Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par un arrêt avant-dire droit du 9 février 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a ordonné une expertise médicale aux fins de déterminer si et dans quelle mesure l'état de santé de Mlle D...a évolué depuis la dernière expertise médicale réalisée, et de donner tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices subis en lien avec la chute de cheval dont elle a été victime le 23 juin 2007.
L'expert a remis son rapport le 14 novembre 2017.
Par des mémoires enregistrés les 27 mars 2018, 14 et 15 juin 2018, la commune de Cranves-Sales, représentée par MeA..., conclut aux mêmes que ses précédents mémoires par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que les éléments produits par Mme D...ne permettent de calculer précisément les pertes de revenus dont elle se prévaut.
Par un mémoire enregistré le 5 mars 2018, la société Macif Rhône-Alpes conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens et en outre à ce que l'indemnité que la commune de Cranves-Sales doit être condamnée à lui verser soit portée à la somme de 106 809,84 euros.
Par des mémoires enregistrés 28 mars et 15 juin 2018, les consorts D...concluent aux mêmes fins que leurs précédents mémoires par les mêmes moyens et demandent en outre à la cour :
1°) de condamner la commune de Cranves-Sales à verser à Mlle C...D...la somme de 4 682 562,70 euros ;
2°) de condamner la commune de Cranves-Sales à verser à M. F...D...la somme de 104 628 euros ;
3°) de condamner la commune de Cranves-Sales à verser à Mme E...D...la somme de 80 000 euros ;
4°) de condamner la commune de Cranves-Sales à verser à M. B...D...la somme de 60 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Cranves-Sales les sommes de 10 000 euros, 3 000 euros et 1 500 euros au titre des frais exposés respectivement par Mlle C...D..., les époux D...et M. B...D....
Par une ordonnance du 22 décembre 2017, les frais d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme totale de 2 340 euros.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- le code des assurances ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Carrier,
- les conclusions de Mme Caraës, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Cranves-Sales.
1. Considérant que, par un arrêt du 9 février 2017, la cour a ordonné, avant de se prononcer sur la requête des consorts D...dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2014, qu'il soit procédé à une expertise en vue de déterminer si et dans quelle mesure l'état de santé de Mlle D...a évolué depuis la dernière expertise médicale réalisée, et de donner tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices subis en lien avec la chute de cheval dont elle a été victime le 23 juin 2007 ; que l'expert a déposé son rapport le 14 novembre 2017 ;
Sur les conclusions présentées par la société Générali France assurances et la société Macif Rhône-Alpes :
2. Considérant que la société Generali France assurances et la société Macif Rhône-Alpes étaient parties en première instance devant le tribunal administratif de Grenoble et avaient au demeurant présenté, dans le cadre de leurs écritures, des conclusions tendant à ce que la commune de Cranves-Sales leur rembourse les sommes qu'elles avaient, en leur qualité d'assureur, versées à Mlle D...; que le jugement du tribunal administratif de Grenoble leur a été régulièrement notifié le 24 décembre 2014 ; que les mémoires présentés par la société Generali France assurances et la société Macif Rhône-Alpes n'ont été enregistrés au greffe de la cour que respectivement les 20 avril et 21 août 2015, soit après l'expiration du délai d'appel de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; qu'il s'ensuit que les conclusions indemnitaires présentées par la société Generali France assurances et la société Macif Rhône-Alpes, qui ne peuvent s'analyser comme des appels incidents, sont tardives et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne le préjudice de Mlle C...D...:
S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :
Concernant les préjudices temporaires :
Quant aux dépenses de santé :
3. Considérant que la requérante demande, dans le dernier état de ses écritures, le remboursement de dépenses de santé qui seraient demeurées à sa charge pour la période du 23 juin 2007 au 25 juin 2010 pour un montant de 1 282,58 euros ; que, toutefois, en se bornant à produire les relevés de l'organisme de sécurité sociale auquel elle est affiliée, la société Van Breda international, elle n'établit pas que cette somme serait effectivement demeurée à sa charge alors que cette somme est formellement contestée par la commune de Cranves-Sales et qu'en outre, il est établi que la société Generali France assurances lui a remboursé des dépenses de santé pour un montant de 1 279,45 euros ; qu'il s'ensuit que les conclusions tendant au remboursement des dépenses de santé susmentionnées ne peuvent être accueillies ;
Quant aux frais divers :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des factures produites, que la requérante a exposé la somme de 2 800 euros pour se faire assister par un médecin lors des opérations d'expertise, les sommes de 1 266 euros et 1 611,73 pour la consultation d'ergothérapeutes et la somme de 270 euros pour la consultation d'un neuropsychologue ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces frais, dont l'utilité est établie, auraient été pris en charge par un tiers payeur ; que, par suite, il y a lieu de condamner la commune de Cranves-Sales à verser à Mme D...la somme de 5 947,73 euros au titre de ce poste de préjudice ;
5. Considérant, en revanche, qu'en se bornant à produire un devis d'un montant de 2 400 euros établi par un médecin, la requérante n'établit pas avoir effectivement exposé cette somme ; qu'en conséquence, sa demande tendant au remboursement de cette somme ne peut être accueillie ;
Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :
6. Considérant qu'un patient hospitalisé est sous l'entière responsabilité de l'équipe soignante de l'établissement hospitalier ; que, par suite, il ne peut en principe prétendre, sauf circonstances exceptionnelles dûment justifiées, au remboursement des dépenses d'assistance par une tierce personne qu'il a pu, par ailleurs, exposer pendant la période d'hospitalisation ;
7. Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise joints au dossier, que Mlle D...a été hospitalisée du 5 juillet au 4 décembre 2007 ; que, par suite, en l'absence de circonstance exceptionnelle établie, la requérante ne peut solliciter une indemnité au titre de l'assistance par une tierce personne pendant cette période ; qu'à cet égard, si Mlle D...soutient qu'elle aurait séjourné à son domicile le week-end de septembre à décembre 2007, elle n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations alors que le rapport d'expertise et le rapport de l'ergothérapeute font état de la période d'hospitalisation susmentionnée sans mentionner de séjours au domicile de ses parents le week-end ;
8. Considérant que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail ; qu'afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu, ainsi d'ailleurs que le prévoit le référentiel de l'ONIAM, de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours ;
9. Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par arrêt avant dire droit, que l'état de santé de Mlle D...nécessitait l'assistance d'une tierce personne pour les actes de la vie courante pendant 6 heures par jour du 4 décembre 2007 au 3 décembre 2008, puis pendant 4 heures du 4 décembre 2008 au 10 juin 2010, date de consolidation ; que, si les parties contestent ces chiffres, ils n'apportent pas d'éléments suffisamment probants au soutien de leurs allégations de nature à remettre ces appréciations ;
10. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que pour la période susmentionnée, l'assistance de Mme D...aurait été assurée autrement que par un membre de sa famille ; que, par suite, pour le calcul de l'indemnité à laquelle elle peut prétendre au titre de cette période, il y a lieu de prendre en considération le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui peut être fixé à 12 euros sur une base de 412 jours pour tenir compte des congés payés, des dimanches et des jours fériés ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mlle D...ait perçu au titre de la période susmentionnées des prestations récupérables servant à financer l'assistance à une tierce personne provenant de la France ou de la Suisse ; qu'ainsi, pour la période du 4 décembre 2007 au 10 juin 2010, l'indemnité accordée peut être évaluée à la somme de 59 708 euros ;
Quant aux frais de transport :
11. Considérant que Mlle D...ne peut demander le remboursement des frais de transport que ses parents auraient exposés pour lui rendre visite lors de son hospitalisation dès lors qu'elle n'a pas exposé lesdits frais ;
Quant aux frais d'aide pédagogique :
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais de soutien scolaire dont Mlle D... demande le remboursement s'élèvent à la somme de 155, 25 euros ; que si la société Generali France assurances a, au titre du contrat d'assurance conclu avec la fédération français d'équitation, versé à Mlle D...une somme au titre du soutien scolaire, il résulte des stipulations du contrat d'assurance que cette prestation, d'une part, présente un caractère forfaitaire et, d'autre part, ne relève pas de celles limitativement énumérées par les dispositions des articles 28 et suivants de la loi du 5 juillet 1985 pour lesquelles l'assureur peut être subrogé dans les droit de la victime ; qu'ainsi, la somme versée par la société Generali France assurances au titre des frais de soutien scolaire n'a pas à être déduite ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de condamner la commune de Cranves-Sales à verser à Mlle D...la somme de 155,25 euros qu'elle réclame au titre de ce poste de préjudice ;
Concernant les préjudices définitifs :
Quant aux dépenses de santé :
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des états produits par les requérants, que les dépenses de santé restées à la charge de Mlle D...à la suite de sa consolidation peuvent être évaluées à la somme de 3 133,71 euros ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la commune à lui verser cette somme ;
Quant aux frais d'aménagement du logement :
14. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise susmentionné, que l'état de santé de Mlle D...à la suite de l'accident de cheval dont elle a été victime requiert des aménagements particuliers de son logement ; qu'à cet égard, le rapport de l'ergothérapeute dont se prévaut la requérante, eu égard à ses préconisations, n'est pas suffisant pour remettre en cause l'appréciation émise par l'expert ; qu'il s'ensuit que la demande Mlle D...tendant au versement d'une provision de 20 000 euros au titre de ce poste de préjudice ne peut être accueillie ; que, par ailleurs, il n'appartient pas à la cour de réserver ses droits ;
Quant aux frais d'aménagement d'un véhicule :
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la requérante a obtenu son permis de conduire sans aucune restriction après l'accident dont elle a été victime ; que, par suite, il n'est pas établi que son état de santé nécessite l'aménagement de son véhicule et ce, alors même que l'expert nommé par la cour, dans le cadre de l'arrêt avant dire droit, l'a préconisé dans son rapport ; qu'ainsi, la demande de Mlle D...tendant au remboursement de tels frais ne peuvent être accueillie ;
Quant aux dépenses supplémentaires de préparation au permis de conduire :
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation du moniteur d'auto-école produite, que MlleD..., en raison des séquelles liées à l'accident de cheval dont elle a été victime, a été contrainte, dans le cadre de la préparation au permis de conduite, de suivre 21 heures de cours de conduite supplémentaires ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en lui accordant au titre de ce poste de préjudice la somme de 1 050 euros ;
Quant aux dépenses d'assistance par une tierce personne :
17. Considérant, qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise susmentionné que, postérieurement à la consolidation, l'état de santé de Mlle D...nécessite l'assistance d'une tierce personne pour les actes de la vie courante pendant une durée de 3 heures par jour ; que si la requérante fait valoir que son état de santé nécessiterait en réalité l'assistance d'une tierce personne pendant 8 heures par jour, elle n'apporte pas d'élément suffisamment probant au soutien de ses allégations ;
Pour la période du 10 juin 2010 à la date du présent arrêt :
18. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que pour la période du 10 juin 2010 à la date du présent arrêt, l'assistance de Mlle D...aurait été assurée autrement que par un membre de sa famille ; que, par suite, pour le calcul de l'indemnité à laquelle elle peut prétendre au titre de cette période, il y a lieu, comme indiqué précédemment, de prendre en considération le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui peut être fixé à 13 euros sur une base de 412 jours pour tenir des congés payés, des dimanches et des jours fériés ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mlle D...perçoive de prestations récupérables servant à financer l'assistance à une tierce personne provenant de la France ou de la Suisse ; qu'ainsi, pour la période susmentionnée, les frais d'assistance par une tierce personne peuvent être évalués à la somme de 130 322,40 euros ;
Pour la période postérieure à l'arrêt :
19. Considérant que, pour la période postérieure à la date de l'arrêt, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que demande la requérante, de fixer la somme due par la commune de Cranves-Sales sous forme de capital ; que, pour cette période et compte tenu des principes précédemment dégagés, il y a lieu de porter le taux horaire moyen de l'assistance nécessaire à Mlle D...à 14 euros, et de mettre par suite à la charge de la commune de Cranves-Sales, à compter de ladite date, une rente versée par trimestres échus pour un montant annuel fixé à 17 304 euros ; que cette rente sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; qu'il y aura lieu, le cas échéant, de déduire de cette somme les prestations récupérables que Mlle D...est susceptible de recevoir de la France ou de la Suisse pour financer l'assistance à une tierce personne ;
Quant aux pertes de revenus :
20. Considérant que, lors de l'accident, Mlle D...venait d'obtenir à 19 ans un baccalauréat " conduite et gestion de l'exploitation agricole " et envisageait de préparer un brevet de technicien supérieur " option analyse et conduite des systèmes d'exploitation " ; qu'eu égard au choix qu'elle avait fait de s'orienter vers un cursus d'études supérieures court, elle aurait, en l'absence d'accident, eu des chances sérieuses de commencer à exercer une activité professionnelle à partir de janvier 2010 ; que si elle soutient devant la cour qu'elle aurait souhaité poursuivre des études longues et travailler en Suisse à l'issue de ses études, elle n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations ; qu'ainsi, eu égard à l'orientation professionnelle que Mme D...avait choisie avant l'accident, il n'est pas établi qu'elle ait eu des chances sérieuses de tirer de son activité professionnelle des revenus supérieurs au SMIC net ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des documents émanant des autorités fiscales et de sécurité sociale suisses que les bénéfices de Mlle D...en 2016 provenant de son activité libérale de naturopathe exercée en Suisse s'élèvent à la somme d'environ 30 0000 francs suisses (25 643,40 euros) ; qu'en 2017, la requérante fait valoir que ses bénéfices se sont élevés à la somme de 18 070,77 francs suisses (15 667,60 euros) sans toutefois produire de justificatif émanant d'organismes officiels ; que les éléments comptables produits au titre de l'année 2018 sont partiels et n'émanent pas davantage d'organismes officiels ; qu'ainsi, au titre au titre des années 2016 à 2018, il ne résulte pas de l'instruction que les revenus de Mlle D...soient inférieurs au SMIC net ; qu'enfin, il n'est pas établi que la requérante ne pourrait pas percevoir à l'avenir des revenus équivalents à ceux perçus au titre des années 2016 et 2017 ; que, par suite, en l'état du dossier, les pertes de gains professionnels futurs invoqués ne présentent qu'un caractère éventuel et ne peuvent, par suite, ouvrir droit à indemnisation ; qu'il lui est cependant loisible, en cas d'évolution défavorable de sa situation professionnelle liée à son état de santé, de présenter dans l'avenir une nouvelle demande indemnitaire ;
21. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu d'indemniser les pertes de revenus que Mlle D... a subies de janvier 2010 à décembre 2015 ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des relevés de Pôle emploi et des avis d'imposition produits par la requérante, qu'elle a bénéficié d'allocations de chômage pour la période de janvier à février 2010 pour un montant global de 1 456,71 euros, et qu'elle a perçu de son activité libérale de naturopathe des revenus annuels nets d'un montant de 4 572 francs suisses (3 474,72 euros) en 2014 et de 5 414 francs suisses (soit 4 114, 64 euros) en 2015 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux revenus nets qu'elle avait des chances sérieuses de percevoir, évalués sur la base du SMIC net et des revenus susmentionnés qu'elle a perçus, il sera fait une juste appréciation des pertes de revenus au titre de cette période en les évaluant à la somme de 75 000 euros ;
Quant à l'incidence professionnelle :
22. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle D...reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 72 % du fait des conséquences de l'accident dont elle a été victime et que ce handicap aura un retentissement professionnel ; qu'à cet égard, ce handicap rend plus difficile la possibilité d'occuper certains emplois ; qu'à cela s'ajoute une pénibilité accrue dans l'exercice d'une activité professionnelle courante ainsi qu'une difficulté particulière de présentation dans les relations de travail, généralement pénalisante et réduisant les chances d'évolution professionnelle de l'intéressée ; que, néanmoins, il résulte de ce qui précède que la requérante ne se trouve dans l'incapacité totale de trouver un travail rémunéré ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, les conséquences substantielles pour Mlle D...du handicap dont elle est la victime justifient qu'une indemnité de 40 000 euros lui soit accordée au titre de l'incidence professionnelle ;
Quant au préjudice scolaire :
23. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MlleD..., en raison de l'accident dont elle a été victime, a dû interrompre ses études, a été contrainte de renoncer à la formation qu'elle envisageait initialement dans le domaine équestre, après avoir tenté sans succès une reprise de scolarité normale, et s'est finalement réorientée vers une formation de naturopathe ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice scolaire subi en lui accordant à ce titre la somme de 20 000 euros ;
24. Considérant que si la requérante demande le remboursement d'une somme de 23 333,10 euros correspondant aux frais de scolarité qu'elle a acquittés pour suivre une formation de naturopathe en Suisse, il n'est pas établi que ces frais seraient supérieurs à ceux qu'elle aurait en tout état de cause exposés pour se former même en l'absence d'accident ; que, par ailleurs, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des frais qui auraient été engendrés durant deux années consécutives par l'interruption de ses études en première année de brevet de technicien supérieur ; qu'ainsi, la demande tendant au remboursement de ces frais ne peut être accueillie ;
S'agissant des préjudices à caractère personnel :
Concernant les préjudices temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
25. Considérant que Mlle D...a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire total pendant une période d'environ 5 mois et d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75% pendant environ deux ans et huit mois ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice en lien avec ces périodes de déficit fonctionnel temporaire en lui accordant à ce titre la somme de 12 000 euros ;
Quant aux souffrances endurées :
26. Considérant que les souffrances éprouvées par Mlle D...ont été évaluées par l'expert à 5,5 sur 7 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 18 000 euros ;
Quant au préjudice esthétique temporaire :
27. Considérant que l'expert a évalué à 3 sur 7 le préjudice esthétique temporaire subi par Mlle D...caractérisé notamment par des troubles de la marche, une cicatrice en lien avec la trachéotomie qu'elle a subie, et des troubles de l'ocumotricité importants qui ont perduré jusqu'à la réalisation d'une intervention chirurgicale corrective ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en lui accordant à ce titre la somme de 2 000 euros ;
Concernant les préjudices permanents :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
28. Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-2 du code des assurances : " Dans l'assurance de personnes, l'assureur, après paiement de la somme assurée, ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre./ Toutefois, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants-droit contre le tiers responsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat. " ;
29. Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 5 juillet 1985 : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne, quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné ce dommage " ; qu'aux termes de l'article 29 de cette même loi : " Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur : (...) 3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ; (...) 5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances " ; qu'aux termes de l'article 30 de cette même loi : " Les recours mentionnés à l'article 29 ont un caractère subrogatoire " ; qu'aux termes de l'article 31 de ce texte : " Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice " ;
30. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que les prestations d'invalidité ainsi que les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation par les sociétés d'assurance régies par le code des assurances ouvrent droit à un recours subrogatoire, par détermination de la loi, contre la personne tenue à réparation ou à son assureur ; qu'ainsi, et alors même que les sommes versées par ces organismes, en particulier celles versées à titre d'indemnités journalières et de prestations d'invalidité, sont définies à l'avance, elles doivent donner lieu à remboursement par la personne tenue à réparation ou son assureur, dès lors qu'elles s'analysent précisément comme des indemnités journalières ou des prestations d'invalidité au sens des dispositions précitées de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et que leur paiement est directement en lien avec l'accident subi par la victime d'un dommage résultant d'atteintes à sa personne ; que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exerçant poste par poste, les sommes qui ouvrent droit à un recours subrogatoire doivent faire l'objet d'une répartition entre ces différents postes ;
31. Considérant qu'en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnité allouée à la victime du dommage, au titre d'un poste de préjudice, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet par une compagnie d'assurance et pour lesquelles cette dernière bénéficie d'un droit de subrogation en vertu des dispositions précitées ; qu'il en va ainsi tant pour les sommes déjà versées que pour les prestations futures ; qu'il y a lieu de défalquer ces sommes alors même que les conclusions présentées par les compagnies d'assurance ayant versé les prestations de même nature sont irrecevables ;
32. Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise susmentionnés, que le déficit fonctionnel permanent dont demeure atteint Mlle D... a été évalué à 72 % ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 340 000 euros ; que, toutefois, il résulte également de l'instruction que Mlle D...a perçu une prestation d'invalidité d'un montant de 47 205,33 euros de la société Generali France assurances et une prestation d'invalidité d'un montant de 160 000 euros de la Macif ; qu'en outre, elle percevra jusqu'à son décès une rente annuelle d'invalidité d'un montant de 14 000 euros de la Macif ; qu'en capitalisant cette rente sur la base du barème de la gazette du Palais 2016, la prestation d'invalidité de la société Macif pour l'avenir peut être évaluée à la somme de 603 806 euros ; qu'il résulte clairement des pièces versées au dossier, en particulier du document " Garanties licence cavalier 2007 " et du contrat d'assurance de la Macif intitulé " régime de prévoyance familiale accident ", que les prestations d'invalidité susmentionnées, eu égard notamment à leur mode de calcul, indemnisent le déficit fonctionnel permanent dont demeure atteinte Mlle D...; qu'en conséquence, après déduction de ces sommes, la demande de Mme D...présentée au titre du déficit fonctionnel permanent ne peut être accueillie ;
Quant au préjudice d'agrément :
33. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle D...n'est plus à même depuis son accident de poursuivre les différentes activités sportives, en particulier l'équitation, qu'elle pratiquait régulièrement auparavant ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'agrément en lui accordant à ce titre la somme de 20 000 euros ;
Quant au préjudice esthétique :
34. Considérant que l'expert a estimé à 2,5 sur 7 le préjudice esthétique de Mlle D... ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cranves-Sales la somme de 3 000 euros ;
Quant au préjudice sexuel :
35. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison des séquelles neurologiques en lien avec l'accident dont Mlle D...a été victime, cette dernière a, d'une part, connu une perte de libido et d'autre part, sera contrainte de suivre un traitement hormonal pour pouvoir avoir un enfant ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'accorder à la requérante, au titre de son préjudice sexuel, la somme de 10 000 euros ;
Quant au préjudice d'établissement :
36. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le handicap dont reste atteinte Mlle D... affecte sa capacité à entretenir des relations amicales et sociales normales et réduit donc ses chances de pouvoir fonder une famille ; qu'il y a lieu, par suite, de retenir que l'intéressé subit un préjudice d'établissement qui peut être évalué à la somme de 20 000 euros ;
En ce qui concerne le préjudice des époux D...et de M. B...D...:
S'agissant des frais patrimoniaux :
Concernant les frais d'assurance sociale :
37. Considérant que M. D...demande, dans le dernier état de ses écritures, le paiement d'une somme de 14 028,13 euros correspondant aux frais liés à l'affiliation volontaire de sa fille à son régime de sécurité sociale pour la période de juillet 2007 à avril 2014 ; que, toutefois, eu égard aux différents statuts de Mlle D...au titre de cette période (étudiant, salarié, demandeur d'emploi, travailleur handicapé, travailleur indépendant en Suisse), il n'est pas établi qu'elle aurait été dépourvue de toute couverture sociale ; qu'ainsi, en l'absence de lien de causalité direct et certain entre les dépenses exposées et l'accident dont Mme D...a été victime, les conclusions susmentionnées ne peuvent, en l'état du dossier, qu'être rejetées ;
Concernant les frais de transport :
38. Considérant que M. D...demande le remboursement de la somme de 10 600,21 euros au titre des frais de transport qu'il aurait exposés pendant l'hospitalisation de sa fille, pour la conduire aux différents rendez-vous médicaux requis par son état de santé et pour se rendre aux opérations d'expertise ; que, toutefois, alors que ces frais sont expressément contestés par la commune de Cranves-Sales, le requérant n'apporte pas d'éléments suffisamment probants de nature à établir l'exactitude du montant qu'il sollicite ; que, néanmoins, il est constant que des frais de transport ont bien été exposés par M. D...; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ces frais de transport en lui allouant à ce titre la somme globale de 2 500 euros ;
S'agissant du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence :
39. Considérant que les époux D...et M. B...D...subissent, en raison du handicap dont demeure atteinte Mlle D...à la suite de l'accident dont elle a été victime, et des conséquences y afférentes, un préjudice d'affection et des troubles dans leur conditions d'existence qu'ils ont qualifiés de préjudice d'accompagnement ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces deux chefs de préjudice en accordant à M. et Mme D...respectivement la somme de 10 000 euros, et à M. B...D...la somme de 5 000 euros ;
40. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cranves-Sales doit être condamnée à verser à Mlle D...la somme de 420 317,09 euros, à M. D...la somme de 12 500 euros, à Mme D...la somme de 10 000 euros et à M. B...la somme de 5 000 euros ;
Sur les intérêts :
41. Considérant que les consorts D...ont droit aux intérêts au taux légal sur les indemnités susmentionnées à compter du 23 juin 2011, date de réception de leur demande par la commune Cranves-Sales ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
42. Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, au titre des dépens prévus à l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de laisser à la charge de la commune de Cranves-Sales, partie perdante, en l'absence de circonstances particulières justifiant qu'elle soit mise à la charge d'une autre partie, la charge de la contribution pour l'aide juridique, d'un montant de 35 euros, acquittée par les consorts D...au titre de l'instance devant le tribunal administratif de Grenoble ;
43. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cranves-Sales les frais de l'expertise ordonnée en première instance, taxés et liquidés par ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble, et les frais de l'expertise ordonnée par arrêt avant dire droit de la cour, taxés et liquidés à la somme de 2 340 euros par ordonnance du président de la cour du 22 décembre 2017 ;
Sur les frais liés au litige :
44. Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande des consorts D...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Cranves-Sales la somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
45. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Cranves-Sales, la société Generali France assurances et la société Macif doivent dès lors être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La commune de Cranves-Sales est condamnée à verser à Mlle D...la somme de 420 317,09 euros, à M. D...la somme de 12 500 euros, à Mme D...la somme de 10 000 euros et à M. B...D...la somme de 5 000 euros. Lesdites sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2011.
Article 2 : La commune de Cranves-Sales est condamnée à verser à MelleD..., au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne, une rente annuelle de17 304 euros payable par trimestre échu à compter de la date du présent arrêt et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, de laquelle il conviendra, le cas échéant, de déduire les prestations récupérables que Mlle D...est susceptible de recevoir de la France ou de la Suisse pour financer l'assistance par une tierce personne.
Article 3 : Les frais d'expertise de première instance taxés et liquidés par ordonnance du tribunal administratif de Grenoble et les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme à la somme de 2 340 euros par ordonnance du président de la cour du 22 décembre 2017, ainsi qu'une somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique sont mis à la charge de la commune de Cranves-Sales.
Article 4 : La commune de Cranves-Sales versera aux consorts D...la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des consortsD..., la demande de la société Générali France assurances et la demande de la société Macif Rhône-Alpes sont rejetés.
Article 6 : Les conclusions de la commune de Cranves-Sales tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle D...C..., à M. et Mme D...E...et Jean-Pierre, à M. D...B..., à la société Generali France assurances, à la société Macif Rhône-Alpes, la société Allianz Worldwide Care à la commune de Cranves-Sales. Copie en sera adressée pour information à l'expert.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 juillet 2018.
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N° 15LY00594