Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Toulaud, à titre principal, à procéder ou à faire procéder aux travaux d'entretien du chemin rural desservant sa propriété préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport du 23 juin 2015 ou, à défaut, à lui verser une indemnité de 20 100 euros hors taxes correspondant au montant de ces travaux et, en toute hypothèse, à lui verser les sommes de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, 2 500 euros en remboursement des frais d'architecte et, au titre de son préjudice financier lié à la perte de revenus locatifs, 3 280 euros pour sa "maison n° 675" et 5 880 euros pour sa "maison n° 677", outre la somme de 210 euros par mois à compter du 1er mars 2017 jusqu'à la relocation de ce bien .
Par un jugement n° 1602819 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2018, un mémoire rectificatif enregistré le 9 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 6 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 mai 2018 ;
2°) de condamner la commune de Toulaud à procéder ou à faire procéder aux travaux préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport du 23 juin 2015 ou, à défaut, à lui verser une indemnité de 20 100 euros hors taxes correspondant au montant des travaux ;
3°) de condamner la commune de Toulaud à lui verser les sommes de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, 2 500 euros en remboursement des frais d'architecte et, au titre de son préjudice financier, 3 280 euros pour sa "maison n° 675" et 9 240 euros pour sa "maison n° 677", outre la somme de 210 euros par mois à compter du 1er juillet 2018 jusqu'à la remise en état de la voie ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Toulaud la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 404,30 euros en remboursement des frais d'huissiers engagés et le paiement des frais d'expertise judiciaire.
Elle soutient que :
- la commune doit entretenir le chemin rural desservant sa propriété dès lors qu'elle a déjà entrepris de prendre en charge cet entretien en 2006, 2011 et 2013 et que le maire s'est engagé à procéder aux travaux nécessaires ;
- la responsabilité de la commune est engagée car le maire doit, en application de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime, prendre les mesures qui s'imposent pour assurer la sécurité des usagers devant emprunter le chemin rural ;
- elle évalue son préjudice moral à la somme de 5 000 euros et son préjudice financier aux sommes de 3 280 euros pour sa "maison n° 675" et 9 240 euros pour sa "maison n° 677" ;
- la commune doit prendre en charge les frais d'architecte qu'elle a engagés.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2019, la commune de Toulaud, représentée par Me C..., conclut :
1°) à titre principal à l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la requête s'agissant du chemin entre les PM 620 et 640 ;
2°) à titre subsidiaire au rejet de la requête ;
3°) et à ce que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le chemin rural en cause appartient en partie à la requérante ;
- les conclusions à fin d'injonction ne peuvent pas être des conclusions présentées à titre principal ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme E...,
- et les observations de Me C..., pour la commune de Toulaud ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... est propriétaire d'une maison d'habitation comportant deux logements mis en location sur le territoire de la commune de Toulaud (Ardèche). Cette maison est desservie sur une longueur totale d'environ 620 mètres par un chemin rural non goudronné dénommé chemin des Valettes puis chemin rural n° 37, qui ne dessert que cette construction. Elle a demandé à plusieurs reprises à la commune d'effectuer des travaux d'entretien de ce chemin. Par un jugement du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme D... tendant à la condamnation de la commune de Toulaud à procéder ou à faire procéder aux travaux d'entretien du chemin préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport du 23 juin 2015 ou, à défaut, à lui verser une indemnité de 20 100 euros hors taxes correspondant au montant des travaux et, en toute hypothèse, à lui verser les sommes de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, 2 500 euros en remboursement des frais d'architecte et, au titre de son préjudice financier lié à la perte de revenus locatifs, 3 280 euros pour sa "maison n° 675" et 5 880 euros pour sa "maison n° 677", outre une somme de 210 euros par mois à compter du 1er mars 2017 jusqu'à la relocation de ce bien. Mme D... relève appel de ce jugement.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. La partie du chemin rural située entre les points métriques (PM) 0 et 620, qui appartient au domaine privé de la commune, est ouverte à la circulation publique et constitue un ouvrage public. La demande de Mme D... tend à la réparation des préjudices qu'elle prétend subir du fait du mauvais entretien de ce chemin. La juridiction administrative est donc compétente pour statuer sur cette demande, indépendamment de l'éventuelle appartenance à la requérante de la portion du chemin située entre les PM 620 et 640. L'exception d'incompétence opposée par la commune doit par suite être écartée.
Sur la responsabilité de la commune :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". La responsabilité d'une commune en raison des dommages trouvant leur origine dans un chemin rural n'est pas, en principe, susceptible d'être engagée sur le fondement du défaut d'entretien normal. Il en va différemment dans le cas où la commune a exécuté, postérieurement à l'incorporation du chemin dans la voirie rurale, des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et a ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien.
4. La commune conteste dans ses écritures avoir fait réaliser en 2006 des travaux sur la partie en litige du chemin, et il ne ressort pas du rapport d'expertise judicaire du 23 juin 2015, notamment des pages 7 et 14, qu'elle aurait alors fait niveler la terre "en y faisant passer une lame" comme le soutient la requérante. Il résulte en outre de l'instruction que la commune a informé la requérante dès 2007 de ce qu'elle n'entendait pas, compte tenu notamment de ses faibles moyens financiers, entretenir le chemin rural. Il résulte du rapport d'expertise judicaire que la commune a fait goudronner en 2011 une portion, d'environ 150 mètres, du chemin, en pente et comportant deux virages "en épingle à cheveux" dont l'un très serré. Ces travaux n'ont ainsi porté que sur la partie la plus dangereuse du chemin afin de sécuriser son utilisation. La commune a également, en 2013, fait boucher quelques ornières profondes de la chaussée par apport de graviers. Toutefois, compte tenu de leur caractère ponctuel, ces travaux ne sauraient suffire à caractériser une volonté de la commune d'assumer l'entretien du chemin. Contrairement à ce que soutient la requérante, la commune, qui a d'ailleurs refusé à Mme D... par un arrêté du 19 février 2007 un permis de construire portant sur l'agrandissement de sa construction au motif qu'elle n'était pas desservie dans des conditions satisfaisantes, n'est dès lors pas tenue d'entretenir le chemin rural et d'effectuer les travaux préconisés par l'expert dans son rapport du 23 juin 2015. Par suite, et malgré les difficultés que rencontrent les locataires de la maison de Mme D... pour y circuler, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de la commune serait engagée en raison du défaut d'entretien normal de ce chemin.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. ".
6. D'une part, s'il appartient au maire de faire usage de son pouvoir de police afin de réglementer et, au besoin, d'interdire la circulation sur les chemins ruraux et s'il lui incombe de prendre les mesures propres à assurer leur conservation, les dispositions de l'article L. 161-5 du code rural n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge des communes une obligation d'entretien de ces voies. Par suite, le moyen tiré de ce que la commune aurait manqué à son obligation d'assurer l'entretien du chemin rural, qui découlerait de ces dispositions, ne peut qu'être écarté.
7. D'autre part, si un accident a eu lieu en 2014 sur la portion en litige du chemin, il ne résulte pas de l'instruction que cet accident serait lié à un défaut de mesures de conservation ou de police relevant de la compétence du maire en application de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime. Par ailleurs, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que l'état du chemin permet aux services de secours de se rendre à la maison d'habitation de Mme D....
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que les conclusions de Mme D... tendant à la condamnation de la commune de Toulaud à réparer les préjudices découlant de l'état du chemin rural et à ce qu'il soit enjoint à la commune de réaliser les travaux préconisés par l'expert doivent être rejetées.
9. Les frais d'expertise et les frais d'huissier doivent être laissés à la charge de Mme D....
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Toulaud, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme D... une somme au titre des frais du litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme de 2 000 euros à la charge de Mme D... à verser à la commune de Toulaud.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Toulaud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de Toulaud.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, président de la formation de jugement,
Mme F..., premier conseiller.
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 février 2020.
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N° 18LY02469