La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2020 | FRANCE | N°18LY04139

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 28 janvier 2020, 18LY04139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme E... H... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 à 2014 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1700150 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2018 et le 24 juin 2019, M. et Mme H..., représentés par Me F...,

demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 septe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme E... H... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 à 2014 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1700150 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2018 et le 24 juin 2019, M. et Mme H..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 septembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ainsi que leur remboursement assorti des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme H... soutiennent que :

- ils entendent reprendre l'intégralité des moyens soulevés devant le tribunal, tirés de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification et de l'absence de preuve de l'exercice par Mme H... d'une activité occulte ;

- l'administration a méconnu l'obligation de tenir un débat oral et contradictoire ;

- l'administration ne pouvait appliquer le délai de reprise spécial à défaut d'exercice par Mme H... d'une activité occulte ;

- l'administration ne pouvait davantage appliquer la majoration de 80 % prévue en cas d'activité occulte.

Par un mémoire, enregistré le 29 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à M. et Mme H... qui ont été imposés d'office et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., présidente-assesseure,

- les conclusions de M. G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme H... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme J... H..., qui occupait un emploi salarié de chargée de clientèle au Crédit Agricole à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 à 2014 à la suite de la communication à l'administration fiscale par le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, d'éléments de nature à faire présumer une fraude en matière fiscale recueillis dans le cadre d'une information judiciaire ouverte à l'encontre de l'intéressée. A l'issue de cette vérification de comptabilité et d'un droit de communication mis en oeuvre auprès de l'autorité judiciaire, l'administration fiscale a soumis à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, le profit correspondant aux détournements de fonds opérés par Mme H... au détriment de clients de la banque, en application de la procédure d'évaluation d'office de l'article L. 73-2° du livre des procédures fiscales. M. et Mme H... ont, en conséquence du rehaussement de leurs revenus imposables des années 2009 à 2014, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assorties de la majoration de 80 % prévue en cas de découverte d'une activité occulte. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification des pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsqu'elle consulte des pièces détenues par l'autorité judiciaire, mais ne présentant pas le caractère de pièces comptables.

3. Il résulte de l'instruction que, le 3 décembre 2015 et le 10 décembre 2015, soit au cours de la vérification de comptabilité engagée le 2 décembre 2015, l'administration, faisant usage de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire en application des articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales, a consulté les procès-verbaux établis dans le cadre de la procédure ouverte à l'encontre de Mme H... pour des faits d'abus de confiance par personne faisant appel au public. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les pièces consultées par l'administration consistent uniquement en des procès-verbaux d'audition de Mme H... dans le cadre de la procédure pénale, lesquels comportent la liste des opérations de retraits d'espèces effectués sur les comptes des clients de la banque et reproduisent une partie des mouvements relevés sur les comptes bancaires de M. et Mme H.... Il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses n'ont été établies qu'à partir de ces procès-verbaux, l'administration n'ayant pas été mise en possession des extraits des comptes bancaires des clients de Mme H... ou de ceux des requérants. Dès lors que ces procès-verbaux ne présentent pas le caractère de pièces comptables, l'administration n'était pas tenue de les soumettre à un débat oral et contradictoire. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration de l'obligation de soumettre l'examen des pièces obtenues auprès de l'autorité judiciaire à un débat oral et contradictoire avec le contribuable doit être écarté.

4. En second lieu, si M. et Mme H... invoquent la " méconnaissance du contradictoire ", le recours à une procédure d'imposition d'office exclut la mise en oeuvre de la procédure contradictoire. Au demeurant, il résulte de l'instruction que les contribuables ont été informés, d'une part, des modalités de détermination des bases d'imposition notifiées d'office, conformément aux dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, et, d'autre part, de la teneur et de l'origine des renseignements et documents recueillis auprès de l'autorité judiciaire ainsi que le prévoit l'article L. 76 B du même livre. Par suite, le moyen tiré de la " méconnaissance du contradictoire " ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'étendue du droit de reprise :

5. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. /(...) /Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ".

6. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des extraits des procès-verbaux de son audition par l'autorité judiciaire, que Mme H... a détourné des sommes appartenant aux clients de son employeur en procédant à des retraits d'espèces au moyen de cartes de retrait à usage unique ou en faisant signer par ses clients âgés ou en situation de faiblesse des bordereaux de retraits d'espèces en lieu et place de bordereaux de remise de chèques ou de virements. Ces sommes ont été confiées à plusieurs membres de la famille de Mme H... et de son époux, qui les ont déposées sur leurs propres comptes bancaires avant de les transférer sur les comptes bancaires des requérants. L'administration fait valoir, sans être contredite, que, d'une part, Mme H... a partiellement reconnu, lors de son interrogatoire du 10 avril 2014, avoir commis les faits qui ont justifié sa mise en examen, et d'autre part, qu'un dispositif de surveillance mis en place par la police a permis de surprendre Mme H... en flagrant délit lors de la commission de ces faits le 8 avril 2014. Si M. et Mme H... soutiennent que les dépôt d'espèces constatés sur leurs comptes bancaires proviennent de la vente de biens personnels et de dons familiaux, ils n'apportent à l'appui de ces affirmations aucun élément susceptible de les étayer. Dans ces conditions, et sans que les requérants puissent utilement faire valoir que Mme H... n'a fait l'objet d'aucune plainte de la part des clients lésés ni se prévaloir de l'absence de condamnation pénale, dès lors que la matérialité des faits reprochés est suffisamment établie, l'administration doit être regardée comme démontrant que les agissements de l'intéressée caractérisent une activité illicite et, par suite, réputée occulte, de détournement de fonds. Le service était, dès lors, fondé à faire application du délai spécial de reprise de dix ans prévu par le troisième alinéa précité de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le montant des bénéfices non commerciaux :

7. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / (...) ". Aux termes de l'article 93 du même code : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ".

8. Les bénéfices non commerciaux tirés par Mme H... de son activité occulte de détournement de fonds ayant été évalués d'office, les requérants supportent, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à leur charge. Ainsi qu'il a été dit au point 6, les requérants ne justifient toutefois pas que les virements provenant de membres de leur famille et dont l'administration a établi qu'ils correspondent aux sommes retirées en espèces des comptes bancaires des clients de la banque au sein de laquelle Mme H... exerçait ses fonctions, proviendraient de la vente de biens personnels et de dons familiaux et devraient, par suite, être exclus des profits imposables en application de l'article 92-1 précité du code général des impôts.

Sur les majorations :

9. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

10. L'administration a apporté la preuve, ainsi qu'il a été indiqué au point 6, que Mme H... a exercé une activité de détournement de fonds. Mme H... n'a déposé au titre des années en litige aucune des déclarations qu'elle était tenue de souscrire à raison de cette activité imposable et n'a pas davantage fait connaître cette activité au centre de formalités des entreprises dont elle dépend. Elle ne soutient pas qu'elle aurait commis une erreur dans l'appréciation de ses obligations déclaratives. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a fait application, au titre des années litigieuses, de la majoration de 80 % pour découverte d'une activité occulte sur le fondement du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin de décharge et de remboursement des sommes versées, assorties des intérêts moratoires, doivent, en conséquence, et en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme H... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... H... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2020.

2

N° 18LY04139

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04139
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-05-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme TERRADE
Avocat(s) : ADIDA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-28;18ly04139 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award