Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
I / Par une demande, enregistrée le 21 mars 2016, sous le n° 1601583, le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision du 16 décembre 2015 par laquelle le maire de Thonon-les-Bains a refusé de faire droit à l'intégralité des demandes de décharge d'activité de service à compter du 1er janvier 2016 au profit de Mme D... ;
2°) de condamner la commune de Thonon-les-Bains à leur verser la somme de 5 000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de ce refus.
II / Par une demande, enregistrée le 20 avril 2016, sous le n° 1602286, le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision du 31 mars 2016 en tant que le maire de Thonon-les-Bains a informé le syndicat qu'il refuserait, à compter du 1er avril 2016, d'accorder toute demande de décharge d'activité de service au profit de Mme D... ;
2°) d'enjoindre au maire de Thonon-les-Bains d'accorder à Mme D..., sous astreinte journalière de 50 euros, une décharge d'activité de service à mi-temps.
Par un jugement n° 1601583 - 1602286 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 31 mars 2016 par laquelle le maire de Thonon-les-Bains a refusé toute décharge d'activité de service à Mme D... à compter du 1er avril 2016 et a rejeté le surplus de leurs conclusions.
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 18LY2579, le 11 juillet 2018, le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et Mme D..., représentés par la SELARL BJA, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision précitée du maire de la commune de Thonon-les-Bains en date du 16 décembre 2015 ;
2°) de condamner la commune de Thonon-les-Bains à leur verser la somme de 5 000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de ce refus ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Thonon-les-Bains une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'octroi des décharges d'activité de service sollicitées n'induit pas de problème d'organisation ou de continuité de service ;
- aucun motif de nécessité de service n'est opposable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2019, la commune de Thonon-les-Bains, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et de Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 18LY2751 le 20 juillet 2018 et un mémoire, enregistré le 18 décembre 2019, la commune de Thonon-les-Bains, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a annulé la décision précitée du maire de la commune de Thonon-les-Bains en date du 31 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande de Mme D... et du syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie présentée devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge du syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et de Mme D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- sa décision est justifiée par des nécessités de service ;
- le moyen tiré du défaut de motivation de sa décision n'est pas opérant ;
- en tout état de cause, sa décision est suffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et Mme D..., représentés par la SELARL BJA, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Thonon-les-Bains sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 92-850 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G..., présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me F... représentant la commune de Thonon-les-Bains ;
Considérant ce qui suit :
1. A la suite des élections professionnelles de décembre 2014 au comité technique de la commune de Thonon-les-Bains, le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie s'est vu accorder, à partir de l'année 2015, un contingent de décharges d'activité de service mensuelles de 109 heures et 35 minutes, à reconduire chaque année. Par une décision du 16 décembre 2015, le maire de Thonon-les-Bains a accordé treize journées d'absence, pour le 1er semestre de l'année 2016, mais a refusé d'accorder pour Mme D... l'intégralité des autorisations sollicitées. Par une décision du 31 mars 2016, le maire a informé le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie qu'à compter du 1er avril 2016 toute décharge d'activité de service serait refusée pour Mme D.... Par un jugement du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision précitée du 31 mars 2016 et rejeté la demande du syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2015. Le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et Mme D..., d'une part, et, d'autre part, la commune de Thonon-les-Bains relèvent appel de ce jugement.
Sur la jonction des requêtes nos 18LY02579 et 18LY02751 :
2. Les requêtes n° 18LY02579 et 18LY02751 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés en défense, a suffisamment motivé son jugement. Par suite, le moyen présenté par la commune de Thonon-les-Bains tiré du défaut de motivation du jugement manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 16 décembre 2015 :
4. Aux termes de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. (...) ". L'article 100-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions contestées, dispose : " I. - Sous réserve des nécessités du service, les collectivités et établissements accordent un crédit de temps syndical aux responsables des organisations syndicales représentatives. Celui-ci comprend deux contingents : (...) / 2° Un contingent est accordé sous forme de décharges d'activité de service. Il permet aux agents publics d'exercer, pendant leurs heures de service, une activité syndicale au profit de l'organisation syndicale à laquelle ils appartiennent et qui les a désignés en accord avec la collectivité ou l'établissement. Il est calculé selon un barème dégressif appliqué au nombre d'électeurs inscrits sur la liste électorale du ou des comités techniques compétents (...) ". Aux termes de l'article 20 du décret du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale : " Les organisations syndicales désignent les agents bénéficiaires des décharges d'activité de service parmi leurs représentants en activité dans le périmètre du ou des comités techniques pris en compte pour le calcul du contingent concerné. Elles en communiquent la liste nominative à l'autorité territoriale. / Si la désignation d'un agent est incompatible avec la bonne marche du service, l'autorité territoriale motive son refus et invite l'organisation syndicale à porter son choix sur un autre agent. La commission administrative paritaire ou la commission consultative paritaire compétente doit être informée de cette décision ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut légalement refuser une décharge d'activité sollicitée pour l'exercice du droit syndical, ou n'accueillir que partiellement la demande dont elle est saisie par un syndicat, lorsque notamment la demande se heurte à des nécessités de service.
6. Aux termes de l'article 2 du décret du 28 août 1992, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les agents spécialisés des écoles maternelles sont chargés de l'assistance au personnel enseignant pour la réception, l'animation et l'hygiène des très jeunes enfants ainsi que de la préparation et la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants. Les agents spécialisés des écoles maternelles participent à la communauté éducative. / Elles peuvent, également, être chargées de la surveillance des très jeunes enfants dans les cantines. Elles peuvent, en outre, être chargées, en journée, des mêmes missions dans les accueils de loisirs en dehors du domicile parental des très jeunes enfants. / Elles peuvent également assister les enseignants dans les classes ou établissements accueillant des enfants handicapés. ".
7. Par la décision du 16 décembre 2015, et conformément à l'avis de la commission administrative paritaire (CAP), le maire de la commune de Thonon-les-Bains a refusé de faire droit à l'intégralité des demandes formulées par le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie concernant les décharges d'activité de service concernant Mme D... pour l'exercice de son activité syndicale. La commune a accordé treize jours de décharge sur le premier semestre 2016. L'avis de la CAP et la décision de la commune sont fondés sur la nature des fonctions d'Atsem de Mme D..., son rôle auprès de jeunes enfants et le contexte particulier lié à la mise en oeuvre du plan Vigipirate dans les établissements scolaires. Dans ces conditions, le maire de la commune de Thonon-les-Bains justifie des nécessités de service alléguées pour refuser de faire droit à l'intégralité des demandes de décharge d'activité pour l'exercice de l'activité syndicale de Mme D....
8. Il résulte de ce qui précède que le syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 16 décembre 2015 et leur demande indemnitaire en l'absence de toute illégalité fautive de la commune en lien avec cette décision.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 31 mars 2016 :
9. Par la décision du 31 mars 2016, le maire de la commune de Thonon-les-Bains, se fondant sur l'avis de la commission administrative paritaire du 11 décembre 2015 et sur l'absence de désignation par le syndicat CFDT Interco de Haute-Savoie, d'une autre personne que Mme D... pour bénéficier de décharges d'activité de service, a refusé par avance toutes les demandes qui pourraient être formulées au bénéfice de l'intéressée à compter du 1er avril 2016. Il résulte des termes de l'avis du 11 décembre 2015, que la CAP a seulement donné un avis défavorable à l'octroi à Mme D... d'une décharge d'activité de service à 50 % tout en précisant qu'il ne s'agissait pas " d'un refus généralisé ". Ainsi, la commune de Thonon-les-Bains, en se bornant dans sa décision à se prévaloir de cet avis de la CAP ne justifie pas que la désignation de Mme D... comme bénéficiaire de décharge d'activité de service est incompatible avec la bonne marche du service au sens des dispositions l'article 20 du décret du 3 avril 1985. La commune ne peut, par ailleurs, utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle a accordé, par des décisions ultérieures, au syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie des décharges d'activité de service au syndicat et notamment à Mme D.... Par suite, la commune de Thonon-les-Bains ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 20 du décret du 3 avril 1985, refuser, par sa décision du 31 mars 2016, toute demande de décharge d'activité de service au profit de Mme D... à compter du 1er avril 2016.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Thonon-les-Bains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 31 mars 2016.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et de Mme D... est rejetée.
Article 2 : La requête de la commune de Thonon-les-Bains est rejetée.
Article 3: Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., au syndicat CFDT Interco de la Haute-Savoie et à la commune de Thonon-les-Bains.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :
Mme B... A..., présidente de chambre,
Mme H..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2020.
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Nos 18LY02579-18LY02751