Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C...D...épouseB..., représentée par MeE..., a demandé dans le dernier état de ses écritures le 20 janvier 2018, au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, de lui délivrer un certificat de résidence, ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1707057 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2018, présentée par MmeB..., représentée par MeA..., elle demande à la cour :
1°) d'annuler ledit jugement du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- la décision portant obligation de quitter le territoire étant illégale, la décision fixant le délai de départ volontaire est dépourvue de base légale ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision portant obligation de quitter le territoire étant illégale, la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale ;
Par décision du 15 mai 2018, la demande de Mme B...relative à l'aide juridictionnelle a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Cottier.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...D..., ressortissante algérienne née le 6 novembre 1981 à Ain Taya (Algérie), est entrée en France le 15 janvier 2011 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle s'est maintenue irrégulièrement en France à l'expiration de son visa avant de formuler une demande d'asile le 21 mai 2012, laquelle a été rejetée par décision du 14 août 2012 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par une décision du 19 novembre 2012, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme D...s'est maintenue irrégulièrement en France et a fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence le 28 février 2013. Elle a donné naissance en France à une fille le 17 novembre 2014, reconnue par anticipation par M.B..., un compatriote résidant régulièrement en France. Elle a épousé en France, le 9 mai 2015, M. B... et a demandé, le 10 juillet 2015, sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un certificat de résidence. Par un arrêté du 24 janvier 2017, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de 30 jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par une décision du même jour, il a également assigné à résidence Mme D...épouseB.... Par jugement du 30 janvier 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 24 janvier 2017 portant obligation de quitter le territoire français, assignation à résidence et fixant le pays de renvoi. Par un jugement du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a également annulé la décision du 24 janvier 2017 portant refus de certificat de résidence pour le motif tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un arrêt du 28 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et a rejeté l'ensemble des conclusions de Mme D... épouseB.... Par un arrêté du 5 décembre 2017, le préfet de l'Isère, saisi par l'intéressée d'une nouvelle demande, a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B...interjette appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision du 5 décembre 2017 portant refus de certificat de résidence :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Mme D... épouseB..., se prévaut d'une présence en France depuis le 15 janvier 2011, de la naissance en France de sa fille Ilyana le 17 novembre 2014, de son concubinage puis de son mariage le 9 mai 2015 avec M. B..., ressortissant algérien en situation régulière, lequel avait reconnu par anticipation Ilyana comme son enfant le 25 juillet 2014, et de la naissance de leur deuxième fille Inaya en France le 12 février 2017. Elle soutient qu'elle " s'occupe également " de Shanez, fille de son époux née d'une précédente relation avec une ressortissante française, laquelle a délaissé cette enfant. Toutefois, alors qu'il n'est pas établi que la requérante a résidé de manière continue en France entre le 15 janvier 2011 et la date de l'arrêté préfectoral en litige, il est constant qu'elle s'est à plusieurs reprises maintenue sur le territoire français en situation irrégulière après le rejet de sa demande d'asile et l'intervention de décisions de refus de délivrance d'un certificat de résidence assorties d'obligation de quitter le territoire français. Aucune pièce n'est produite attestant de sa situation de concubinage avec M. B...entre 2013 et la date de leur mariage. Il n'est pas contesté qu'à la date de l'arrêté en litige l'intéressée n'était mariée que depuis deux ans et demi. Comme l'a fait valoir en première instance le préfet de l'Isère, M.B..., qui est maçon et dispose d'un logement à Vienne, peut demander le bénéfice du regroupement familial au bénéfice de son épouse sans qu'y fasse obstacle une éventuelle insuffisance des ressources de ce dernier, au demeurant non démontrée par la seule allégation relative à la création récente par celui-ci d'une entreprise de maçonnerie après une période de salariat, dès lors que le préfet n'est pas, au regard des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, en situation de compétence liée pour refuser une autorisation de regroupement familial au seul motif de l'insuffisance des ressources. Les attestations versées au dossier datées de décembre 2016 et de janvier 2017 sur la prise en charge de Schanez, fille française de son époux, sont imprécises sur l'intensité de ces liens et ne permettent pas d'apprécier les effets de la décision contestée sur cette relation. Si l'époux de la requérante, de même nationalité qu'elle, réside régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans, il n'est pas établi qu'existerait un obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans leur pays d'origine, avec leurs enfants nés en 2014 et 2017 et avec Shanez, dont il n'est pas contesté qu'elle n'entretient aucun lien avec sa mère française depuis au moins l'année 2013, celle-ci étant sans domicile connu depuis cette date comme il est mentionné dans le jugement du 11 septembre 2013 du juge pour enfants du tribunal de Vienne mettant fin à une mesure d'assistance éducative pour Shanez. Il ressort des pièces du dossier que la requérante n'est pas dépourvue de tous liens familiaux dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et ses quatre frères et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où elle indique avoir travaillé. Mme D...épouse B...ne fait état d'aucune insertion professionnelle ou sociale spécifique en France. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision aurait été édictée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
5. Mme D... épouse B...soutient que la décision contestée aurait pour effet de la séparer de ses enfants ou de sa belle-fille française, Shanez, et serait préjudiciable à cette dernière en cas de séjour en Algérie dès lors que cette enfant ne parle pas arabe. Toutefois, d'une part, il n'est pas établi que la décision de refus de certificat de résidence dont Mme B...fait l'objet entrainera nécessairement une séparation durable de l'intéressée d'avec ses enfants ou d'avec sa belle-fille dès lors qu'aucun obstacle n'existe à des séjours en Algérie, ne serait-ce que ponctuels, de son époux et des enfants Ilyana et Inaya, lesquels ont la nationalité algérienne et qu'il n'est pas allégué que Shanez ne pourrait pas séjourner en Algérie avec sa belle-mère et son père. Il n'est pas allégué et a fortiori n'est pas établi que Shanez, dont au demeurant il n'est pas prouvé l'absence de connaissances linguistiques en langue arabe, ne pourrait être scolarisée en Algérie dans l'hypothèse où cette dernière serait amenée à résider en Algérie auprès de son père, de sa belle-mère et de ses deux demi-soeurs. Dès lors, le préfet de l'Isère n'a pas porté à l'intérêt supérieur des enfants Ilyana, Inaya et Shanez, une atteinte prohibée par les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 5, cette mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du point 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le délai de départ :
7. Compte tenu de ce qui précède, Mme B...n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant à trente jours le délai de départ.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme B...n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...épouse B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Cottier premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juillet 2019.
6
N° 18LY01323