Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.
Par un jugement n° 2400926 du 4 juin 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre 2024 et 8 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Montreuil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 23 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa demande, dans un délai de trois mois et en lui remettant dans l'attente, et dans un délai de 15 jours, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil désigné au titre de l'aide juridictionnelle d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour, en tant qu'elle retient qu'il ne justifie pas de son état-civil, est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait dès lors que le préfet s'est fondé sur les seules analyses documentaires de la police aux frontières à l'exclusion de tous les autres éléments produits, que ces analyses sont erronées, que le préfet s'est abstenu de saisir les autorités maliennes à fin de vérification des documents litigieux, qu'il avait en tout état de cause été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance à raison de sa minorité lors de son arrivée en France et qu'il produit une carte d'identité consulaire et un passeport ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour sur laquelle elle est fondée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... déclare être né le 10 avril 2005, être de nationalité malienne et être entré sur le territoire français le 9 avril 2021. Il a alors été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime. Le 28 avril 2023, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour dans les conditions prévues à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 novembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 21 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".
3. D'une part, ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. D'autre part, lorsqu'il est saisi d'une demande de titre de séjour, à l'appui de laquelle l'étranger doit notamment présenter des justificatifs de son état-civil et de sa nationalité et que les vérifications que le préfet a ordonnées permettent d'établir que ces documents sont irréguliers, falsifiés ou inexacts, cette autorité peut régulièrement rejeter la demande de titre de séjour dont il est saisi au seul motif que l'identité et la nationalité de l'étranger ne sont pas établies, sans qu'il lui soit nécessaire d'examiner en outre la situation de l'intéressé au regard des dispositions invoquées à l'appui de sa demande.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... a produit un jugement supplétif d'acte de naissance n° 2254 du 10 septembre 2021, un acte de naissance n° 3821 du 13 septembre 2021, un extrait d'acte de naissance n° 3821 du 29 décembre 2022 et une carte d'identité consulaire n° 474/CGML/23 délivrée le 22 mars 2023. Le préfet de la Seine-Maritime a soumis les trois premiers documents aux services de la police aux frontières. Par des avis du 24 août 2023, ceux-ci ont estimé que le jugement supplétif est falsifié dès lors, d'une part, que ses mentions pré-imprimées ne sont pas parfaitement alignées et centrées et qu'il comporte des caractères non conformes et, d'autre part, que le support a été altéré et que l'année de délivrance a été modifiée. La police aux frontières a conclu également que l'acte de naissance du 13 septembre 2021 est contrefait dès lors que son fond d'impression n'est pas réalisé en offset, que les coordonnées de l'imprimerie sont absentes, qu'il ne comporte aucun numéro de souche, qu'il ne comporte pas le numéro d'identification nationale des personnes physiques et morales (dit " A... "), qu'il comporte des abréviations et que certaines dates sont écrites en chiffres au lieu de l'être en toutes lettres. Enfin, elle a conclu que l'extrait d'acte de naissance du 29 décembre 2022 est contrefait aussi dès lors que son fond d'impression n'est pas réalisé en offset, qu'il ne comporte pas le numéro A... et que certaines dates sont écrites en chiffres au lieu de l'être en toutes lettres.
6. Compte tenu des anomalies dont ils sont entachés, et en particulier l'altération du support du jugement supplétif ainsi que l'absence de tout numéro de souche sur l'acte de naissance du 13 septembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime était fondé à retenir que les documents d'état-civil produits par M. B... au soutien de sa demande de titre de séjour étaient dépourvus de force probante. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit considéré comme lié par les avis de la police aux frontières et qu'il ait omis de tenir compte des autres éléments de la situation de l'intéressé et d'en faire une appréciation globale. Les mentions de l'arrêté attaqué rendent compte au contraire de ce qu'il a pris en compte la carte consulaire présentée par M. B... ainsi que de la circonstance que les évaluations réalisées au moment de son arrivée en France avaient déjà mis en doute sa minorité. En outre, le préfet pouvait porter cette appréciation sans qu'il soit tenu de saisir préalablement les autorités maliennes à fin de vérification. En effet, contrairement à ce que soutient l'appelant, les dispositions du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger se bornent à prévoir, lorsque les autorités d'un pays étranger sont saisies aux fins de procéder à des vérifications sur un acte d'état-civil qu'elles ont émis, une dérogation aux dispositions de droit commun relatives à l'intervention des décisions implicites. Elles n'ont en revanche ni pour objet ni pour effet d'imposer à l'administration de procéder à cette saisine, dans tous les cas où surviendrait un doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un tel acte. Enfin, la carte d'identité consulaire dont se prévaut également M. B... ainsi que le passeport n° AA2108176 délivré le 6 septembre 2024, produit en appel, dès lors qu'ils ne constituent pas des actes d'état-civil et qu'ils ont été délivrés sur le fondement des documents d'état-civil falsifiés précités, ne sont à eux-seuls pas davantage de nature à justifier de son identité.
7. Dans ces conditions, quand bien même M. B... avait précédemment été confié, sous l'identité dont il se prévaut, aux services de l'aide sociale à l'enfance de la Seine-Maritime par l'autorité judiciaire, dont l'appréciation ne liait pas l'autorité préfectorale, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 47 du code civil et des articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de la Seine-Maritime a pu considérer que la force probante des documents d'état-civil présentés par M. B... et les autres circonstances du dossier n'étaient pas suffisantes pour tenir l'identité qu'il allègue pour établie et qu'il a pu rejeter sa demande de titre de séjour pour ce seul motif. Dès lors, les moyens d'erreur de droit et de fait soulevés par M. B... doivent être écartés.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
9. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, le préfet de la Seine-Maritime a refusé le titre de séjour sollicité par M. B... au seul motif que l'identité de l'intéressé n'était établie. Il n'était ainsi pas nécessaire pour cette autorité de se livrer, en tenant compte des autres éléments qui la caractérisaient, à une appréciation de la situation de l'appelant au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... justifie, à la date de l'arrêté attaqué, d'à peine plus de deux ans et demi de présence en France. Il y est célibataire, sans charge de famille et sans aucune attache familiale. En outre, malgré sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et l'accompagnement dont il a bénéficié depuis son arrivée en France, il n'a validé aucune formation ni obtenu aucun diplôme. Si, à la date de l'arrêté attaqué, il suivait une formation conduisant à un certificat d'aptitude professionnelle, spécialité " production service en restauration ", et s'il justifiait d'un contrat d'apprentissage avec une entreprise de restauration, son insertion demeure récente et précaire et elle n'offre pas de garantie suffisante d'une insertion pérenne dans la société française. Dans le même temps, il n'établit pas qu'il serait isolé en cas de retour au Mali ou qu'il ne pourrait pas s'y réinsérer socialement et professionnellement, notamment à la faveur des qualifications acquises en France. Dans ces conditions, en édictant l'arrêté litigieux, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen en ce sens doit, dès lors et en tout état de cause, être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 12, M. B... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Ainsi qu'il a été exposé aux points 13 à 15, M. B... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cette obligation, invoqué par voie d'exception à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, doit être écarté. Il en résulte que M. B... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de cette dernière.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2023 du préfet de la Seine-Maritime. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Montreuil.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A. Vigor
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01916