Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société La Malosse a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1203965 du 7 avril 2015, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15LY01899 du 27 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société La Malosse contre ce jugement.
Par une décision n° 408436 du 30 janvier 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt du 27 décembre 2016 en tant qu'il statue sur la cession de titres de la société Loire Offset Titoulet à M. B...et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 juin 2015 et des mémoires enregistré les 26 janvier et 22 novembre 2016, ainsi que les 12 mars et 26 juin 2019 la société civile La Malosse, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 avril 2015 ;
2°) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cession d'actions de la SAS Loire Offset Titoulet à M. B...n'a pas été faite à un prix minoré, eu égard au contexte particulier dans lequel elle est intervenue, d'une part, à la suite de la transmission universelle du patrimoine et de la dissolution de la société Titoulet SBI, alors proche d'une situation de dépôt de bilan, dont les loyers, versés pour la somme annuelle de 204 980 euros TTC, constituaient 80 % de ses recettes, d'autre part, pour pérenniser l'implication de M. B...en qualité de dirigeant de la SAS Loire Offset Plus devenue Loire Offset Titoulet ;
- en outre, la valeur de 64,94 euros l'action, retenue par l'administration en référence au prix pratiqué le 17 mars 2008 pour les titres qui lui ont été cédés par M.A..., ne correspondait pas au jeu normal de l'offre et de la demande, puisqu'elle était alors dans l'obligation d'acquérir les 5 % du capital social détenu par ce dernier pour mener à bien la restructuration du groupe Titoulet, M.A..., qui travaillait pour une entreprise concurrente, s'opposant systématiquement à la gouvernance de l'entreprise incarnée par M.B... ;
- cette cession n'est donc pas constitutive d'un acte anormal de gestion.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 7 décembre 2015 et le 3 avril 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la société civile La Malosse n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile La Malosse, qui est spécialisée dans l'activité de location immobilière et est assujettie à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a, d'une part, remis en cause l'inscription, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, de deux provisions pour créances douteuses détenues respectivement sur les sociétés Loire Offset Plus, devenue Loire Offset Titoulet, et Façonnage Alain et, d'autre part, estimé que les cessions, les 14 et 25 mars 2008, de titres de la société Loire Offset Titoulet à son dirigeant, M.B..., s'étaient faites à un prix minoré et constituaient des actes anormaux de gestion. La société La Malosse s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 27 décembre 2016 par lequel la cour a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 7 avril 2015 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008. Et, par décision du 30 janvier 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à la cession de titres de la société Loire Offset Titoulet à M. B...et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour.
2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
3. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, et notamment de titres d'une filiale, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.
4. La valeur vénale de titres non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qui aurait résulté du jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance.
5. Par deux actes des 14 et 25 mars 2008, la société La Malosse requérante, qui possédait la majorité du capital de la société Loire Offset Plus, a vendu, au prix unitaire de 15,23 euros, 3 221 titres de cette société à M.B..., qui en était le dirigeant depuis 1995 et possédait lui-même 29,03 % de son capital. Concomitamment, la requérante a acquis, le 17 mars 2008, 2 002 titres de cette même société au prix unitaire de 64,93 euros, auprès de M. A... détenteur de 5 % du capital. L'administration, qui a estimé que la vente des titres à M. B...s'était effectuée pour un prix minoré, constitutif d'un acte anormal de gestion, a réévalué cette opération en portant la valeur des titres cédés à M. B...de 15,23 euros à 64,93 euros et réintégré la différence, soit un montant total de 160 053 euros, dans le résultat imposable de la société civile La Malosse. Celle-ci se prévaut de ce que ces cessions et acquisitions constituaient, dans les conditions et au prix où elles se sont réalisées, un préalable indispensable à la fusion, intervenue le 10 juin suivant, dans son intérêt propre, par transmission universelle de patrimoine de la société SBI Titoulet à la société mère Loire Offset Plus, devenue Loire Offset Titoulet. Et elle soutient que l'administration aurait pu regarder le prix de 15,63 euros comme correspondant à la valeur des titres et celui de 64,93 euros comme un prix artificiellement majoré.
6. Tout d'abord, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'à la date des cessions précitées, la société SBI Titoulet, qui versait un loyer annuel de 260 000 euros TTC à la société La Malosse représentant 80 % de ses revenus, subissait d'importantes pertes, notamment plus de 120 000 euros au titre de 2006 et 75 000 euros au titre de 2007, situation qui, en l'absence de recapitalisation ou de restructuration, l'aurait conduite à la dissolution avant le 31 mars 2008. D'autre part, il n'est pas contesté que la restructuration le 10 juin 2008 de la société SBI Titoulet, par fusion-absorption, a entraîné, à hauteur des déficits susmentionnés, une dégradation des résultats de la société Loire Offset. Toutefois, même si les résultats du compte d'exploitation de la société se sont dégradés à compter de 2009, il est constant que la société Loire Offset générait encore, à la date de la cession de titres en cause, de substantiels bénéfices, notamment 857 584 euros au titre de l'exercice 2007 précédent, ce qui correspond à un taux de rentabilité de 18,29 %, et que la transmission, le 9 mai 2008, du patrimoine de la société Métropolis Associés, son autre filiale, dont M. B...détenait 18 % des parts sociales, a substantiellement accru en 2008 sa valeur patrimoniale, laquelle correspondait déjà, au 30 septembre 2007, à une valeur unitaire des titres de 116,43 euros. Par suite, et alors que, postérieurement à la fusion, la société Loire Offset Titoulet a dégagé un bénéfice déclaré de 229 692 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008, il n'est pas établi que la seule absorption de la société SBI Titoulet a entraîné une dépréciation de la valeur de la participation de M. B...dans la société Loire Offset Titoulet dont la compensation nécessitait, nonobstant son rôle de dirigeant de la société Loire Offset Plus depuis 1995, auquel il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il entendait renoncer, que lui soit consentie une cession de parts sociales de cette dernière à leur valeur nominale de 100 francs, soit 15,24 euros, à la date de signature du pacte d'actionnaires, le 22 décembre 1995. Ensuite, la société La Malosse conteste la valeur des titres de la société Loire Offset cédés à M. B... portée par l'administration de 15,23 euros à 64,93 euros, qui correspond à celle qu'elle a consentie pour le rachat, le 17 mars 2008, des titres détenus par M. A...à hauteur de 5 % du capital de la même société. Mais cette valeur demeure très inférieure à la valeur patrimoniale susmentionnée de la société constatée dans ses comptes en 2007, de sorte, qu'en se bornant à soutenir, sans le justifier, qu'elle a dû surenchérir par rapport à la valeur réelle des titres dès lors que leur détenteur s'opposait au projet de gouvernance de la société Loire Offset et que son opposition aurait pu faire échouer l'opération de fusion-absorption en cause, la société requérante ne démontre pas que le prix de cette vente serait étranger au jeu normal de l'offre et de la demande. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve que les cessions faites à M. B... l'ont été à un prix minoré par rapport à la valeur réelle des titres et sont, par suite, à concurrence des montants rectifiés, constitutives d'un acte anormal de gestion.
7. Il résulte de ce qui précède que la société civile La Malosse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile La Malosse est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile La Malosse et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. Souteyrand, président assesseur,
MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.
N° 19LY00539 2