Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme I... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 avril 2016 du préfet du Rhône portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de destination.
Par un jugement n° 1603616 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2016, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 octobre 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ou de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que, dès lors que le préfet n'avait pas statué au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne s'était pas livré à un examen réel et sérieux de sa situation ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la consultation du fichier Visabio n'a pas été effectuée par une personne désignée et spécialement habilitée par le préfet ;
- le préfet a considéré à tort et sans procéder aux vérifications qui s'imposaient qu'elle avait indûment bénéficié d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru lié par le refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2017 et un nouveau mémoire enregistré le 8 juin 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'éventuelle méconnaissance des dispositions relatives à la consultation fichier Visabio par une personne individuellement désignée et spécialement habilité est sans influence sur la légalité de la décision de refus de séjour ;
- les autres moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention de coopération en matière judiciaire entre la République française et la République populaire du Congo signée à Brazzaville le 1er janvier 1974 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., se disant ressortissante de la République du Congo, a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Rhône dans le courant de l'année 2015. Le 12 février 2016, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant cette prise en charge et sa situation familiale, caractérisée par la naissance d'un enfant en décembre 2014. A l'occasion de l'instruction de cette demande, la consultation du fichier " Visabio " a montré que l'intéressée avait précédemment formé deux demandes de visa auprès des autorités françaises sous couvert de deux autres identités correspondant à des personnes respectivement nées en 1996 et en 1986. Le préfet du Rhône, considérant de ce fait qu'elle avait été prise en charge par fraude et que les documents fournis à l'appui de sa demande ne pouvaient être considérés comme authentiques, a, par un arrêté du 18 avril 2016, refusé de régulariser sa situation et lui a fait obligation de quitter le territoire. Elle relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre au détail de l'argumentation de la demande dont ils étaient saisis ont répondu, dans les points 3 et 4 du jugement attaqué, aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de refus de titre de séjour opposé à Mme C... et à celui tiré de ce que l'autorité administrative ne se serait pas livrée à un examen particulier de sa situation. Le jugement, qui est suffisamment motivé, n'est donc entaché d'aucune omission à statuer.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est autorisée la création, sur le fondement de l'article L. 611-6, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé VISABIO, relevant du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de l'immigration (...) ". Selon l'article R. 611-12 du même code : " I.-Les destinataires des données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article R. 611-8 sont : / (...) 2° Les agents des préfectures et ceux chargés de l'application de la réglementation relative à la délivrance des titres de séjour, au traitement des demandes d'asile et à la préparation et à la mise en oeuvre des mesures d'éloignement individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'accès aux données du fichier " Visabio " est réservé à ceux des agents des préfectures instruisant une demande de titre de séjour, une demande d'asile ou une mesure d'éloignement qui ont été personnellement habilités à cette fin par l'autorité préfectorale. Ces dispositions constituent des garanties pour le gestionnaire du fichier et pour ses utilisateurs, pour lesquels la limitation d'accès des personnes qualifiées garantit la confidentialité et l'intégrité du fichier concerné, mais aussi et surtout pour toute personne dont les données nominatives font l'objet du traitement en cause, ainsi assurée, notamment, de la fiabilité des données au vu desquelles sera instruite sa situation. Dans les cas où la consultation de ce fichier est à l'origine du motif de refus qui a été opposé à l'étranger, le moyen tiré du défaut d'habilitation l'agent qui s'est livré à cette consultation est, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, opérant.
5. Cependant, les seules allégations de Mme C... contestant l'habilitation de l'agent qui a consulté ce fichier, allégations qui ne sont étayées par aucun élément objectif, ne sont pas de nature à faire naître un doute sur l'habilitation de l'agent qui a instruit son dossier. Le moyen tiré du vice de procédure doit, dès lors, être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier17 que la demande de Mme C... tendait à la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " prévue par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que le formulaire complété par l'intéressée le 12 février 2016 indique, en regard de la rubrique " type(s) de titre de séjour demandé(s) ", la mention : " vie privée et familiale ". L'absence de référence aux dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la décision attaquée n'est donc révélatrice d'aucune carence dans l'attention portée à l'examen de la situation de l'appelante. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision, que le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme C... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact, le juge administratif formant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
8. A l'appui de sa demande de titre de séjour, Mme C... a produit un acte de naissance établi le 23 juillet 2013 à Brazzaville, mentionnant que la nommée Richka Emmane est née le 6 mai 1997 à Pointe Noire, ainsi qu'un passeport correspondant à cette identité, délivré à Pointe Noire le 27 août 2013 et portant cette date de naissance. Pour considérer que Mme C... avait indûment bénéficié, par fraude sur son âge et son identité, d'une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Rhône, et lui refuser de ce fait le titre sollicité, le préfet s'est fondé sur la consultation de la base de données Visabio à partir du relevé de ses empreintes digitales, qui a montré que l'intéressée avait présenté deux demandes de visa sous deux identités différentes, à l'occasion desquelles elle avait respectivement déclaré être née le 5 mai 1996 puis le 7 septembre 1986. De tels éléments versés au dossier par le préfet du Rhône pouvaient lui permettre de considérer que Mme C... avait fait des déclarations mensongères, ce que reconnaît d'ailleurs cette dernière à propos de ses demandes de visas. Toutefois, il ne pouvait, de ce seul fait, en déduire que les actes produits par l'intéressée à l'appui de sa demande de titre de séjour étaient irréguliers, falsifiés ou inexacts. Ainsi, en inférant des seuls éléments contenus dans la base Visabio le caractère irrégulier, falsifié ou inexact de l'acte d'état civil produit devant lui, le préfet du Rhône a commis une erreur de droit.
9. Il ressort cependant du refus de titre attaqué que le préfet s'est également fondé, pour refuser la délivrance du titre sollicité, sur le caractère récent de l'entrée en France de l'intéressée, sur l'absence de vie privée et familiale ancienne et stable, sur le fait qu'elle ne justifiait ni de ses moyens d'existence, ni de son insertion, ni être sans liens avec son pays d'origine et sur le fait que sa situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant une admission exceptionnelle au séjour. Il résulte ainsi de l'instruction que le préfet du Rhône aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les autres motifs qui y sont mentionnés.
10. Enfin, Mme C... reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs du jugement du tribunal administratif.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de séjour que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) ".
13. Par l'arrêté attaqué, le préfet du Rhône a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme C... et a suffisamment motivé cette décision, ainsi qu'il a été dit au point 3. En vertu des dispositions précitées du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision.
14. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée avant de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français et se serait cru, à tort, tenu d'édicter une telle obligation en raison du refus de séjour qu'il lui a préalablement opposé. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur de droit.
15. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant doivent, en l'absence de tout élément particulier invoqué tenant à la mesure d'éloignement, être écartés pour les mêmes raisons que précédemment, s'agissant du refus de titre de séjour. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
16. Comme il a été exposé ci-dessus, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas illégales. Il suit de là que Mme C... n'est pas fondée, en tout état de cause, à exciper de leur illégalité pour contester la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
17. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour,
M. A... et M. G..., présidents de chambre
M. D... et Mme H..., présidents assesseurs,
Mme B... et Mme E..., premières conseillères.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.
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N° 16LY03884