Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 200 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'inexécution des autorisations de sortie sous escorte accordées par le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône par ordonnances des 19 mars et 2 avril 2012.
Par un jugement n° 1500593 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de l'inexécution de l'ordonnance du 19 mars 2012 du juge de l'application des peines, a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros à verser à son conseil au titre des frais du litige et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 juillet 2018, 5 septembre 2018 et 8 août 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 mai 2018 ;
2°) de rejeter l'ensemble des conclusions de première instance présentées par M. B....
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- les premiers juges ont estimé que la responsabilité de l'Etat devait être engagée sans faute, en raison d'une rupture d'égalité devant les charges publiques mais ils ont insuffisamment motivé leur jugement sur ce point et méconnu le champ d'application de ce régime de responsabilité ;
- seule une faute peut engager la responsabilité de l'Etat ; en l'espèce, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, l'inexécution des ordonnances du juge de l'application des peines était justifiée par un motif d'intérêt général.
La procédure a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du 19 mars 2012, le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a accordé à M. B..., alors détenu à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône (69), une autorisation de sortie sous escorte pour se rendre, le 22 mars suivant, au chevet de sa mère gravement malade, hospitalisée à Marseille (13). Suite au décès de sa mère, le même juge de l'application des peines lui a accordé, par une seconde ordonnance du 2 avril 2012, une autorisation de sortie sous escorte afin d'assister, le 3 avril 2012, aux rituels religieux et à la levée du corps avant son rapatriement en Algérie. M. B... n'a pas pu bénéficier des autorisations de sortie qui lui avaient été accordées car les services de gendarmerie n'ont pas assuré l'escorte requise par le juge de l'application des peines. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à l'indemniser de ses préjudices subis à cette occasion. Par un jugement du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon, après avoir écarté au fond la responsabilité pour faute de l'administration et informé les parties que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant du refus de l'escorter le 22 mars 2012, sur le fondement de la responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques, " en cas de dommages résultant de l'abstention motivée par les risques pour la sécurité ". Le ministre de l'intérieur relève, dans cette mesure, appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 723-6 du code de procédure pénale : " Tout condamné peut, dans les conditions de l'article 712-5, obtenir, à titre exceptionnel, une autorisation de sortie sous escorte. ". Aux termes de l'article D. 426 du même code, alors en vigueur : " Les agents de la force publique ou les membres de l'administration pénitentiaire chargés de l'escorte, qui accompagnent le détenu auquel a été accordée une autorisation de sortie en application des articles 148-5 et 723-6, peuvent être dispensés du port de l'uniforme ". Les autorisations de sortie accordées par le juge de l'application des peines sur le fondement des dispositions de l'article 723-6 précitées, après avis de la commission de l'application des peines, constituent des mesures exceptionnelles autorisant un détenu à quitter temporairement son lieu de détention, pour une cause et à des conditions déterminées par la juridiction compétente, sous réserve d'un encadrement par une escorte de police, de gendarmerie ou de personnels de l'administration pénitentiaire, dans des conditions de nature à assurer la sécurité des personnels chargés de l'escorte, du détenu, ainsi que la préservation de l'ordre public. Par suite, les nécessités de l'ordre public et les contraintes des services chargés de l'escorte peuvent légitimer un refus d'escorte pour la mise en oeuvre d'une autorisation de sortie accordée à titre exceptionnel par le juge de l'application des peines sur le fondement de l'article 723-6 du code pénal. Dans ces conditions, la responsabilité de l'Etat à raison d'un refus des services administratifs compétents d'assurer l'organisation d'une telle escorte ne peut être engagée qu'en cas de faute de l'Etat, lorsque cette décision n'est pas justifiée par un motif légitime.
3. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la responsabilité sans faute de l'Etat pour accorder à M. B... une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant du refus de l'escorter le 22 mars 2012. M. B... n'ayant pas présenté de conclusions d'appel principal ou incident dirigées contre le jugement du 9 mai 2018 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il écarte la responsabilité pour faute de l'Etat, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il prononce la condamnation de l'Etat et met à sa charge la somme de 900 euros à verser au conseil du requérant sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1500593 du tribunal administratif de Lyon du 9 mai 2018 sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Evrard, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 août 2020.
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N° 18LY02598