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25/06/2025 | FRANCE | N°24DA01864

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 25 juin 2025, 24DA01864


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.



Par un jugement n° 2400517 du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour : >


Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2024, Mme C..., représentée par Me Danset-Vergoten, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 2400517 du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2024, Mme C..., représentée par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord en date du 6 octobre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de résident portant la mention " visiteur " ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de la convention du 31 juillet 1993 entre la France et le Congo relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 11 de la convention du 31 juillet 1993 entre la France et le Congo relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation .

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation .

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Congo du 31 juillet 1993 relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante congolaise née le 5 septembre 1965, a sollicité le 2 janvier 2023 le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " visiteur " ou la délivrance d'une carte de résident valable 10 ans. Par sa requête, elle relève appel du jugement n° 2400517 du 11 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2, 8, 10 et 11 de leur jugement, les moyens repris en appel par Mme C..., sans autre précision, tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte refus de séjour, de l'absence d'examen particulier préalablement à son édiction, de la méconnaissance des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celle des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des parties contractantes établis sur le territoire de l'autre partie peuvent obtenir un titre de séjour de longue durée, dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil. / Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit. ". Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans. / Les années de résidence sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " retirée par l'autorité administrative sur le fondement d'un mariage ayant eu pour seules fins d'obtenir un titre de séjour ou d'acquérir la nationalité française ne peuvent être prises en compte pour obtenir la carte de résident prévue au premier alinéa. / Les ressources mentionnées au premier alinéa doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. / La condition de ressources prévue au premier alinéa n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que si, en application des stipulations précitées de l'article 11 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993, les ressortissants congolais peuvent prétendre à la délivrance d'une carte de résident dès lors qu'ils justifient de trois années de résidence régulière et ininterrompue sur le territoire français, et non à l'issue des cinq années de présence prévues à l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ne peuvent obtenir ce titre que s'ils remplissent les autres conditions cumulatives prévues par les autres dispositions de l'article L. 426-17 et notamment l'existence de ressources stables, régulières et suffisantes permettant à l'étranger de subvenir à ses besoins.

5. En l'espèce, Mme C... produit, pour la première fois en appel, des relevés de compte bancaire qui démontrent qu'elle a perçu au cours de la période allant du mois de juin à décembre 2022 une somme totale de 71 648,59 euros, soit une moyenne mensuelle de 11 911,43 euros, et, pour la période de janvier à septembre 2023, une moyenne mensuelle de 8 674,35 euros. Toutefois, en se bornant à produire de tels éléments pour une période de seulement quatorze mois précédant l'arrêté attaqué et alors que ces revenus sont essentiellement constitués de virements ponctuels de membres de sa famille et de dividendes d'une société, l'appelante n'établit pas qu'elle dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins au sens des stipulations et dispositions mentionnées au point 3 du présent arrêt. Par suite, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application de celles-ci en refusant de délivrer une carte de résident à la requérante et le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de s'établir sur le territoire de l'autre Etat sans y exercer une activité lucrative doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier de la possession de moyens d'existence suffisants. ". Aux termes de l'article 10 de cette convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants congolais doivent posséder un titre de séjour / (...) / Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'Etat d'accueil ". Aux termes de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources, dont le montant doit être au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, indépendamment de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale et de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " d'une durée d'un an. / Il doit en outre justifier de la possession d'une assurance maladie couvrant la durée de son séjour et prendre l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle. / Par dérogation à l'article L. 414-10, cette carte n'autorise pas l'exercice d'une activité professionnelle (...) ".

7. Eu égard au montant des ressources dont la requérante a bénéficié au cours de la période allant de juin 2022 à septembre 2023 tel qu'il est mentionné au point 5, il est établi que Mme C... dispose de moyens d'existence suffisants au sens des stipulations et pour l'application des dispositions précitées. Dès lors, le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation en refusant, par l'arrêté du 6 octobre 2023, de lui délivrer un titre de séjour sur leur fondement. Par suite, le refus de carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " édicté à l'encontre de la requérante doit être annulé ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 octobre 2023 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur ", qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et qu'il fixe le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui annule partiellement l'arrêté préfectoral du 6 octobre 2023, implique nécessairement, eu égard à ses motifs et sous réserve d'un changement de circonstances de droit et de fait à la date de la nouvelle décision du préfet du Nord, qu'il soit enjoint à celui-ci de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Danset-Vergoten, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme D... la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2400517 du 25 avril 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 6 octobre 2023 en tant qu'il refuse la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " à Mme C..., qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et qu'il fixe le pays de destination.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Nord en date du 6 octobre 2023 est annulé en tant qu'il refuse la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " à Mme C..., qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et qu'il fixe le pays de destination.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord, de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Danset-Vergoten une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Danset-Vergoten renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me Danset-Vergoten.

Délibéré après l'audience publique du 27 mai 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A. Vigor

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

N°24DA01864 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01864
Date de la décision : 25/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-25;24da01864 ?
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