Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2024 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.
Par un jugement n° 2400787 du 30 mai 2024, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Chartrelle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Somme en date du 3 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil désigné au titre de l'aide juridictionnelle d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié à la prise en charge de ses pathologies dans son pays d'origine ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la qualité de son intégration à la société française.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2024, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête de M. A....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., né le 14 octobre 1987, ressortissant de la République de Guinée, déclare être entré irrégulièrement en France le 9 octobre 2014 aux fins d'y solliciter l'asile. Sa demande a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 septembre 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 avril 2016. Il a par la suite été mis en possession, pour des motifs tenant à son état de santé, d'autorisations provisoires de séjour puis de cartes de séjour temporaires. La préfète de la Somme lui en a refusé le renouvellement et l'a obligé à quitter le territoire français par un arrêté du 19 avril 2021, confirmé par un jugement du tribunal administratif d'Amiens n° 2102276 du 28 octobre 2021 et par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Douai n° 21DA02861 du 10 mars 2022. Le 27 avril 2023, il a à nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour des motifs tenant à son état de santé. Par un arrêté du 3 janvier 2024, le préfet de la Somme a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2024 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 visé ci-dessus du ministre de la santé : " (...) L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié (...) ".
3. En l'espèce, à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... s'est prévalu de ce qu'il est atteint d'une hypertension artérielle sévère difficilement contrôlée et de troubles anxieux post-traumatiques. Dans le cadre de la présente instance, il invoque le suivi cardiologique et psychologique dont il bénéficie en France et fait en outre valoir qu'un retour dans son pays d'origine le réexposerait au contexte traumatique à l'origine de ses troubles anxieux et de ce que plusieurs des médicaments lui étant prescrits ne figurent pas sur l'édition 2021 de la liste nationale des médicaments reconnus comme essentiels par la République de Guinée. Toutefois, par son avis en date du 27 novembre 2023, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République de Guinée eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. Si les documents produits par M. A... confirment qu'il bénéficie d'un suivi régulier pour une hypertension artérielle sévère difficilement contrôlée et pour des troubles anxieux post-traumatiques, ils n'établissent pas qu'un suivi comparable ne pourrait pas être organisé en République de Guinée, compte tenu des caractéristiques du système de soins de ce pays. En outre, et alors en particulier qu'il avait fait état à l'appui de sa demande d'asile de faits de persécutions subis non pas en République de Guinée mais au Nigéria, M. A... n'apporte pas d'élément suffisant permettant de déterminer l'origine de ses troubles anxieux et de les relier à son pays d'origine, d'établir qu'un retour dans ce pays l'expose nécessairement à leur aggravation et d'apprécier la nécessité du maintien du lien thérapeutique actuel avec les praticiens assurant son suivi en France. Enfin, la circonstance tirée de ce que certains des médicaments qui lui sont prescrits ne seraient pas inscrits sous leurs dénominations commerciales sur la liste des médicaments reconnus comme essentiels en République de Guinée n'établit pas en elle-même que ces médicaments ou leurs principes actifs ne sont effectivement pas disponibles dans ce pays. Dans ces conditions, le préfet de la Somme n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour sur ce fondement.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est sans charge de famille sur le territoire français et dépourvu de toute attache familiale. S'il justifie avoir suivi des formations depuis son arrivée en France ainsi qu'avoir occupé un poste d'agent de tri dans un centre de déchets entre juin 2018 et juin 2021, il est néanmoins sans emploi à la date de l'arrêté attaqué et ne justifie d'aucun projet sérieux de retour à l'emploi. Il n'établit pas davantage que ses activités professionnelles précédentes lui aient conféré une autonomie matérielle propre à garantir son insertion pérenne dans la société française. Dans le même temps, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne serait pas isolé dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie jusqu'à l'âge de 27 ans et où vivent toujours son épouse et leurs trois enfants. Il n'avance également aucune considération qui serait de nature à empêcher sa réinsertion socio-professionnelle dans ce pays. En particulier, il n'établit pas y être exposé à des craintes pour sa sécurité, alors que sa demande d'asile a par deux fois été rejetées par les autorités compétentes en la matière et qu'il n'a apporté, devant le préfet comme dans le cadre de la présente instance, aucun élément de nature à justifier de l'actualité de ses craintes. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté de son séjour en France, M. A... ne peut être regardé comme ayant établi le centre principal de sa vie privée et familiale sur le territoire français et c'est donc sans porter d'atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale que le préfet de la Somme a pu lui refuser la délivrance d'un titre de séjour et l'obliger à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Somme en date du 3 janvier 2024. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Chartrelle.
Copie en sera adressée au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A. Vigor
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01895