Vu la décision en date du 11 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, par application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906, le recours présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ;
Vu enregistré le 11 novembre 1988 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le recours présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ;
Le ministre demande :
1°) la réformation du jugement du 6 juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de Nice a accordé à la société Siapa qui a son siège au Portugal, décharge de la différence entre l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1980 et celui calculé sur une base de 28 000 francs,
2°) que la société Siapa soit rétablie au rôles de l'impôt sur les sociétés afférent à l'exercice 1980 à raison de l'intégralité des droits et majorations qui lui avaient été assignés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 5 février 1991 :
- le rapport de M. Lanquetin, conseiller ;
- et les conclusions de M. Chavrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL Siapa, dont le siège est à Lisbonne (Portugal) a été assujettie par voie de taxation d'office, pour défaut de déclarations de ses résultats dans le délai légal, à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1980 à raison d'une part, des revenus, taxés sur le fondement de l'article 209 A alors en vigueur du code général des impôts, provevant de la location d'un bien immobilier lui appartenant situé à Cannes, et à raison d'autre part de la plus-value, taxée au taux réduit de 15 %, réalisée lors de la vente du même bien le 6 novembre 1980 ; que la société Siapa a été imposée en outre à la retenue à la source de l'impôt sur le revenu au titre des années 1979 et 1980 ; que par jugement en date du 6 juillet 1988 le tribunal administratif de Nice a donné partiellement satisfaction à la société Siapa en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés en la dégrevant d'une partie de cette imposition et a rejeté le surplus de sa demande ; que le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget forme un recours contre le jugement précité cependant que la société Siapa présente un appel incident visant tant l'impôt sur les sociétés que les autres points de sa requête rejetés par le tribunal administratif ;
Sur les conclusions de l'appel principal et de l'appel incident concernant l'impôt sur les sociétés ;
Considérant que le ministre admet que la base d'imposition retenue pour le calcul de la partie de l'impôt sur les sociétés afférente aux revenus locatifs de la société Siapa a été déterminée à tort sur le fondement des dispositions de l'article L.209 A du code général des impôts ; qu'il soutient toutefois que celle-ci était imposable à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206-1 du code général des impôts et demande en vertu de l'article L.203 du même code, que le dégrèvement résultant de l'abandon de la base d'imposition erronée soit compensée par l'insuffisance constatée selon lui dans la liquidation de l'impôt sur les sociétés en raison de l'imposition de la plus-value réalisée lors de la cession de l'immeuble au taux réduit de 15 % au lieu du taux de droit commun de 50 % applicable au titre de l'exercice 1980 ;
En ce qui concerne l'assujettissement de la société Siapa à l'impôt sur les sociétés :
Considérant que si la convention fiscale conclue entre la France et le Portugal le 14 janvier 1971 stipule en son article 7-1 que : "les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat", ladite convention précise au paragraphe 6 du même article que : "lorsque les bénéfices comprennent des éléments de revenu traités séparément dans d'autres articles de la convention, les dispositions de ces articles ne sont pas affectées par les dispositions du présent article." ; que les article 6-1 et 14-1 de la convention prévoient que les revenus provenant des biens immobiliers et les gains provenant de l'aliénation de ces biens sont imposables dans l'Etat contractant où les immeubles sont situés ; qu'aux termes de l'article 206-1 du code général des impôts : "... sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quelque soit leur objet ... les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié" ; que l'article 244 bis A du code général des impôts, qui soumet à un prélèvement d'un tiers les plus-values immobilières réalisées en France par les sociétés, quelle qu'en soit la forme, ayant leur siège social à l'étranger, n'exclut pas que ces plus-values soient imposées à l'impôt sur les sociétés ;
Considérant que la société Siapa ne saurait en tout état de cause se prévaloir, sur le fondement de l'article L80 du livre des procédures fiscales, du bénéfice de la doctrine administrative exprimée dans l'instruction du 13 avril 1983 (BODGI 7 Q I 83) dès lors que ladite instruction est postérieure à la date de mise en recouvrement de l'imposition litigieuse ; qu'elle ne peut davantage utilement invoquer la circulaire n° 2256 du 10 août 1949, dès lors que l'administration y précise que sont soumises à l'impôt sur les sociétés, les sociétés de capitaux qui se bornent à gérer un patrimoine immobilier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Siapa était passible en France en 1980, de l'impôt sur les sociétés sur les revenus de son bien immobilier et sur les profits résultant de la vente de ce bien, alors même qu'elle n'y disposait d'aucun établissement stable ; qu'elle devait de fait souscrire les déclarations de résultats prévues par l'article 223-1 du code général des impôts ;
En ce qui concerne la demande de compensation :
Considérant que si le non-respect de la condition d'affectation d'une plus-value à une réserve spéciale à laquelle l'article 209 quater I du code général des impôts subordonne l'application du taux de 15 % ne peut, en principe, être constaté qu'au cours de l'exercice qui suit la réalisation de cette plus-value, il en va différemment dans les cas où la plus-value a été appréhendée, aussitôt que réalisée, par les associés ;
Considérant que la société Siapa n'exerçait en France aucune autre activité que celle consistant à exploiter le bien immobilier litigieux ; qu'ainsi, son aliénation a entraîné dans ce pays la cessation totale de ladite société ; que cette cessation d'activité a emporté la distribution immédiate des bénéfices qu'elle a réalisés ; que par suite la plus-value devant être rattachée aux bénéfices de l'exercice clos en 1980 était imposable au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant que la liquidation opérée au taux de 50 % de l'ensemble des droits afférents à l'impôt sur les sociétés dû par la société Siapa, aboutissant, ainsi qu'il résulte de l'instruction, à un montant d'imposition supérieur au montant de l'imposition initialement mise en recouvrement, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a refusé de faire droit à la demande de compensation opposée par l'administration sur le fondement de l'article L.209 du livre des procédures fiscales ; qu'il y a donc lieu par réformation du jugement attaqué de remettre à la charge de la société Siapa la totalité des cotisations d'impôt sur les sociétés en droits et pénalités dégrevées par les premiers juges et de rejeter par voie de conséquence son appel incident tendant au dégrèvement de l'imposition laissée à sa charge par le tribunal administratif ;
Sur les autres conclusions de l'appel incident :
Considérant que les conclusions de l'appel incident relatives à la retenue à la source effectuée en 1979 et à la restitution des frais engagés pour obtenir le sursis à paiement de la retenue à la source afférente à l'année 1980 ont trait à un litige distinct de celui objet de l'appel principal du ministre ; qu'elles sont par suite irrecevables ;
Article 1er : L'impôt sur les sociétés auquel la société Siapa a été assujettie au titre de l'année 1980 est remis intégralement à sa charge.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 juillet 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La demande de la société Siapa devant le tribunal administratif concernant l'impôt sur les sociétés et les conclusions de l'appel incident de ladite société sont rejetées.