Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...D...et Mme B...E..., épouse D...ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 3 janvier 2017, leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1700863-1700873 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2017, M. et MmeD..., représentés par Me Guérault, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2017 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, en cas d'annulation des refus de titre de séjour, de leur délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, en cas d'annulation des obligations de quitter le territoire français, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Ils soutiennent que :
S'agissant des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour :
- la décision concernant Mme D...méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux jugements du tribunal administratif de Lyon des 23 mai 2013 et 2 juillet 2015 ;
- les décisions ont été prises en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- elles ont été prises en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2017 le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Carrier, rapporteur.
1. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants arméniens, sont entrés irrégulièrement en France le 7 décembre 2009, avec leur deux fils ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées, en dernier lieu, par la cour nationale du droit d'asile le 19 juillet 2012 ; qu'ils ont alors sollicité la délivrance de titres de séjour en se prévalant de l'état de santé de Mme D... ; qu'en exécution des jugements du tribunal administratif de Lyon des 23 mai 2013 et 2 juillet 2015 annulant les refus de titre de séjour qui leur avaient été opposés, ils ont obtenu la délivrance d'un titre de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, valable du 23 mai 2013 au 22 mai 2014 puis du 2 juillet 2015 au 1er juillet 2016 ; que, par arrêtés du 3 janvier 2017, le préfet du Rhône a refusé aux époux D...le renouvellement de leur titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. et Mme D...font appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur les décisions de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ". ; qu'aux l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...)" ;
3. Considérant qu'il incombe au préfet de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de disposer d'une information complète sur l'état de santé de l'étranger, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine ;
4. Considérant qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a fait l'objet d'une intervention chirurgicale consistant en une exérèse d'un méningiome en 2006 ; qu'elle conserve de cette opération des séquelles sous la forme d'une hémiparésie droite et de crises d'épilepsie mal maitrisée ; qu'elle souffre en outre d'un syndrome dépressif ; que, par des avis de 20 juin 2012 et 12 mai 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a notamment estimé que l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pouvait pas voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, c'est d'ailleurs, en se fondant sur cette impossibilité de voyager, que le tribunal administratif de Lyon a, par jugement des 23 mai 2013 et 2 juillet 2015, annulé le refus de délivrance d'un titre de séjour qui avait été opposé à Mme D... ; que, dans l'avis du 25 juillet 2016 que le préfet a visé dans la décision attaquée, le médecin de l'agence régionale de santé ne s'est pas formellement prononcé sur la capacité de Mme D...à voyager ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits, qu'à la date de la décision attaquée, l'état de santé de Mme D...n'avait pas sensiblement évolué par rapport à ce qu'il était lorsque le médecin de l'agence régionale de santé avait émis les 23 mai 2013 et 2 juillet 2015 les avis susmentionnés ; qu'en outre, un certificat médical du 2 mai 2017 émis par le neurologue qui suit MmeD..., précise que " tout déplacement est à risque et, qu'en l'état, la patiente ne peut envisager un voyage long en avion du fait de son état de santé neurologique " ; que, le préfet n'apporte pour sa part aucun élément de nature à établir qu'à la date à laquelle il a pris sa décision la requérante était en mesure de voyager sans risque ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision refusant de renouveler le titre de séjour de Mme D...doit, par suite, être annulée ; que les décisions faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'épouse de M. D...nécessitait des soins et qu'elle ne pouvait voyager vers son pays d'origine ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment à l'impossibilité pour Mme D...de pouvoir voyager vers l'Arménie, le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de M. D...en refusant de lui délivrer un titre de séjour ; qu'il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision refusant de renouveler le titre de séjour de M. D...doit être annulée ; que les décisions faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que le juge de l'injonction, saisi de conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, est tenu de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de son arrêt ;
8. Considérant que le présent arrêt, qui annule les décisions de refus de titre de séjour du 3 janvier 2017 du préfet du Rhône et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre le titre sollicité aux requérants ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à M. et Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que M. et Mme D...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Guérault, avocat de M. et Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Guérault, au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2017 est annulé.
Article 2 : les arrêtés du 3 janvier 2017 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de renouveler le titre de séjour de M. et MmeD..., leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. et Mme D...une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Guérault la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme B...E..., épouseD..., à Me Guérault et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Carrier, président,
Mme C...et Mme Caraës, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 5 avril 2018.
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N° 17LY02880