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08/07/2020 | FRANCE | N°19LY04804

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 juillet 2020, 19LY04804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une ordonnance du 15 avril 2015, le juge commissaire du tribunal de commerce de Lyon chargé de la procédure de liquidation judiciaire de la société GDM France s'est déclaré incompétent pour statuer sur la créance déclarée par le centre hospitalier de Valence. Il a enjoint au centre hospitalier de saisir la juridiction compétente.

Le centre hospitalier de Valence a demandé au tribunal administratif de Grenoble de statuer sur l'existence et le montant de la créance déclarée dans le cadre de ce

tte procédure pour un montant de 3 606 237,52 euros.

Par un jugement n° 1503922 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une ordonnance du 15 avril 2015, le juge commissaire du tribunal de commerce de Lyon chargé de la procédure de liquidation judiciaire de la société GDM France s'est déclaré incompétent pour statuer sur la créance déclarée par le centre hospitalier de Valence. Il a enjoint au centre hospitalier de saisir la juridiction compétente.

Le centre hospitalier de Valence a demandé au tribunal administratif de Grenoble de statuer sur l'existence et le montant de la créance déclarée dans le cadre de cette procédure pour un montant de 3 606 237,52 euros.

Par un jugement n° 1503922 du 27 juillet 2017, modifié selon une ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 22 août 2017, le tribunal a condamné la société GDM France à verser au centre hospitalier de Valence la somme de 3 125 367,95 euros.

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 septembre 2017 et 14 août 2018, la société MJ Synergies-Mandataires Judiciaires, agissant en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société GDM France, a relevé appel de ce jugement.

Par une ordonnance n° 17LY03524 du 14 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de la société MJ Synergies-Mandataires Judiciaires.

Par une ordonnance n° 435996 du 20 décembre 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête d'appel de la société MJ Synergie-Mandataires Judiciaires à la cour administrative d'appel de Lyon.

Procédure devant la cour

Par la requête et le mémoire visés ci-dessus, la société MJ Synergies-Mandataires Judiciaires, agissant en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société GDM France, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valence la somme de 4 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- la contradiction des mentions du jugement attaqué ne permet pas de déterminer la composition exacte de la formation de jugement ;

- le tribunal a méconnu son office en requalifiant la demande de fixation de créance du centre hospitalier qui ne ressortissait pas à sa compétence ;

- sa demande présentée après l'intervention de l'ordonnance d'incompétence du juge commissaire était irrecevable ; le jugement qui est entré en voie de condamnation est donc irrégulier ;

- il est entaché d'une erreur matérielle quant au montant de la condamnation ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu que les pénalités de retard de la période E de la phase 1 n'étaient pas contestées ;

- les trois cent vingt-quatre jours de retard d'exécution de la période E de la phase 1, liés au traitement des irrégularités des planchers, ne sont pas imputables à la société GDM France ;

- le jugement n'est pas motivé s'agissant de la détermination du montant des pénalités ;

- le tribunal a commis une erreur dans la détermination de ce montant ;

- les neuf mois de retard d'exécution de la phase 2 ne sont pas davantage imputables en totalité à la société GDM France ;

- le marché de substitution passé par le centre hospitalier aux frais et risques de la société GDM France comporte des prestations étrangères au marché résilié et inutiles.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 juin 2018 et 10 janvier 2019, le centre hospitalier de Valence, représenté par Me Coiraton-Demercière, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué, à ce qu'il soit statué sur l'existence et le montant de la créance déclarée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société GDM France pour un montant de 3 125 367,95 euros et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société MJ Synergies-Mandataires Judiciaires au titre des frais du litige.

Il fait valoir que :

- le tribunal s'est mépris sur la nature des conclusions dont il l'avait saisi ;

- la juridiction administrative est compétente pour statuer sur l'existence et le montant de sa créance ;

- sa demande n'était pas tardive ;

- le tribunal n'a pas commis d'erreur dans la détermination du montant des pénalités ;

- le moyen tiré de ce que le marché de substitution passé par le centre hospitalier aux frais et risques de la société GDM France comporte des prestations étrangères au marché résilié et inutiles n'est pas fondé.

Un mémoire enregistré le 13 février 2020 présenté pour le centre hospitalier de Valence n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 14 janvier 2020, l'instruction a été close au 14 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cour de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de Mme Gondouin,

- les observations de Me Bennani, pour la société MJ Synergies, et celles de Me Pinhel, pour le centre hospitalier de Valence.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Valence et la société GDM Construzioni, aux droits de laquelle est venue sa filiale la société GDM France, ont signé le 22 janvier 2007 un acte d'engagement pour l'exécution du lot n° 2 " gros oeuvre " de l'opération de modernisation des bâtiments du centre hospitalier. Par une décision du 29 octobre 2013, le maître d'ouvrage a prononcé la résiliation du marché de ce lot aux frais et risques de l'entreprise. Par un jugement du 6 novembre 2013, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société GDM France et a désigné la société MJ Synergie-Mandataires Judiciaires en qualité de mandataire judiciaire. Le 17 janvier 2014, le centre hospitalier a adressé à la société MJ Synergie-Mandataires Judiciaires une déclaration de créance d'un montant de 4 263 623,73 euros TTC correspondant à des pénalités de retard et à des dépenses exposées à l'occasion de la passation d'un marché de substitution aux frais et risques de la société GDM France. Par une ordonnance du 15 avril 2015, le juge commissaire du tribunal de commerce de Lyon chargé de la procédure de liquidation judiciaire de la société GDM France s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur cette créance et a enjoint au centre hospitalier de Valence de saisir la juridiction compétente. Par une requête enregistrée le 26 juin 2015, cet établissement a demandé au tribunal administratif de Grenoble de statuer sur l'existence et le montant de la créance déclarée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société GDM France pour un montant de 3 606 237,52 euros. Par un jugement du 27 juillet 2017, modifié par une ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 22 août 2017, le tribunal a condamné la société GDM France à verser au centre hospitalier de Valence la somme de 3 125 367,95 euros. La société MJ Synergie-Mandataires judiciaires et le centre hospitalier de Valence demandent chacun en ce qui le concerne l'annulation de ce jugement. Le centre hospitalier de Valence demande en outre à la cour de statuer sur l'existence et le montant de sa créance déclarée pour un montant de 3 125 367,95 euros.

Sur la procédure :

2. Ainsi qu'il vient d'être dit, la requête présentée devant le tribunal administratif de Grenoble par le centre hospitalier de Valence tendait à la fixation du montant de créance qu'il entendait déclarer dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société GDM France. Le tribunal administratif, qui a regardé sa demande comme tendant à la condamnation de la société GDM France à lui verser la somme déclarée, s'est mépris sur la nature des conclusions dont il était saisi. Son jugement doit dès lors être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le centre hospitalier de Valence devant le tribunal administratif tendant à ce qu'il soit statué sur l'existence et le montant de la créance déclarée.

4. Le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'acte par lequel une personne morale de droit public déclare une créance au représentant des créanciers d'une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire, dès lors qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire, en vertu des articles L. 624-2 à L. 624-4 du code de commerce, de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées. En revanche, le juge administratif demeure compétent pour statuer dans ce cadre sur l'existence et le montant d'une créance publique.

5. Par ailleurs, si les dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce prévoient que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent il renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite le créancier à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, ce délai s'applique à la demande d'admission de la créance, qui ressortit à la compétence de l'autorité judiciaire, et est donc inopposable dans le cadre de la procédure devant la juridiction compétente pour constater l'existence et le montant de la créance. Au demeurant, le tribunal administratif a été saisi le 26 juin 2015, soit moins d'un mois après la notification le 1er juin 2015 de l'ordonnance du juge commissaire. La demande présentée par le centre hospitalier de Valence n'était donc pas tardive.

Sur le montant de la créance :

6. En premier lieu, lorsque le cocontractant n'est que partiellement responsable d'un retard dans l'exécution du contrat, les pénalités applicables doivent être calculées seulement d'après le nombre de jours de retard imputables au cocontractant lui-même.

7. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire désigné à la demande du centre hospitalier de Valence par une ordonnance du 25 mai 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble pour donner son avis sur les désordres affectant la phase I du programme de modernisation relative à la construction du bâtiment B 50, que la société GDM France est à l'origine de 344 jours de retard au regard du délai global d'exécution des travaux de construction de ce bâtiment, dont 324 jours au titre de la période E, courant du 28 novembre 2008 au 30 juillet 2009, au cours de laquelle il a été remédié aux importantes irrégularités de planéité des planchers imputables à un manquement aux règles de l'art par l'entreprise titulaire du lot " gros oeuvre ". Il ne résulte pas de l'instruction que les défaillances de la maîtrise d'oeuvre seraient pour partie à l'origine de ces 324 jours de retard. En application de l'article 4.3.1.1 du cahier des clauses administratives particulières applicable à son marché, le centre hospitalier de Valence pouvait régulièrement infliger à la société GDM France des pénalités d'un montant de 1 344 788,88 euros correspondant à 324 jours de retard. Compte tenu des 192 309,24 euros figurant sur les états d'acomptes du lot " gros oeuvre ", le montant de la créance du centre hospitalier de Valence s'élève à 1 152 479,64 euros.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport du 4 novembre 2013 de la société mandataire du groupement chargé d'une mission d'ordonnancement, pilotage coordination, sur l'état d'avancement des travaux au 31 octobre 2013, que l'incidence des retards d'exécution du lot " gros oeuvre " sur le délai global d'exécution des travaux de la phase 2 de restauration de l'aile ouest et du noyau central a été de neuf mois. La société MJ Synergies-Mandataires judiciaires, qui se borne à soutenir que la société GDM France a subi un préjudice résultant du temps d'attente entre les phases 1 et 2 et de l'allongement de deux mois de la durée de son chantier décidée par ordre de service du 20 décembre 2012, ne conteste pas utilement que le centre hospitalier pouvait régulièrement mettre à la charge de l'entreprise des pénalités d'un montant de 1 081 596,53 euros correspondant à neuf mois de retard.

9. En second lieu, le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable au litige, prévoit que dans le cas d'une entreprise dont le marché de travaux est résilié à ses frais et risques, le pouvoir adjudicateur passe un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux et que les excédents de dépenses qui résultent du nouveau marché sont à la charge du premier entrepreneur, qui est tenu envers le pouvoir adjudicateur de couvrir la différence résultant au détriment de ce dernier des conditions financières du marché de substitution, et de celles du marché initial y compris, s'il y a lieu, l'actualisation des prix. Le titulaire du marché résilié à ses frais et risques ne saurait être tenu de supporter les suppléments de dépenses découlant de la passation d'un marché de substitution comportant des prestations étrangères au marché résilié.

10. Le marché de relance 2 de modernisation du centre hospitalier de Valence passé le 17 février 2014 avec la société Bâtir 2000 avait pour objet l'achèvement de la phase 2 et la réalisation de la phase 3, ainsi que cela ressort du cahier des clauses administratives particulières de ce marché et du règlement de la consultation de l'appel d'offres portant sur le lot " gros oeuvre". Il résulte de l'instruction, et notamment du courrier de résiliation du marché de la société GDM France et du rapport du 4 novembre 2013 mentionné au point 8, exempts d'incohérences, que le marché passé avec la société Bâtir 2 000 ne comportait pas de prestations que la société GDM France s'était engagée à exécuter par son propre marché et que sa défaillance l'a empêché de mener à bien. Le centre hospitalier de Valence est dès lors fondé à invoquer l'existence d'une créance sur la société GDM France d'un montant de 890 931,77 euros TTC correspondant à la différence entre le prix du marché de substitution et le montant qui serait resté à payer à la société GDM France si elle avait elle-même achevé les travaux de son lot.

11. Compte tenu de ce qui précède, le centre hospitalier de Valence est fondé à invoquer l'existence d'une créance sur la société GDM France d'un montant total de 3 125 367,94 euros.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre des frais du litige.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement n° 1503922 du tribunal administratif de Grenoble du 27 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : La créance déclarée par le centre hospitalier de Valence dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société GDM France est fondée pour un montant global de 3 125 367,94 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société MJ Synergies-Mandataires judiciaires et au centre hospitalier de Valence.

Délibéré après l'audience 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président rapporteur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 juillet 2020.

2

N° 19LY04804


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04804
Date de la décision : 08/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : ASEA - CABINET ALDO SEVINO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-08;19ly04804 ?
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