Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2010 à la Cour, présentée pour Mme Ivanilsa A domiciliée chez M. B ..., par Me Hassid ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001338, en date du 18 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 17 novembre 2009 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, en cas d'annulation du refus de titre de séjour, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ré-instruction de sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de lui délivrer une assignation à résidence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que :
- le préfet n'ayant pas saisi la commission du titre de séjour, la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- ladite décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;elle est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- elle méconnait en outre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des deux décisions précédentes ;
- elle méconnaît en outre les stipulations de l'article 3-1 de la convention susmentionnée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2010, présenté pour le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de Mme A au paiement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
- le moyen tiré du vice de procédure n'est donc pas fondé ;
- la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressée ;
- les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent donc être écartés ;
- que la décision litigieuse n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle ne méconnait pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- Mme A ne peut pas se prévaloir d'une exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- cette dernière décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- la requérante ne peut pas exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre et de la mesure d'éloignement à l'appui de sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination ;
- cette dernière décision ne méconnait pas les stipulations des articles 8 et 3-1 des conventions susmentionnées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2011 :
- le rapport de M. Vivens, président ;
- les observations de Me Hassid, avocat de Mme Ivanilsa A ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que Mme A, de nationalité capverdienne, est entrée en France à la date déclarée du 28 décembre 2007 ; qu'elle a sollicité, le 29 septembre 2009, la délivrance d'un titre de séjour mention vie privée et familiale ; que cette demande a été rejetée le 17 novembre 2009 par décision du préfet du Rhône assortie d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination ; que Mme A relève appel du jugement du 18 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ; qu'aux termes de l' article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que Mme A soutient être entrée en France en décembre 2007 ; qu'elle fait valoir qu'elle vit avec son concubin de nationalité guinéenne qui est atteint d'une hépatite B chronique nécessitant un traitement en France et avec lequel elle a eu un enfant âgé de 8 mois et qu'en outre, sa mère a besoin d'elle à ses côtés en raison de sa mauvaise santé et de l'autisme de son demi-frère, âgé de 16 ans ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'au jour de la décision attaquée, le concubin de Mme A était lui-même en situation irrégulière, la circonstance que ce dernier ait obtenu, postérieurement à la décision attaquée, la délivrance d'un titre de séjour temporaire étant sans incidence sur la légalité de celle-ci ; que, par ailleurs, les documents produits ne démontrent pas le caractère indispensable de la présence de l'intéressée auprès de sa mère ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'a pas, par elle-même, pour effet de séparer les enfants de leurs parents ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations sus rappelées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par le préfet (...) lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 31411 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que Mme A n'établissant pas qu'elle était fondée à se voir délivrer le titre de séjour prévu par ces dispositions qu'elle avait sollicité, le préfet du Rhône n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre ; qu'ainsi, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, que pour contester l'obligation de quitter le territoire français, Mme A excipe de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; que les moyens tirés de l'illégalité de cette dernière décision ayant été écartés, ce moyen doit être également écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la mesure faisant obligation à la requérante de quitter le territoire français n'ayant ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant du couple de ses parents, elle ne peut être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants au sens des stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes raisons que celles énoncées ci-avant, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant que l'illégalité des décisions refusant à Mme A la délivrance du titre de séjour sollicité et lui faisant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen, soulevé par l'intéressée, tiré de ce que l'illégalité des décisions susmentionnées aurait pour effet d'entacher, par voie d'exception, d'illégalité la décision querellée fixant le pays de destination, doit être écarté ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, malgré leurs nationalités différentes, Mme A et son concubin ne seraient pas légalement admissibles dans le même pays, où ils pourraient se rendre, accompagnés de leur enfant, afin d'y poursuivre leur vie familiale, alors que son compagnon est lui-même en situation irrégulière au jour de la décision d'éloignement ; que, dès lors, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celle de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner Mme A à verser une somme au profit de l'Etat au titre des frais irrépétibles ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet du Rhône tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Ivanilsa A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône .
Délibéré après l'audience du 30 mai 2011 à laquelle siégeaient :
M. Vivens, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Stillmunkes, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2011.
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N° 10LY01799