Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 décembre 2016 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de la délibération du 19 octobre 2016 de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Sud-Est refusant de renouveler sa carte professionnelle d'agent de sécurité privée et d'enjoindre au Conseil national des activités privées de sécurité de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1700701 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 21 décembre 2016 de la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS et a enjoint au CNAPS de réexaminer la demande de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2018, le CNAPS, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, en l'absence de signature de la minute du jugement ;
- la demande de M. D... a fait l'objet de deux enquêtes, l'une devant la commission interrégionale d'agrément et de contrôle (CIAC) et l'autre devant la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) ; les premiers juges ont commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en considérant que les fichiers de données à caractère personnel avaient été consultés par M. G..., qui ne justifiait pas d'une habilitation régulière, alors que M. G... est l'agent qui a réalisé l'enquête administrative au cours de la procédure devant la CIAC et que M. E... a réalisé l'enquête administrative devant la CNAC ; M. E... était régulièrement et spécialement habilité pour procéder à la consultation des fichiers dans le cadre de l'enquête administrative en vertu d'un arrêté préfectoral du 25 novembre 2015 et de sa fiche d'habilitation ; la mention du numéro de son matricule en haut à droite de la fiche de consultation du fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) est de nature à établir que M. E... a procédé à l'enquête et à la consultation du TAJ ;
- les moyens présentés par M. D... devant les premiers juges ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 25 juin 2019, M. D..., représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge du CNAC en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la seule mention du numéro de matricule de M. E... sur la fiche de résultat de l'enquête administrative ne suffit pas à justifier qu'il aurait effectivement consulté le fichier TAJ ;
- sur le fond, il renvoie à ses écritures de première instance ;
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant le CNAPS.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 juillet 2020, présentée pour le CNAPS ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 2 janvier 1990, a été mis en possession, pour l'exercice de la profession d'agent privé de sécurité, d'une carte professionnelle d'une durée de validité de cinq ans, dont il a sollicité le renouvellement le 28 août 2016. Par une décision du 19 octobre 2016, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle sud-est du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de faire droit à sa demande au motif que les conditions requises par les dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure n'étaient pas remplies, l'intéressé ayant été mis en cause, le 16 septembre 2015, en qualité d'auteur de faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité et de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité commis à Roanne. Le 2 novembre 2016, M. D... a formé un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission nationale du CNAPS. Par une décision du 21 décembre 2016, cette commission a rejeté son recours. Le CNAPS relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 21 décembre 2016 de la commission nationale du CNAPS et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le CNAPS n'est pas fondé à soutenir que le jugement est, à cet égard, entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable, " Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant soit les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, soit l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. ".
5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ". Aux termes de l'article L. 612-20 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ".
6. Il résulte de la combinaison de ces articles qu'une personne ne peut être employée pour l'exercice d'une activité privée de sécurité si elle a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou criminelle inscrite au bulletin n°2 de son casier judiciaire ou s'il résulte de l'enquête administrative diligentée pour instruire sa demande de délivrance de la carte professionnelle qu'elle a eu un comportement contraire à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et incompatible avec l'exercice d'une activité privée de sécurité. Par suite, une demande de renouvellement d'agrément au titre des activités privées de sécurité peut donner lieu à une enquête administrative comprenant la consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales portant notamment sur les antécédents judiciaires, à l'exception des cas où sont intervenues des décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives. Toutefois cette consultation n'est ouverte qu'aux seuls agents des commissions nationale et régionale d'agrément et de contrôle spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés.
7. Il ressort du jugement attaqué que, pour annuler la décision du 21 décembre 2016 de la commission nationale du CNAPS, le tribunal administratif de Lyon a estimé que si M. E... avait été habilité par un arrêté préfectoral du 25 novembre 2015 pour accéder aux données du TAJ et a établi la fiche d'enquête administrative, ces circonstances ne suffisaient pas à prouver que le traitement des antécédents judiciaires (TAJ) avait été consulté par lui et non par M. G....
8. En appel, le CNAPS fait valoir, sans être sérieusement contesté sur ce point, que M. G... est l'agent qui a procédé à l'enquête administrative impliquant une consultation des données figurant dans le TAJ au cours de la procédure devant la CIAC et que M. E... a procédé à l'enquête administrative dans le cadre du recours administratif préalable obligatoire introduit devant la CNAC et que ce dernier a été habilité individuellement pour accéder aux données figurant dans le TAJ. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 12 novembre 2016, la commission nationale du CNAPS a accusé réception du recours introduit par M. D... en précisant que l'affaire était suivie par M. E... et que la copie de la consultation du TAJ, datée du 8 novembre 2016, porte le numéro de matricule de cet agent qui avait été habilité, par un arrêté du 25 novembre 2015 du directeur de la police générale de la préfecture de police, à avoir accès, pour les besoins exclusifs de sa mission relative à l'instruction des demandes d'autorisations et d'agréments pour l'exercice d'une activité privée de sécurité, aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements autorisés par les textes réglementaires visés dans l'arrêté. Il s'ensuit que le CNAPS est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision litigieuse, le tribunal administratif de Lyon a relevé qu'il n'était pas établi que M. E... avait procédé à la consultation du TAJ dans le cadre de l'instruction du recours administratif préalable obligatoire présenté par M. D... et ayant conduit à la décision contestée.
9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif et la cour.
10. Aux termes de l'article R. 40-29, dans sa rédaction alors en vigueur, " I.- Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 et aux articles L. 114-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l'article R. 40-28. Cette consultation peut également être effectuée par : -des personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 ".
11. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'enquête administrative, un agent du CNAPS, dûment habilité, a consulté le fichier TAJ dont l'extraction a révélé que M. D... avait été mis en cause en qualité d'auteur de faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité et violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité commis le 16 septembre 2015 à Roanne. Compte tenu de ces faits, la commission nationale du CNAPS a décidé de refuser à M. D... une carte d'agent de sécurité privé.
12. Le requérant soutient que la décision méconnaît les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale qui impose qu'une décision défavorable fondée sur la circonstance que le demandeur objet de l'enquête apparait dans le TAJ en qualité de " mis en cause " soit précédée d'une saisine pour complément d'information des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale. Si le CNAPS soutient et a réaffirmé à l'audience que la fiche de résultat de l'enquête administrative a été établie après demande de complément d'information auprès des services de police ou de gendarmerie compétent, il ne l'établit pas faute d'avoir communiqué à la cour la preuve de la saisine de ces services. Par suite, il doit être tenu pour établi que la décision de la commission nationale du CNAPS du 21 décembre 2016 méconnaît les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale.
13. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
14. La saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du procureur de la République imposée par les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale a pour objet de protéger les personnes faisant l'objet d'une mention dans les fichiers d'antécédents judiciaires constitués par les services de police et de gendarmerie nationales aux fins de faciliter leurs investigations. Elle constitue, de ce fait, une garantie pour toute personne dont les données à caractère personnel sont contenues dans les fichiers en cause. La commission nationale du CNAPS n'a ainsi pu, sans méconnaître cette garantie, rejeter le recours administratif préalable obligatoire de M. D... à l'issue de l'enquête administrative, en se fondant sur la mise en cause de l'intéressé révélée par la consultation du fichier TAJ, sans avoir préalablement saisi les services de la police ou de la gendarmerie nationale aux fins de complément d'information. Dès lors, cette absence de saisine des services de la police ou de la gendarmerie nationale a privé M. D... d'une garantie et, par suite, a entaché d'illégalité la décision litigieuse.
15. Il résulte de ce qui précède que le CNAPS n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en litige.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante, la somme dont le CNAPS demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNAPS la somme demandée par M. D... au titre des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du CNAPS est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Evrard, président-assesseur,
Mme A..., premier conseiller,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 août 2020.
2
N° 18LY03446