombre de jours d'absence pour maladie dont elle a bénéficié du 3 février au 4 août 2015 et imputables aux conséquences de son accident de ski, il apparaît qu'elle a subi un préjudice de 1 204,48 euros au titre de la période allant du 1er janvier au 3 octobre 2016 en lien direct avec l'infection nosocomiale en cause. Par suite, il y a lieu d'allouer à Mme D... une somme de 11 302,74 euros au titre de la perte de gains professionnels avant la date de consolidation (soit 6 884,56 euros + 1 737,68 euros + 1 476,02 euros+ 1 204,48 euros).
9. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que Mme D..., qui a repris son emploi en temps partiel thérapeutique le 3 octobre 2016, aurait subi un préjudice professionnel postérieurement à la date de consolidation de son état de santé ou aurait droit au versement d'une somme en contrepartie de congés légaux dont elle aurait été privée.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
10. Il y a lieu, par adoption des motifs exposés au point 14 du jugement attaqué, d'allouer à Mme D... la somme de 1 146,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire qu'elle a subi.
S'agissant des souffrances endurées :
11. Si Mme D... fait valoir que les souffrances qu'elle a endurées doivent être évaluées à hauteur de 4 sur une échelle de 7, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, que les souffrances occasionnées par le seule infection nosocomiale en cause doivent être regardées comme ayant été modérées. Il sera ainsi fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 619 euros.
S'agissant du préjudice esthétique :
12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, que l'infection nosocomiale subie par Mme D... est à l'origine d'un préjudice esthétique temporaire et permanent évalué à 0,5 sur une échelle de 7. L'appelante n'apporte aucun élément permettant d'établir que ce préjudice serait ainsi sous-évalué. Il y a lieu, par suite, de lui allouer une somme de 1 000 euros à ce titre.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
13. Il résulte de l'instruction que le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale subie par Mme D... est de 3 %. Compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation de son état de santé, soit 53 ans, et de ce taux, il y a lieu de lui allouer la somme de 3 300 euros en réparation de chef de préjudice.
S'agissant du préjudice d'agrément :
14. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme D... aurait subi un préjudice d'agrément du fait de l'apparition de l'infection nosocomiale. Si l'appelante soutient qu'elle a été privée de la possibilité de rejoindre sa destination de vacances au cours de l'été 2015, il n'est pas établi que cette situation résulterait de la seule infection nosocomiale qu'elle a subie.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, qu'il y a lieu de fixer le préjudice subi par Mme D... à la somme totale de 22 359,49 euros (soit 1 991 euros + 11 302,74 euros + 1 146,75 euros + 3 619 euros + 1 000 euros + 3 300 euros). L'appelante est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité son indemnisation à la somme de 19 420,06 euros. Le centre hospitalier de Lens n'est, quant à lui, pas fondé à demander, à titre subsidiaire, la minoration de certains postes de préjudice.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
16. Le présent arrêt n'ayant pas pour effet de majorer la somme allouée au titre des débours exposés par la CPAM de Lille-Douai, celle-ci n'est pas fondée à demander la réévaluation de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Lens une somme de 2 000 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèces, les conclusions présentées à ce même titre par l'ONIAM et la CPAM de Lille-Douai doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 19 420,06 euros que le centre hospitalier de Lens a été condamné à verser à Mme D... par le jugement attaqué est portée à 22 359,49 euros (vingt-deux mille trois cent cinquante-neuf euros et quarante-neuf centimes).
Article 2 : Le jugement n° 2004707 du tribunal administratif de Lille du 24 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Lens versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au centre hospitalier de Lens, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, au centre hospitalier universitaire de Lille, à la Caisse des dépôts et consignations et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience publique du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. E...Le président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A. Vigor
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA01412