Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 mai 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2305783 du 27 février 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2024 et 19 avril 2025, M. B..., représenté par Me Rivière, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord en date du 25 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros hors taxe, à verser à son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué émane d'une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- le préfet ne justifie pas de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours ainsi que celles fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français sont privées de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision octroyant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour l'application des dispositions des articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des article L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 21 mars 2025, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à ses écritures produites en première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à 55 % par décision du 19 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 1er mars 1983, entré en France le 9 novembre 2017, a sollicité le 5 octobre 2022 la délivrance d'un titre de séjour. Il relève appel du jugement du 27 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les moyens tirés de ce que l'arrêté du 25 mai 2023 émane d'une autorité incompétente, est entaché d'un défaut de motivation et procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation doivent être écartés par adoption des motifs retenus aux points 2 à 4 du jugement contesté du 27 février 2024.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français le 9 novembre 2017. S'il se prévaut de sa relation avec une ressortissante française, il n'a conclu avec celle-ci un pacte civil de solidarité que le 17 novembre 2020 et les photographies le montrant en compagnie de sa partenaire en de très rares occasions, les attestations de proches et les documents administratifs que l'intéressé produit ne sont pas de nature à établir l'existence d'une communauté de vie effective antérieure. Cette relation ne présente ainsi qu'un caractère récent à la date de la décision contestée. L'intéressé ne fait en outre état d'aucune autre attache d'une certaine intensité sur le territoire français et en dépit de sa durée de présence sur celui-ci, il ne justifie pas d'une quelconque insertion socio-professionnelle. Dans ces conditions, le centre de ses intérêts ne saurait se trouver en France, alors que M. B... a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie où il exerçait une activité professionnelle. Ainsi, le préfet n'a pas fait une inexacte application des stipulations et dispositions citées au point précédant en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour sur leur fondement.
5. En troisième lieu, M. B... ne remplissant pas les conditions posées par les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas fondé à soutenir que l'autorité préfectorale devait préalablement saisir pour avis la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 432-13 dudit code.
6. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, le préfet en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché ces décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. B....
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ".
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. B... caractérise l'existence de circonstances particulières justifiant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours pour quitter le territoire français. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision octroyant à M. B... un délai de départ volontaire de trente jours d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En sixième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut dès lors qu'être écarté.
10. En septième lieu, l'ensemble des moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écarté, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, des décisions lui octroyant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... réside sur le territoire français depuis le 9 novembre 2017 en situation irrégulière, l'intéressé n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement et sa présence en France ne représente pas une menace à l'ordre public et il a en outre conclu un pacte civil de solidarité en 2020 avec une ressortissante française. Dans ces circonstances particulières, le préfet du Nord a fait une inexacte application des dispositions précitées en interdisant le retour de M. B... sur le territoire français pendant un an. Par suite, cette interdiction de retour pour une durée d'un an doit être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens dirigés contre cette décision.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour pour une durée d'un an prononcée à son encontre par le préfet du Nord dans son arrêté du 25 mai 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui n'annule que la seule interdiction de retour contenue dans l'arrêté préfectoral du 25 mai 2023, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. B....
Sur les frais de l'instance :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2305783 du 27 février 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'interdiction de retour pour une durée d'un an contenue dans l'arrêté du 25 mai 2023.
Article 2 : L'interdiction de retour pour une durée d'un an contenue dans l'arrêté du 25 mai 2023 du préfet du Nord est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Rivière.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A. Vigor
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01934