Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 25 juin 2021 par laquelle le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen n'a pas renouvelé son contrat à compter du 1er septembre 2021 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2104948 du 24 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 février 2024 et 20 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Lerat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 25 juin 2021 du CHU de Rouen ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Rouen une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas à son argumentation et à ses moyens relatifs à l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée, qu'il ne répond pas à son moyen tiré de l'absence de neutralité et d'impartialité de l'enquête administrative et que la motivation est contradictoire ;
- la décision du 25 juin 2021 méconnaît l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pas pu consulter son dossier administratif et les éléments recueillis au cours de l'enquête administrative ni présenter ses observations avant l'édiction de la décision ;
- elle présente le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée et est entachée d'un vice de procédure pour avoir été prise sans que les formalités applicables en matière disciplinaire aient été respectées et en méconnaissance des principes de neutralité et d'impartialité ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que l'autorité administrative n'a pas procédé à une analyse de sa situation professionnelle et s'est placée en situation de compétence liée du fait des avis défavorables émis sur lui ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure dès lors qu'elle constitue une sanction disciplinaire déguisée et qu'elle a été prise dans le seul but de l'évincer du CHU de Rouen et de l'empêcher d'obtenir sa promotion comme professeur des universités-praticien hospitalier ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les témoignages et éléments recueillis au cours de l'enquête publique, partiaux, partiels et non véridiques, ne permettent pas d'établir la réalité des accusations proférées à son encontre et que celles-ci ne faisaient pas obstacle au bon fonctionnement du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2024, le CHU de Rouen, représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête de M. A... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de celui-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,
- les observations de Me Lerat, représentant M. A...,
- et les observations de Me Rajbenbach, représentant le CHU de Rouen.
Considérant ce qui suit :
1. Par contrat signé le 12 octobre 2020, M. B... A..., docteur en médecine, spécialisé en gynécologie et obstétrique, a été recruté par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen en qualité de clinicien au sein du service de clinique gynécologique et obstétricale pour la période du 1er novembre 2020 au 31 août 2021. Par courrier daté du 25 juin 2021, le directeur des affaires médicales l'a informé de la décision de l'établissement de ne pas renouveler son contrat au-delà de sa date d'échéance. M. A... relève appel du jugement du 24 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué mentionne, en son point 7, les considérations ayant conduit les premiers juges à regarder la décision attaquée comme un refus de renouvellement de contrat décidé pour des motifs tenants à l'intérêt du service et, par suite, à écarter la qualification de sanction disciplinaire déguisée proposée par M. A.... Celui-ci n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'ils auraient omis de répondre à ses moyens reposant sur la qualification de la décision attaquée en sanction disciplinaire déguisée, y compris ses moyens de procédure mettant en cause l'absence de respect de la procédure disciplinaire ainsi que des principes de neutralité et d'impartialité. En outre, c'est sans entacher leur jugement de contradiction de motif et sans nuire à son intelligibilité que les premiers juges ont, à leur point 9, à la fois pu relever que la décision n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable formalisée mais aussi que M. A... a en l'espèce été informé des motifs fondant cette décision et qu'il a en tout état de cause eu l'occasion de faire valoir ses observations. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier pour être insuffisamment motivé doit, dès lors, être écarté en toutes ses branches.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la nature de la décision attaquée :
3. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la plainte d'une élève sage-femme signalant le comportement inapproprié de M. A... à son égard le 25 mai 2021, une enquête interne a été conduite au sein du service dans lequel il exerçait. La commission de déontologie de l'UFR santé de l'Université de Rouen a également entendu plusieurs internes en gynécologie ainsi que plusieurs étudiantes en maïeutique. Ces diligences ont mis en évidence, d'une part, le comportement régulièrement inapproprié adopté par M. A... à l'égard des internes et stagiaires de sexe féminin accueillies dans le service et, d'autre part, diverses difficultés dans sa manière de servir et dans ses relations avec les membres des équipes soignantes. Au vu de ces considérations, le CHU de Rouen a décidé de ne pas renouveler le contrat de travail de M. A... au-delà de sa date d'échéance prévue le 31 août 2021. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. A..., le refus de renouveler son contrat a été pris dans le seul intérêt du service, au motif que l'intéressé ne présentait pas les qualités professionnelles et personnelles requises pour l'exercice des fonctions lui étant confiées, et ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée.
En ce qui concerne les moyens soulevés par M. A... :
5. En premier lieu, une décision de non renouvellement à son terme d'un contrat à durée déterminée d'un agent public, même prise pour des raisons tirées de la manière de servir de l'intéressé, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être précédées de la communication du dossier et motivées. Dans ces conditions, et compte tenu de ce que, pour les motifs exposés au point 4, la décision attaquée doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat à son échéance et non une sanction disciplinaire déguisée, les moyens tirés de ce que M. A... n'aurait pas pu consulter son dossier administratif et les éléments recueillis au cours de l'enquête interne et de ce que la décision attaquée du 25 juin 2021 ne serait pas motivée doivent être écartés comme inopérants.
6. En deuxième lieu, dès lors que la décision attaquée du 25 juin 2021 constitue un refus de renouvellement de contrat à son échéance et non une sanction disciplinaire déguisée, le moyen tiré de ce que le CHU de Rouen n'aurait pas suivi la procédure disciplinaire doit être écarté comme inopérant.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes du compte-rendu de l'enquête interne daté du 24 juin 2021, que cette enquête aurait été conduite avec un parti pris défavorable à M. A... et avec la volonté manifeste de lui nuire. Le moyen tiré de la méconnaissance des principes de neutralité et d'impartialité doit, dès lors, être écarté.
8. En quatrième lieu, dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations. En l'espèce, même à supposer qu'une partie des faits au vu desquels le CHU de Rouen a décidé de ne pas renouveler le contrat de M. A... à son échéance aurait pu recevoir une qualification disciplinaire, il ressort des pièces du dossier que M. A... a eu communication du compte-rendu d'entretien relatant la plainte de l'élève sage-femme mentionnée au point 3, qu'il a pu rédiger son propre témoignage et qu'il a été informé des autres faits mettant en cause son comportement, notamment lors d'un entretien avec le chef de service ayant réalisé l'enquête interne le 10 juin 2021. Il s'ensuit que M. A... a été mis à même de faire valoir ses observations et qu'il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire. Son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.
9. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le CHU de Rouen n'aurait, préalablement au prononcé de la décision attaquée, pas procédé à l'examen de la situation professionnelle de M. A.... Il ressort au contraire des pièces du dossier que la décision a été prise au vu des résultats d'une enquête interne au cours de laquelle ont été entendues plusieurs stagiaires accueillies dans le service dans lequel exerçait M. A... ainsi que plusieurs de ses collègues et membres des équipes soignantes avec lesquelles il était amené à travailler. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le CHU de Rouen se serait estimé en situation de compétence liée du fait des témoignages défavorables recueillis au cours de cette enquête. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait, pour ces motifs, entachée d'erreur de droit doit, dès lors, être écarté.
10. En sixième lieu, les témoignages circonstanciés et concordants recueillis au cours de l'enquête interne permettent de tenir pour établi que M. A... a adopté dans l'exercice de ses fonctions un comportement inapproprié à l'égard de stagiaires de sexe féminin accueillies dans son service, prenant notamment la forme de questions insistantes, personnelles et déplacées de nature à faire naître chez elles un sentiment de malaise ainsi que d'une tentative de séduction inappropriée de l'une d'elles le 25 mai 2021 vécue par elle comme une agression, et qu'il a également montré à plusieurs reprises au sein du service des images et vidéos à connotation sexuelle. Les attestations produites par M. A... dans le cadre de la présente instance, dans lesquelles d'anciens collègues ou relations de travail mentionnent ne pas avoir constaté de comportements de ce type par le passé, ne suffisent pas à établir l'inexactitude des faits ainsi relevés. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'enquête interne, notamment les entretiens avec les collègues de M. A... et les membres des équipes avec lesquelles il était amené à travailler, a également mis en évidence des difficultés relationnelles et de communication, sans que M. A... n'apporte d'élément en sens contraire. Compte tenu de l'incidence négative que ces comportements étaient susceptibles d'exercer sur le fonctionnement du service et, par suite, sur la qualité des soins y étant dispensés, ces considérations, quand bien même elles n'ont pas empêché la poursuite de la relation de travail jusqu'à son terme, étaient de nature à justifier que celle-ci ne soit, dans l'intérêt du service, pas poursuivie au-delà. Il s'ensuit que c'est sans erreur de faits ni erreur manifeste d'appréciation que le CHU de Rouen a pu décider de ne pas renouveler le contrat de travail de M. A... au-delà de son échéance prévue le 31 août 2021 et les moyens que celui-ci soulève en ce sens doivent, dès lors, être écartés.
11. En septième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que, contrairement à ce que soutient M. A..., la décision attaquée est justifiée par des considérations ayant trait à l'intérêt du service et qu'elle ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le CHU de Rouen ait fait preuve à son égard d'une animosité caractérisée ou qu'il ait manifestement eu l'intention de lui nuire. Le détournement de pouvoir et de procédure n'est donc pas établi et le moyen soulevé en ce sens par M. A... doit, dès lors, être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du CHU de Rouen en date du 25 juin 2021 de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée au-delà de son échéance prévue le 31 août 2021, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Rouen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celui-ci la somme de 2 000 euros que le CHU de Rouen demande au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera au CHU de Rouen une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier universitaire de Rouen.
Délibéré après l'audience publique du 27 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A. Vigor
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA00226