Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1508890 du 24 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non lieu à statuer en ce qui concerne les pénalités pour manoeuvres frauduleuses et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 avril 2017 et un mémoire enregistré le 26 septembre 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 février 2017 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le tribunal administratif de Lyon était incompétent territorialement pour examiner sa demande ;
- le signataire de la décision de rejet de la réclamation ne pouvait régulièrement prendre cette décision ;
- la procédure d'imposition menée à l'encontre de la SEP KJD Capital 9, dont elle peut utilement invoquer l'irrégularité dès lors qu'elle est soumise au régime de l'article 8 du code général des impôts, a méconnu les articles L. 47, L. 52 et L. 53 du livre des procédures fiscales ;
- les impositions auraient dû être mises en recouvrement par voie d'avis de mise en recouvrement et non par voie de rôle ;
- le rôle a été émis irrégulièrement ;
- l'administration a méconnu sa propre doctrine, publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-10-20120912 ;
- l'acte d'homologation ne mentionne pas les montants d'impôt qui lui ont été réclamés ;
- l'administration ne justifie pas que M. D...soit titulaire du grade d'administrateur des finances publiques adjoint ;
- la direction départementale des finances publiques du Rhône n'était pas compétente pour procéder à la mise en recouvrement des impositions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. C...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. C...est associé de la société en participation (SEP) KJD Capital 9, qui a pour activité l'acquisition et la fabrication de matériels neufs en vue de leur mise en location afin de faire bénéficier ses associés des réductions d'impôt régies par l'article 199 undecies B du code général des impôts. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009, à l'issue de laquelle le vérificateur a estimé que les investissements neufs déclarés pour un montant de 298 106,96 euros n'étaient pas éligibles à ce dispositif et n'étaient en outre pas justifiés. L'administration a donc remis en cause la réduction d'impôt déclarée sur ce fondement par M. C...à raison de ces investissements, à proportion de ses parts dans la société. Conformément à cette rectification, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, établies dans les rôles de la ville de Lyon et notifiées selon la procédure contradictoire, assorties de l'intérêt de retard et de la majoration pour manoeuvre frauduleuse. Par jugement du 24 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non lieu à statuer à concurrence de 15 276 euros, correspondant au dégrèvement prononcé en cours d'instance consécutivement à l'abandon de la majoration pour manoeuvre frauduleuse. M. C...relève appel du jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit au surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 312-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux. (...) / Sous les mêmes réserves en cas de recours préalable à celui qui a été introduit devant le tribunal administratif, la décision à retenir pour déterminer la compétence territoriale est celle qui a fait l'objet du recours administratif ou du pourvoi devant une juridiction incompétente. ".
3. Il est constant que les impositions contestées par M. C...ont été établies à Lyon, où il était domicilié. La circonstance que la réclamation qu'il a formée a été rejetée par le directeur départemental des finances publiques de Guadeloupe n'a pas pu avoir pour effet de modifier les règles de compétence territoriale précitées. Ainsi, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Lyon était territorialement incompétent pour connaître de sa demande.
4. En second lieu, les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les impositions n'auraient pas été régulièrement établies par voie de rôle. Il y a lieu d'annuler, pour ce motif, le jugement attaqué.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M.C....
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. En premier lieu, les irrégularités qui peuvent entacher les décisions prises par l'administration sur les réclamations dont elle est saisie sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé des impositions. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'impartialité de l'auteur de la décision de rejet de la réclamation doit être écarté comme inopérant.
7. En second lieu, les impositions litigieuses ne résultent pas de l'imposition entre les mains de M. C...des résultats de la SEP KJD Capital 9 mais de la remise en cause de la réduction d'impôt, prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements outre-mer déclarés au titre de l'année 2008. Par suite, en raison de l'indépendance des procédures d'impositions, les moyens tirés de ce que la procédure de vérification menée à l'encontre de la société KJD Capital 5 serait irrégulière doivent, en tout état de cause, être également écartés comme inopérants.
Sur la mise en recouvrement des impositions :
8. Aux termes de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales figurant en section IV " Procédures de rectification ", chapitre 1 " Procédure de redressement contradictoire " de ce livre : " Après l'établissement du rôle ou l'émission de l'avis de mise en recouvrement, le contribuable conserve le droit de présenter une réclamation conformément à l'article L. 190. ". Aux termes de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs ou, pour les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune relevant des dispositions du 2 du I de l'article 885 W du code général des impôts, au rôle de cet impôt, dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A du même code. / L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ".
9. Aux termes de l'article 10 du code général des impôts : " Si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. / Si le contribuable possède plusieurs résidences en France, il est assujetti à l'impôt au lieu où il est réputé posséder son principal établissement. " Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. "
10. En premier lieu, si l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010 a complété l'article 1658 du code général des impôts en y ajoutant le membre de phrase " ou d'avis de mise en recouvrement ", il ne résulte pas de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires et qui doivent être combinées avec les dispositions de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales, que le législateur aurait ainsi entendu imposer à l'administration, à peine d'irrégularité, d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. La circonstance que les rectifications seraient consécutives à un contrôle externe n'implique pas davantage d'obligation de recouvrir à un avis de mise en recouvrement. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait mettre en recouvrement les impositions litigieuses sans avoir émis un avis de mise en recouvrement alors qu'un avis d'imposition n'offre pas de garanties analogues à celles d'un avis de mise en recouvrement.
11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le rôle n° 301 de l'année 2014, dont sont issues les impositions en litige, a été homologué le 17 décembre 2014 par M.D.... Ce dernier, qui a été nommé directeur divisionnaire des impôts par arrêté du 19 juin 2000, a été reclassé dans le grade d'administrateur des finances publiques adjoint par application de l'article 31 du décret du 26 août 2010 portant statut particulier des personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques, qui a été régulièrement publié au journal officiel. Étant placé sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques du Rhône, M. D...bénéficiait à ce titre, par arrêté du préfet du Rhône en date du 6 janvier 2012 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, d'une délégation de pouvoir lui permettant de procéder à cette homologation. Le rôle était par conséquent exécutoire. La circonstance que cet arrêté n'ait pas été visé dans la décision d'homologation est, par elle-même, sans incidence sur sa régularité. Cet acte portant la mention " l'AFIP adjoint, OlivierD... ", M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il ne mentionnerait pas en quelle qualité ce dernier l'a signé. Il résulte de l'instruction que les montants globaux visés par cet acte d'homologation incluent les impositions auxquelles M. C...a été assujetti en application du rôle n° 301 de l'année 2014, lequel était librement consultable par ce dernier en application de l'article L. 111 du livre des procédures fiscales. Enfin, M. C...résidant à Lyon, les impositions litigieuses n'ont pas été établies par une autorité incompétente territorialement.
12. En troisième lieu, M. C...invoque l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-10-20120912. Toutefois, cette instruction relative aux modalités de mise en recouvrement des impositions ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale invocable en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Ce moyen doit donc être écarté comme inopérant.
Sur le bien-fondé des impositions :
13. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) ".
14. La SEP KJD Capital 9 a acquis des plants d'ananas auprès d'un exploitant agricole, M. E..., pour un montant total de 298 106,96 euros. Ces plants ont été donnés en location au vendeur, le prix de vente étant réglé, pour l'essentiel, par compensation pendant la durée du bail. Les associés de la SEP KJD Capital 9, parmi lesquels figure M.C..., ont sollicité le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées, à proportion de leurs parts dans cette société. L'administration a remis en cause cette réduction d'impôt en estimant, notamment, que ces investissements devaient être regardés, d'une part, comme relevant d'une activité génératrice de revenus fonciers et non dans le cadre d'une activité agricole et, d'autre part, que la réalisation de l'investissement n'était pas établie.
15. Il résulte de l'instruction qu'interrogé par le vérificateur de la SEP KJD Capital 9, le vendeur s'est borné à expliquer de façon elliptique s'être approvisionné auprès de fournisseurs particuliers. M. C... n'apporte au dossier aucun élément permettant de considérer que l'acquisition de ces plants constituerait un investissement productif neuf alors qu'il est seul en mesure de le faire. En se bornant à produire la facture d'acquisition des plants, M. C...ne justifie pas davantage que le prix de ces plants correspond au prix du marché, alors que, compte tenu du montage juridique effectué, l'administration pouvait légitimement mettre en doute la réalité de ce prix. Dans ces conditions, en admettant même que ledit investissement puisse être regardé comme effectué dans le cadre d'une entreprise agricole, l'administration a pu à bon droit procéder aux rectifications litigieuses.
16. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander la décharge des impositions litigieuses. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1508890 du tribunal administratif de Lyon en date du 24 février 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. C...à fin de décharge des impositions litigieuses sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,
M. Souteyrand, président assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.
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N° 17LY01737