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28/11/2019 | FRANCE | N°17LY03291

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 28 novembre 2019, 17LY03291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Montluçon a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum les sociétés Lusseau Squiban et Physalid à lui verser la somme de 17 679,72 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation au titre des travaux de réparation des désordres affectant la chaufferie au bois de son centre horticole.

Par un jugement n°1600028 du 29 juin 2017, le tribunal a, d'une part, partiellement fait droit à sa demande en condamnant la société Lusseau Squiban à

lui verser la somme de 16 163,88 euros HT assortie des intérêts légaux et de leur c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Montluçon a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum les sociétés Lusseau Squiban et Physalid à lui verser la somme de 17 679,72 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation au titre des travaux de réparation des désordres affectant la chaufferie au bois de son centre horticole.

Par un jugement n°1600028 du 29 juin 2017, le tribunal a, d'une part, partiellement fait droit à sa demande en condamnant la société Lusseau Squiban à lui verser la somme de 16 163,88 euros HT assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation et, d'autre part, rejeté les conclusions de cette société tendant à être garantie par la société Nolting comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et mis les frais d'expertise à la charge de la société Lusseau Squiban.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 aout 2017, la société Lusseau Squiban, représentée par Me E... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ou, subsidiairement, de ramener sa part de responsabilité à de plus justes proportions et de condamner les sociétés Dalkia, Physalid et Nolting à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de mettre à charge de tout succombant la somme de 2 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont retenu l'expert judiciaire et le tribunal, la cause des désordres n'est pas le sous-dimensionnement de la vis mais un défaut d'entretien et de surveillance par la société Dalkia en sa qualité d'exploitante de l'installation ;

- les désordres étaient visibles à la date de la réception et n'ont pas fait l'objet de réserves, de sorte que la garantie de parfait achèvement ne peut être mise en oeuvre ;

- la société Physalid, maître d'oeuvre, qui ne pouvait les ignorer, avait l'obligation d'attirer l'attention de la commune et aurait dû exiger d'en rechercher la cause ; elle est fondée à l'appeler en garantie ;

- elle est fondée à appeler en garantie à hauteur de 60 à 80 % la société Nolting, son fournisseur, qui a manqué à son devoir de conseil et d'assistance, et à hauteur de 10 % la société Dalkia.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2019, la commune de Montluçon, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement et à la condamnation in solidum des sociétés Lusseau Squiban et Physalid à lui verser la somme de 17 679,72 euros HT assortie des intérêts et de la capitalisation et les sommes de 10 618,43 et 3 000 euros au titre des frais du litige exposé respectivement en première instance et en appel.

Elle fait valoir que :

- comme l'a estimé l'expert judiciaire, la cause principale des désordres réside dans un défaut de conception de la vis de la chaufferie imputable à la société Nolting et la société Lusseau Squiban ;

- alors même que les désordres n'étaient pas apparents à la réception elle est fondée à rechercher la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre qui a manqué à son devoir de conseil et à sa mission d'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les désordres portent atteinte à la destination de l'ouvrage ;

- le coût des visites mensuelles de la société Dalkia au titre du démontage des couvercles de l'auge, préconisées par l'expert judiciaire, est de 1 515,84 euros.

Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2019, la société Physalid, représentée par Me A..., conclut à la réformation du jugement et à la condamnation des sociétés Lusseau Squiban et Dalkia à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, de la société Lusseau Squiban et de tout succombant à lui verser les sommes de 2 000 euros au titre des frais du litige exposés en première instance et de cette société, de la commune de Montluçon et de tout autre succombant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des mêmes frais exposés en appel.

Elle fait valoir que :

- la société Lusseau Squiban et la commune n'établissent pas qu'elle aurait commis une faute dans sa mission d'assistance du maître de l'ouvrage à la réception et pendant la durée de la garantie de parfait achèvement ;

- le désordre affectant la vis d'alimentation n'est apparu ni en cours de chantier ni au moment de la réception ;

- il a pour cause principale un défaut de conception commis par le fabriquant de la vis ;

- il ne peut être couvert par la garantie décennale du constructeur dès lors que le défaut de fonctionnement de la chaudière n'entraîne pas l'impossibilité d'exploiter la serre ;

- il est également lié à un changement de la configuration initialement prévue du système d'alimentation de la chaufferie décidé par la commune postérieurement à l'attribution du marché du lot n° 5 ;

- la commune a commis une faute en ne respectant pas les consignes de remplissage de la vis ;

- les fautes du maître d'ouvrage l'exonèrent de sa responsabilité décennale ;

- elle est fondée à appeler en garantie les sociétés Lusseau Squiban et Dalkia dont les responsabilités ont été retenues par l'expert judiciaire ;

- le tribunal a rejeté sa demande au titre des frais du litige alors qu'elle n'était pas la partie perdante.

Un mémoire enregistré le 30 octobre 2019 présenté pour la société Lusseau Squiban n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

- et les observations de Me G... représentant la société Lusseau Squiban et celles de Me D... représentant la commune de Montluçon.

Considérant ce qui suit :

1. Par des actes d'engagement des 4 juin et 5 octobre 2009, la commune de Montluçon a confié une mission de maîtrise d'oeuvre à un groupement momentané d'entreprises dont le mandataire était la société Physalid et l'exécution du lot n° 5 " chauffage, régulation climatique " à un groupement conjoint constitué de la société Lusseau Squiban, mandataire, et de la société Horconex pour la reconstruction des serres horticoles de son centre de production florale. A fin d'exécution de son lot, qui comprenait la réalisation des équipements de chauffage pour les besoins du centre horticole, le déplacement des deux chaudières à gaz, la création d'une chaufferie au bois et la régulation climatique de la serre, la société Lusseau Squiban a commandé une chaudière à la société allemande Nolting. La réception des travaux du lot n° 5 a été prononcée sans réserve le 6 décembre 2011. La maintenance de la chaufferie a été confiée par la commune à la société Dalkia. La vis permettant l'alimentation en combustible de la chauferrie s'étant brisée le 27 février 2012 puis, malgré les réparations effectuées, les 22 décembre 2012 et 30 janvier 2013, la commune a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la condamnation, à titre principal, de la société Lusseau Squiban sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et des sociétés Physalid et Dalkia sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou, à défaut, des sociétés Lusseau Squiban et Physalid sur le fondement de la garantie décennale. Par un jugement du 29 juin 2017 et alors que la vis s'était à nouveau rompue le 2 avril 2016, le tribunal a donné acte à la commune du désistement de ses conclusions dirigées contre la société Dalkia, a condamné la société Lusseau Squiban, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, à verser à la commune la somme de 16 163,88 euros HT assortie des intérêts à compter du 7 janvier 2016 et de la capitalisation, mis à la charge définitive de cette société les frais d'expertise et rejeté le surplus des conclusions des parties. La société Lusseau Squiban demande l'annulation de ce jugement ou à défaut que sa part de responsabilité soit ramenée à de plus justes proportions et à être garantie par les sociétés Dalkia, Physalid et Nolting des condamnations prononcées à son encontre. La commune de Montluçon et la société Physalid concluent à la reformation du jugement.

Sur l'appel principal de la société Lusseau Squiban :

2. La garantie de parfait achèvement, prévue à l'article 44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, d'une durée d'un an à compter de la réception des travaux et résultant du contrat, fait obligation au constructeur de remédier aux désordres signalés dans ce délai afin de rendre l'ouvrage conforme aux précisons du marché.

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire désigné par une ordonnance du 24 avril 2013, que les ruptures de la 2ème vis de manutention ont pour cause son sous-dimensionnement aux conditions de charge en cours de fonctionnement. Ces désordres sont imputables à la fois à la société Nolting, qui, d'une part, a fourni une vis sous dimensionnée et ne l'a pas remplacée par une autre vis sous garantie et, d'autre part, n'a pas vérifié et maîtrisé le taux trop élevé de remplissage de la vis, ainsi qu'à la société Lusseau Squiban, qui n'a pas davantage vérifié et maîtrisé ce taux de remplissage ni veillé à l'application des règles de remplissage, alors que par ailleurs la mauvaise qualité de ses soudures a amplifié les faiblesses de la vis. Si la société Lusseau Squiban soutient que le sous-dimensionnement de la vis était visible au moment de la réception des travaux, elle n'établit pas ni même n'allègue que la commune lui a imposé le dimensionnement de la vis. C'est donc à juste titre que le tribunal administratif a considéré que la commune de Montluçon était fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement de la garantie de parfait achèvement.

4. Si le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève en principe de la compétence de la juridiction administrative, il en va autrement lorsque les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. Les sociétés Lusseau Squiban et Nolting, son fournisseur qui ne peut être en l'espèce qualifié de constructeur, étaient liées entre elles par un contrat de droit privé. Il en découle que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître le litige les opposant, ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal.

5. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3 sur la cause des désordres et leur imputabilité, les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Lusseau Squiban à l'encontre de la société Physalid et, en tout état de cause, de la société Dalkia doivent être rejetées.

Sur les conclusions de la commune de Montluçon :

6. En premier lieu et d'une part, la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Comme il a été dit au point 3, les désordres sont imputables à un sous-dimensionnement de la vis aux conditions de charge en cours de fonctionnement et ne pouvaient dès lors être connus de la société Physalid pendant le déroulement des travaux.

7. D'autre part, il ne résulte pas non plus de l'instruction que le maître d'oeuvre n'ai pas assuré le suivi de la réparation effectuée par la société Lusseau Squiban selon les instructions de la société Nolting après la première rupture de la vis survenue le 27 février 2012 pendant la période de garantie de parfait achèvement. Dès lors, la commune de Montluçon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité contractuelle de la société Physalid.

8. En deuxième lieu, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

9. Bien que la chaudière soit alimentée en cascade par une vis à partir du stockage de combustible biomasse, son démontage ou son remplacement peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière à l'ouvrage constitué des serres horticoles. Dans ces conditions, l'équipement constitué de la chaudière et d'un ensemble d'alimentation de la chaudière en cascade par une vis à partir d'un stockage de combustible biomasse ne peut être regardé comme un élément indissociable susceptible d'engager la responsabilité décennale des constructeurs. Les désordres affectant la vis, qui compromettent le fonctionnement de cette source de chauffage, ne rendent pas les serres horticoles, qui peuvent être également chauffées par deux chaudières à gaz, impropres à leur destination. La commune de Montluçon n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les désordres en litige ne relèvent pas de la garantie décennale.

10. En troisième lieu, le tribunal a refusé de faire droit à la demande de la commune d'indemnisation du coût, de 1 515,84 euros, des visites mensuelles de la société Dalkia au titre du démontage des couvercles de l'auge pour vérifier le niveau de remplissage par le combustible bois, au motif que l'organisation de ces visites n'est pas directement liée aux désordres affectant la vis de la chaufferie à bois, alors qu'elles ont été préconisées par l'expert judiciaire. La commune de Montluçon n'établit pas toutefois que ces visites n'entrent pas dans le cadre de la mission de la société Dalkia d'entretien et de maintenance de la chaufferie au bois.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en condamnant la société Lusseau Squiban, tenue aux dépens, à verser à la commune de Montluçon la somme de 2 000 euros au titre des frais du litige, les premiers juges aient fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou une appréciation erronée du montant des frais exposés en première instance par la commune.

Sur les conclusions de la société Physalid :

12. Eu égard à ce qui précède, les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Physalid ne peuvent qu'être rejetées.

13. En rejetant les conclusions présentées par la société Physalid au titre des frais du litige, le tribunal administratif n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la société Lusseau Squiban n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ni à ce que sa condamnation soit ramenée à de plus justes proportions et, d'autre part, la commune de Montluçon et la société Physalid ne sont pas fondées à en demander la réformation.

Sur les frais du litige exposés en appel :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme mise à la charge de la commune de Montluçon qui n'est pas la partie perdante en appel. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la commune et de la société Physalis les frais qu'elles ont exposés en cause d'appel.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Lusseau Squiban et les conclusions d'appel de la commune de Montluçon et de la société Physalid sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Lusseau Squiban, à la commune de Montluçon, à la SARL Physalid, à la société Dalkia SA et à la société Nolting Gmbh.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme B..., président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

J.-L. d'Hervé

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 17LY03291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY03291
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : CABANES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-28;17ly03291 ?
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