Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'établissement public médico-social (EPMS) Les Ateliers du Cheney a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1402712 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 octobre 2015, l'EPMS Les Ateliers du Cheney, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 juillet 2015 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts n'est pas applicable aux personnes publiques ;
- son activité entraîne une distorsion dans les conditions de la concurrence, de sorte qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 B du code général des impôts tel qu'interprété par la doctrine administrative reprise sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10 ;
- au regard de ces éléments, son rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires est inférieur à celui en-dessous duquel ladite taxe n'est pas due.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens présentés par l'EPMS Les Ateliers du Cheney n'est fondé.
Par une ordonnance du 19 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- les conclusions Mme Bourion, rapporteur public ;
1. Considérant que l'établissement public médico-social (EPMS) Les Ateliers du Cheney, établissement et service d'aide par le travail, a opté pour l'assujettissement de son activité de production à la taxe sur la valeur ajoutée, en application des articles 195 B à 195 D de l'annexe II au code général des impôts ; que son activité d'hébergement de travailleurs handicapés étant en revanche exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, il était soumis à la taxe sur les salaires selon un rapport d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de 82 % ; qu'estimant que cette activité devait être également soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, l'EPMS Les Ateliers du Cheney en a déduit que ce rapport d'assujettissement à cette taxe était en réalité de 98 %, soit un pourcentage supérieur au seuil de 90 % au-dessus duquel une entreprise n'est pas assujettie à la taxe sur les salaires en application de l'article 231 du code général des impôts ; que par une décision du 9 août 2014, l'administration a cependant rejeté la réclamation de l'EPMS Les Ateliers du Cheney tendant au dégrèvement de cette taxe au titre des années 2011 et 2012 ; que cet établissement relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires " lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) " ; qu'aux termes de l'article 256 B du même code : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence (...) " ;
4. Considérant que ces dernières dispositions ont été prises pour l'adaptation de la législation nationale à l'article 4, paragraphe 5, de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, dont les dispositions sont reprises à l'article 13 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, qui impliquent notamment que soient assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les activités et opérations accomplies par les établissements publics, dans le cas où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance, et ceci alors même qu'elles seraient accomplies en tant qu'autorités publiques ; que par un arrêt du 16 septembre 2008, C-288/07, Isle of Wight Council et autres, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que les distorsions de concurrence d'une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l'activité en cause, en tant que telle, sans que cette évaluation porte sur un marché local en particulier ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. (Organismes d'utilité générale) : (...) 1° (...) b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient (...). " ;
6. Considérant que le prix d'une journée d'hébergement à l'EPMS Les Ateliers du Cheney ayant été fixé par le département de l'Yonne, son activité entre en concurrence avec les organismes de droit privé sans but lucratif, dont le prix a également été homologué, qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lesquels sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, son non-assujettissement n'entraîne aucune distorsion de concurrence avec ces organismes ; que si l'EPMS Les Ateliers du Cheney fait valoir que son activité d'hébergement peut potentiellement être exercée par des organismes de droit privé à but lucratif, il est également constant que tout bénéficiaire de la prestation d'hébergement qu'il fournit doit verser les deux tiers de son salaire, 90 % de l'allocation d'adulte handicapé, la totalité de l'allocation logement et, le cas échéant, la prime pour l'emploi qu'il perçoit ; que ces éléments montrent que cette prestation fait l'objet d'une tarification sociale qui n'est pas compatible avec l'exercice d'une activité lucrative ; que les conditions particulières d'exploitation de l'EPMS Les Ateliers du Cheney excluent donc que son activité puisse être regardée comme entrant en concurrence avec une activité lucrative d'hébergement de personnes handicapées, qu'elle soit effective ou potentielle ; que, pour les mêmes motifs, l'EPMS Les Ateliers du Cheney doit être regardé comme une personne publique agissant en tant qu'autorité publique au sens de l'article 13 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; qu'il en résulte que l'EPMS Les Ateliers du Cheney n'est pas fondé à soutenir que son activité d'hébergement de personnes handicapées serait passible de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par voie de conséquence, son rapport d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'application de l'article 231 précité est inférieur à 90 %, de sorte qu'il est assujetti à la taxe sur les salaires ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EPMS Les Ateliers du Cheney n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquences, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EPMS Les Ateliers du Cheney est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EPMS Les Ateliers du Cheney et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 2 février 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mars 2017.
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N° 15LY03213