Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté de la préfète de la Côte-d'Or du 7 février 2018 lui interdisant le retour en France pendant deux ans.
Par un jugement n° 1800527 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 juin 2018, la préfète de la Côte-d'Or, représentée par la Selarl Claisse et associés, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 23 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- à la différence de la mesure d'éloignement et du placement en rétention, l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas au nombre des décisions soumises au respect du principe du contradictoire ;
- Mme D... n'établit pas qu'elle avait des observations pertinentes à formuler, qui auraient pu influer sur le sens de la décision ;
- Mme D... connaissait le caractère irrégulier de sa situation et savait qu'elle pouvait faire l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement ou d'une interdiction de retour sur le territoire français dans la durée de validité de l'obligation de quitter le territoire du 24 mars 2017.
Par un mémoire enregistré le 2 août 2018, Mme D..., représentée par Me Buvat, avocate, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État du paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le moyen invoqué par le préfet est infondé ;
- la décision est insuffisamment motivée.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les observations de Me B..., substituant Me Buvat, avocate de Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse D..., de nationalité géorgienne, née le 17 octobre 1985, est entrée irrégulièrement en France le 25 avril 2016. L'asile lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 9 août 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile le 4 janvier 2017. Le 24 mars 2017, la préfète de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Le 7 février 2018, l'intéressée n'ayant pas exécuté cette décision, la préfète lui a fait interdiction de retour en France pendant deux ans. La préfète de la Côte-d'Or interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cette dernière décision.
2. D'une part, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) ". Le sixième alinéa de ce texte ajoute que : " Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. " L'interdiction de retour prise sur le fondement de ces dernières dispositions constitue une mesure de police.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Selon cet article L. 211-2, doivent être motivées, notamment, les décisions qui constituent une mesure de police.
4. Dès lors, l'intervention de la décision du 7 février 2018, faisant à Mme D... interdiction de retour en France pendant deux ans devait être précédée d'une procédure contradictoire, alors même que, comme le fait valoir la préfète, l'intéressée ne pouvait ignorer qu'elle se maintenait irrégulièrement en France. L'absence de mise en oeuvre d'une telle procédure, a eu pour effet de priver Mme D... d'une garantie. Par suite, la préfète ne peut pas utilement faire valoir que l'intéressée n'établit pas qu'elle avait des observations pertinentes à formuler, qui auraient pu influer sur le sens de la décision. En conséquence, la décision en litige est entachée d'illégalité.
5. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Côte-d'Or n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision en litige.
6. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Buvat, avocate de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 800 euros au profit de cet avocat au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : L'État versera la somme de 800 euros à Me Buvat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... C... épouse D....
Copie en sera adressée à la préfète de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Souteyrand, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mai 2019.
Le président, rapporteur,
J.-P. ClotLe président assesseur,
E. Souteyrand
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
4
N° 18LY02385