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04/06/2025 | FRANCE | N°24DA01113

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 04 juin 2025, 24DA01113


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'annuler la décision n° 1631/2022 du 6 décembre 2022 par laquelle le préfet de la région Normandie lui a infligé, pour des faits de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit ", une amende administrative de 13 600 euros, une sanction de quatre points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Le Squale " immatriculé LH 557 722 et la même sanction

en sa qualité d'armateur de ce navire ou, à titre subsidiaire, de le dispenser de ces sanc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'annuler la décision n° 1631/2022 du 6 décembre 2022 par laquelle le préfet de la région Normandie lui a infligé, pour des faits de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit ", une amende administrative de 13 600 euros, une sanction de quatre points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Le Squale " immatriculé LH 557 722 et la même sanction en sa qualité d'armateur de ce navire ou, à titre subsidiaire, de le dispenser de ces sanctions ou d'en revoir le quantum.

Par un jugement n° 2300678 du 5 avril 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juin 2024 et 6 février 2025, M. B..., représenté par Me Langlais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la région Normandie en date du 6 décembre 2022 en tant qu'elle lui a infligé des sanctions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du b) du 1° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- il est également irrégulier pour avoir omis de répondre au moyen tiré de l'atteinte aux droits de la défense tenant à ce que la décision attaquée a déduit de son absence d'observation qu'il reconnaissait implicitement sa responsabilité ;

- il est également irrégulier pour n'avoir pas complètement répondu à son moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime ; cette dernière irrégularité résulte du fait que le tribunal a regardé sa requête comme tendant à l'annulation totale de la décision attaquée alors qu'il en demandait seulement l'annulation en tant qu'elle prononce des sanctions à son encontre ; il en résulte une méconnaissance de l'interdiction de statuer ultra petita ;

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ratione temporis et en méconnaissance du délai d'un an prévu par l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime dès lors que les faits ont été constatés le 23 novembre 2021 et que la décision a été prise le 6 décembre 2022 ; en particulier, ces dispositions ne permettaient pas au préfet, après avoir retiré une précédente décision prise dans le respect de ce délai le 17 novembre 2022, de prononcer une nouvelle sanction ;

- elle a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière dès lors, d'une part, qu'en méconnaissance des droits de la défense et de l'article L. 946-5 du code rural et de la pêche maritime, l'autorité administrative ne l'a pas informé des dispositions qu'il aurait enfreintes et, d'autre part, qu'il n'a pas davantage été informé du droit qu'il avait de garder le silence ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas les dispositions législatives et réglementaires qui incrimineraient les faits de " pêche avec un engin dans une zone où son emploi est interdit ", que la mention d'un code NATIF n'est à cet égard pas suffisante, qu'elle ne précise pas davantage les dispositions du code rural et de la pêche maritime au regard desquelles la gravité de l'infraction a été caractérisée, qu'elle ne comporte pas les considérations de fait prises en compte par le préfet pour caractériser en l'espèce la gravité de l'infraction qui lui est reprochée d'avoir commise et qu'elle n'explicite en particulier ni les raisons pour lesquelles l'administration lui a infligé trois sanctions, ni les critères ayant permis d'en déterminer leur quantum ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts ; les constatations du procès-verbal n° 06/2021 du 23 novembre 2021, sur le fondement duquel les sanctions ont été prononcées, n'établissent pas que son navire se soit trouvé en action de pêche dans une zone d'interdiction, à savoir la zone dérogatoire pour le chalutage telle que définie par l'arrêté n° 61/2020 du 9 mars 2020 du préfet de la région Normandie ;

- le quantum des sanctions qu'elle prononce à son encontre est illégal dès lors qu'elle ne caractérise pas la gravité des faits lui étant reprochés tant en qualité d'armateur qu'en qualité de capitaine, que l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime s'oppose à ce que des points de pénalité puissent être cumulativement infligés à une même personne à la fois en sa qualité d'armateur et en celle de capitaine et qu'en application du b) du 1° du même article l'amende administrative prononcée à son encontre ne pouvait en tout état de cause excéder 1 500 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 décembre 2024 et 21 février 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 ;

- le règlement (CE) n°1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 ;

- le règlement (UE) n° 404/2011 de la commission du 8 avril 2011 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté n° 61/2020 du 9 mars 2020 du préfet de la région Normandie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est le capitaine et l'armateur du navire de pêche baptisé " Le Squale ", immatriculé LH 557 722. Le 23 novembre 2021, des agents du service de garde-côtes des douanes Manche Mer du Nord Atlantique ont dressé procès-verbal de constat d'infraction pour des faits de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit " commis par l'intéressé. Par une décision n° 1612/2022 en date du 17 novembre 2022, le préfet de la région Normandie a infligé à M. B..., à raison de ces faits, une amende administrative de 30 000 euros, une sanction de quatre points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire et la même sanction en sa qualité d'armateur. Par une décision n° 1631/2022 en date du 6 décembre 2022, le préfet de la région Normandie, faisant partiellement droit à un recours gracieux dont M. B... l'avait saisi, a ramené le montant de l'amende administrative prononcée à son encontre à 13 600 euros mais a confirmé en revanche les retraits de points. M. B... relève appel du jugement du 5 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le moyen soulevé en première instance par M. B..., tiré de la méconnaissance du délai d'un an prévu par l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime, a été écarté par le tribunal au point 3 de son jugement. Contrairement à ce que soutient le requérant devant la cour, son argumentation selon laquelle ces dispositions s'opposaient à ce que le préfet puisse, après avoir retiré la première décision prise à son encontre le 17 novembre 2022, reprendre une nouvelle décision de sanction le 6 décembre 2022, soit plus d'un an après la constatation des faits litigieux, a été écartée par le tribunal. En effet, celui-ci, après avoir jugé que la décision attaquée devait être regardée, non pas comme procédant au retrait de la décision du 17 novembre 2022, mais comme la réformant, a, ainsi que son office le lui imposait et sans statuer ultra petita, donné toute sa portée utile à la requête de M. B... en la requalifiant comme tendant à l'annulation des sanctions prononcées à son encontre, telles qu'elles résultaient en dernier lieu de la décision du 6 décembre 2022.

3. En deuxième lieu, le moyen soulevé en première instance par M. B..., tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des droits de la défense, a été écarté par le tribunal au point 6 de son jugement. Si M. B... soutient devant la cour que le tribunal n'a pas explicitement statué sur son argument selon lequel la méconnaissance des droits de la défense était en l'espèce constituée par le fait que le préfet a déduit de son absence de réponse au courrier d'information préalable qu'il avait implicitement reconnu les faits lui étant reprochés, d'une part, le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. B... et, d'autre part, celui-ci était, en tout état de cause, inopérant dès lors que la circonstance qu'une décision administrative retiendrait à tort qu'une personne a reconnu les faits lui étant reprochés en raison de l'absence de présentation d'observation dans le cadre de la procédure contradictoire préalable est à elle-seule insuffisante pour caractériser une atteinte aux droits de la défense. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance ait été déterminante, le préfet, comme le tribunal à sa suite, ayant recherché si les faits reprochés à M. B... étaient suffisamment établis.

4. En troisième lieu, le moyen soulevé en première instance par M. B..., tiré de ce que le montant de l'amende prononcée à son encontre aurait dû être calculé sur le fondement des dispositions du b) du 1° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime et non du a) du 1° du même article, a été écarté par le tribunal par des motifs suffisants et proportionnés aux écritures du requérant au point 10 du jugement attaqué. En particulier, le tribunal, après avoir mentionné que les dispositions du a) du 1° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime étaient applicables dès lors que la nature et le volume des produits irrégulièrement capturés étaient connus, pouvait se borner à relever que M. B... ne contestait pas par ailleurs la liquidation de l'amende faite sur le fondement de ces dernières dispositions.

5. Le moyen d'irrégularité du jugement soulevé par M. B..., tiré de son insuffisante motivation, doit, dès lors, être écarté en toutes ses branches.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'objet du litige :

6. Il résulte de l'instruction que, par une décision n° 1612/2022 du 17 novembre 2022, le préfet de la région Normandie a infligé à M. B..., à raison des faits de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit " relevés à son encontre le 23 novembre 2021, une amende administrative de 30 000 euros, quatre points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Le Squale " et la même pénalité en sa qualité d'armateur. M. B... a formé un recours gracieux auprès du préfet de la région Normandie. Par la décision n° 1631/2022 du 6 décembre 2022, le préfet a fait partiellement droit à ce recours gracieux en ramenant le montant de l'amende administrative prononcée à l'encontre de M. B... à 13 600 euros tout en confirmant en revanche les retraits de points. En dépit de sa rédaction et alors qu'il appartient au juge administratif de donner aux décisions administratives qui lui sont déférées leur exacte qualification, cette décision en date du 6 décembre 2022 doit, contrairement à ce que soutient M. B..., être regardée comme se bornant à réformer la décision en date du 17 novembre 2022 et non comme procédant au retrait de cette dernière et au prononcé de nouvelles sanctions. Il s'ensuit qu'en dirigeant ses conclusions contre la décision en date du 6 décembre 2022, M. B... doit en réalité être regardé comme sollicitant l'annulation des sanctions prononcées à son encontre le 17 novembre 2022, telles qu'elles résultent en dernier lieu de la décision du 6 décembre 2022.

En ce qui concerne la régularité des sanctions en litige :

S'agissant de la procédure suivie :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 946-5 du code rural et de la pêche maritime : " Les intéressés sont avisés au préalable des faits relevés à leur encontre, des dispositions qu'ils ont enfreintes et des sanctions qu'ils encourent. L'autorité compétente leur fait connaître le délai dont ils disposent pour faire valoir leurs observations écrites et, le cas échéant, les modalités s'ils en font la demande selon lesquelles ils peuvent être entendus. Elle les informe de leur droit à être assisté du conseil de leur choix ". En outre, de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Ces exigences impliquent qu'une personne faisant l'objet d'une procédure de sanction ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'elle soit préalablement informée du droit qu'elle a de se taire.

8. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 7 janvier 2022, dont M. B... a accusé réception le 8 janvier suivant, les services de la direction départementale des territoires et de la mer de la Seine-Maritime l'ont informé des faits relevés à son encontre, des sanctions administratives susceptibles d'être prononcées et de ce qu'il lui était laissé un délai de quinze jours pour faire valoir ses observations écrites ou orales. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce courrier l'a également précisément informé des dispositions qu'il lui était reproché d'avoir enfreintes et qui étaient susceptibles de fonder des sanctions, à savoir celles des articles L. 945-4, L. 945-5, R. 922-6 et R. 946-6 du code rural et de la pêche maritime ainsi que celles de l'article 3 du règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008. En outre, si M. B... soutient qu'il n'a pas été informé du droit qu'il avait de se taire, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait donné suite à l'invitation qui lui était faite de formuler des observations ou que les sanctions prononcées à son encontre reposeraient de manière déterminante sur des propos qu'il aurait tenus au cours de la procédure. Le moyen de vice de procédure soulevé par M. B... doit, dès lors, être écarté dans ses deux branches.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 2° Infligent une sanction ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En outre, si le second alinéa de l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime confère au recours engagé contre une sanction administrative prise au titre des infractions à la réglementation de la pêche maritime le caractère d'un recours de pleine juridiction, le moyen tiré de ce qu'une décision de sanction prise en application de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime est insuffisamment motivée est opérant dans le cadre de ce recours.

10. En l'espèce, la décision attaquée énonce les considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des sanctions qu'elle prononce à l'encontre de M. B.... En particulier, contrairement à ce que celui-ci soutient, elle vise et mentionne les dispositions des règlements européens et du code rural et de la pêche maritime qui en constituent la base légale, notamment les articles L. 946-1 et R. 946-4 du code rural et de la pêche maritime qui régissent les sanctions administratives en cas d'infraction à la réglementation de la pêche maritime. Ainsi qu'il a été dit au point 8, M. B... avait été précisément informé des dispositions qu'il lui est reproché d'avoir enfreinte par un courrier du 7 janvier 2022 que mentionne expressément la décision attaquée. La décision rappelle également les constatations de fait relevés par le procès-verbal dressé le 23 novembre 2021 au vu desquelles le préfet a considéré que l'infraction de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit " était caractérisée et il a apprécié son degré de gravité. Enfin, concernant le quantum des sanctions prononcées, le nombre de points de pénalité infligé est suffisamment motivé par la seule caractérisation et qualification de l'infraction, compte tenu des dispositions des articles R. 946-4 et R. 946-12 du code rural et de la pêche maritime qui le régissent. Il en va de même du montant de l'amende administrative dès lors que la décision mentionne l'article L. 946-1 qui en précise les critères et qu'elle énonce la nature et le volume des produits irrégulièrement capturés en l'espèce. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des sanctions en litige :

11. Aux termes de l'article 2 du règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008, on entend par " pêche INN ", " les activités de pêche considérées comme illicites, non déclarées ou non réglementées ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Un navire de pêche est présumé pratiquer la pêche INN s'il est démontré qu'il a, en violation des mesures de conservation et de gestion applicables dans la zone d'exercice de ces activités : / (...) / e) utilisé des engins interdits ou non conformes ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 945-4 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Est puni de 22 500 € d'amende le fait : / (...) / 10° De pratiquer la pêche avec un engin ou d'utiliser à des fins de pêche tout instrument ou appareil dans une zone ou à une période où son emploi est interdit ou de détenir à bord ou d'utiliser un engin de manière non conforme aux dispositions fixant des mesures techniques de conservation et de gestion des ressources ; / (...) ".

12. Aux termes de l'article L. 946-1 du même code : " Indépendamment des sanctions pénales qui peuvent être prononcées et sous réserve de l'article L. 946-2, les manquements à la réglementation prévue par les dispositions du présent livre, les règlements de l'Union européenne pris au titre de la politique commune de la pêche et les textes pris pour leur application, y compris les manquements aux obligations déclaratives et de surveillance par satellite qu'ils prévoient, et par les engagements internationaux de la France peuvent donner lieu à l'application par l'autorité administrative d'une ou plusieurs des sanctions suivantes : / 1° Une amende administrative égale au plus : / a) A cinq fois la valeur des produits capturés, débarqués, transférés, détenus, acquis, transportés ou mis sur le marché en violation de la réglementation, les modalités de calcul étant définies par décret en Conseil d'Etat ; / b) A un montant de 1 500 € lorsque les dispositions du a ne peuvent être appliquées. / (...) / 3° L'attribution au titulaire de licence de pêche ou au capitaine du navire de points dans les conditions prévues à l'article 92 du règlement (CE) n° 1224/2009 du 20 novembre 2009 et l'inscription au registre national des infractions à la pêche maritime (...) ".

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 946-6 du même code : " La décision de l'autorité administrative ne peut être prise plus d'un an à compter de la constatation des faits. / (...) ".

14. Il résulte de l'instruction que, le 23 novembre 2021, des agents du service de garde-côtes des douanes Manche Mer du Nord Atlantique ont dressé procès-verbal de constat d'infraction pour des faits de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit " commis par M. B.... Le préfet de la région Normandie a infligé à l'intéressé, à raison de ces faits, une amende administrative de 30 000 euros, quatre points de pénalité en sa qualité de capitaine du navire de pêche " Le Squale " et la même pénalité en sa qualité d'armateur par une décision n° 1612/2022 en date du 17 novembre 2022, dont il n'est pas contesté par M. B... qu'elle lui a été notifiée avant le 23 novembre 2022, soit moins d'un an après la constatation des faits qui lui sont reprochés. Contrairement à ce que soutient M. B..., les dispositions de l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime citées au point précédent ne s'opposaient pas à ce que, postérieurement à l'expiration du délai d'un an qu'elles prévoient, le préfet, sur recours gracieux, décide de réformer ces sanctions, dès lors en particulier qu'il ne les aggravait pas ni n'en prononçait de nouvelles. Ainsi qu'il a été dit au point 6, la décision n° 1631/2022 du 6 décembre 2022, intervenue à la suite d'un recours gracieux de M. B..., se limite à réduire le montant de l'amende administrative prononcée à l'encontre de l'intéressé le 17 novembre 2022 en le ramenant de 30 000 euros à 13 600 euros. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté.

15. En deuxième lieu, par arrêté n° 61/2020 du 9 mars 2020, le préfet de la région Normandie a délimité, au large de la Seine-Maritime, dans la bande côtière de 1,5 à 3 milles, une zone dans laquelle la pêche au chalut est limitée aux seuls chaluts de fond à panneaux ou aux navires répondant à certaines conditions et qui sont spécialement autorisés à cet effet. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal dressé le 23 novembre 2021 par des agents du service de garde-côtes des douanes Manche Mer du Nord Atlantique, qu'à 10h35 un équipage héliporté des douanes a constaté que le chalutier de M. B... se trouvait en action de pêche, funes à l'eau, à la vitesse estimée à moins de 5 nœuds, à la position 49°29'51 N / 000°00'04 W. Si M. B... soutient que ce point ne se situe pas au sein de la zone dérogatoire délimitée par l'arrêté précité du préfet de la région Normandie en date du 9 mars 2020, il ressort toutefois du relevé de sa balise VMS que, ce jour-là, le trait de pêche suivi par son navire est passé à plusieurs reprises au travers de cette zone dérogatoire. En outre, dans son journal de bord électronique, il a déclaré l'engin chalut de fond à panneaux avec un maillage de 80 mm pour la marée du 23 novembre 2021. Il a enfin déclaré avoir capturé et débarqué, pour cette même marée, 1 500 kg de plie et 20 kg de sole. Dans ces conditions, et alors qu'il est constant que le navire de pêche de M. B... ne dispose pas d'une autorisation au titre de la zone dérogatoire délimitée par l'arrêté du préfet de la région Normandie en date du 9 mars 2020 et qu'il ne remplit pas les caractéristiques techniques qui lui permettraient d'en solliciter une, les faits sur lesquels le préfet s'est fondé sont établis, caractérisent l'infraction de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit " prévue par les dispositions citées au point 11 et permettaient le prononcé des sanctions administratives prévues par les dispositions de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime citées au point 12. Le moyen soulevé en ce sens par M. B... doit, dès lors, être écarté.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article 42 du règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 : " 1. Aux fins du présent règlement, on entend par infractions graves : / a) les activités considérées comme de la pêche INN conformément aux critères établis à l'article 3 ; / (...) ". Ainsi qu'il a été dit au point 11, l'article 3 de ce règlement prévoit que l'utilisation d'engins interdits ou non conformes est constitutive de pêche INN. Aux termes de l'article 92 du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 : " 1. Les États membres appliquent, pour les infractions graves visées à l'article 42, paragraphe 1, point a), du règlement (CE) no 1005/2008 et pour les infractions à l'obligation de débarquement visées à l'article 90, paragraphe 1, point c), du présent règlement un système de points sur la base duquel le titulaire d'une licence de pêche se voit attribuer le nombre de points approprié s'il commet une infraction aux règles de la politique commune de la pêche. / (...) / 6. Les États membres appliquent également un système de points sur la base duquel le capitaine d'un navire se voit attribuer le nombre de points approprié s'il commet une infraction grave aux règles de la politique commune de la pêche ".

17. Aux termes de l'article R. 946-4 du code rural et de la pêche maritime : " La présente section définit les "infractions graves", au sens de l'article 42 du règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ainsi que du paragraphe 1 de l'article 90 du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche. / Ces infractions donnent lieu à l'attribution de points de pénalité au titulaire d'une licence de pêche et au capitaine d'un navire de pêche en vertu de l'article 92 du règlement (CE) n° 1224/2009 précité et des dispositions prises pour son application. / (...) ". Aux termes de l'article R. 946-6 du même code : " I.- Constituent une "infraction grave" entrant dans la catégorie n° 2 mentionnée au troisième alinéa de l'article R. 946-4 et donnent lieu à l'attribution de quatre points de pénalité : / (...) / II.- Constituent également une "infraction grave" entrant dans la catégorie n° 2 lorsqu'ils sont commis dans une ou plusieurs des circonstances définies au III : / (...) / 3° La pêche avec un engin ou l'utilisation à des fins de pêche de tout instrument ou appareil dans une zone ou à une période où son emploi est interdit ; / (...) / III.- Les circonstances mentionnées au II sont les suivantes : / 1° En dehors des eaux sous souveraineté ou juridiction française ou des eaux de l'Union européenne ; / 2° En utilisant un engin ou un dispositif de pêche dont le maillage est inférieur d'au moins 2 mm au maillage réglementaire ; / 3° En utilisant un nombre d'engins ou de dispositifs de pêche supérieur d'au moins 10 % au nombre d'engins ou de dispositifs de pêche autorisé ; / 4° La longueur de l'engin ou du dispositif de pêche utilisé est supérieure d'au moins 10 % à la longueur maximale autorisée ; / 5° En utilisant un dispositif altérant gravement la sélectivité de l'engin de pêche ".

18. Aux termes de l'article L. 946-4 du code rural et de la pêche maritime : " Les amendes prévues aux articles L. 946-1 à L. 946-3 sont proportionnées à la gravité des faits constatés et tiennent compte notamment de la valeur du préjudice causé aux ressources halieutiques et au milieu marin concerné ".

19. Il résulte des dispositions précitées que l'infraction de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit " constitue, par détermination légale et réglementaire, une " infraction grave ". En application des dispositions précitées de l'article R. 946-6 du code rural et de la pêche maritime, la caractérisation et qualification de cette infraction donne lieu à une pénalité de quatre points, sans qu'une modulation ne soit possible. En outre, il résulte de l'instruction que, pour déterminer le montant de l'amende administrative prononcée à l'encontre de M. B..., le préfet de la région Normandie a tenu compte de la gravité des faits et du bénéfice qu'il en a retiré, la décision mentionnant notamment la nature et le volume des produits irrégulièrement capturés. Le moyen soulevé par M. B..., tiré de ce que les sanctions n'auraient pas été modulées en fonction de la gravité des faits qui lui sont reprochés tant en qualité d'armateur qu'en qualité de capitaine, doit, dès lors, être écarté.

20. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., les dispositions du 3° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime citées au point 12, éclairées en particulier par les dispositions de l'article 92, notamment son paragraphe 6, du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 citées au point 16, ne s'opposent pas à ce qu'une infraction grave donne lieu à l'attribution de points de pénalité au capitaine du navire mis en cause et à l'attribution de points de pénalité à l'armateur du même navire, quand bien même ces fonctions seraient occupées par une seule et même personne. Le moyen soulevé en ce sens par M. B... doit, dès lors, être écarté.

21. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 15, le préfet de la région Normandie justifie que M. B... a commis l'infraction de " pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit " au cours de la marée du 23 novembre 2021. Il résulte en outre de l'instruction que M. B... a déclaré, au titre de cette même marée, avoir capturé et débarqué 1 500 kg de plie et 20 kg de sole. M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir que ses prises ont été intégralement ou partiellement réalisées dans une zone où la pêche n'était soumise à aucune restriction. Il en résulte que le préfet était à même de déterminer la valeur des produits capturés au cours de la pêche litigieuse ainsi que le montant de l'amende administrative justifiée par la commission de l'infraction sur le fondement des dispositions du a) du 1° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime citées au point 12. En outre, M. B... n'établit ni même n'allègue que le montant de 13 600 euros de l'amende qui lui a été infligée, tel qu'il a au demeurant été réformé à la suite de son recours gracieux, ne tiendrait pas compte de la valeur des produits et de la gravité de l'infraction commise. Le moyen tiré de ce que le montant de l'amende administrative prononcée à son encontre devrait être déterminée en application des dispositions du b) du 1° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime et non du a) de ce même article doit, dès lors, être écarté.

22. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des sanctions prononcées à son encontre. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au préfet de la région Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A. Vigor

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA01113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01113
Date de la décision : 04/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : STREAM AVOCATS & SOLICITORS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-04;24da01113 ?
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