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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY04257

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 août 2020, 18LY04257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703706 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2018 et des mémoires enreg

istrés le 2 octobre 2019 et le 1er juillet 2020, M. et Mme D..., représentés par Me B..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703706 du 5 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2018 et des mémoires enregistrés le 2 octobre 2019 et le 1er juillet 2020, M. et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 octobre 2018 ;

2°) de leur accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration n'a remis l'additif à la charte du contribuable vérifié, dans sa version applicable à la procédure en litige, que postérieurement à l'engagement de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle ;

- les réponses apportées à la demande de renseignements et de justifications étaient suffisantes de sorte que c'est au prix d'un vice de procédure que l'administration a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office ;

- la demande d'assistance administrative internationale n'aurait pas été régulièrement adressée aux autorités algériennes avant le 31 décembre 2013, de sorte que le délai de reprise de l'année 2010 aurait expiré ;

- cette demande n'est pas signée et le nom du signataire de ce document n'était pas compétent pour ce faire ;

- les renseignements demandés aux autorités algériennes n'entraient pas dans le champ d'application de l'article L. 188 A du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les bases d'imposition sont exagérées, dès lors que 84 % des sommes en litige proviennent de l'activité de location de sa société en Algérie.

Par des mémoires enregistrés le 28 mai 2019 et le 2 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. et Mme D... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme D... ;

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme D... a été enregistrée le 10 juillet 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est associé et gérant, d'une part, de la SARL AMT, société de droit français qui exerce l'activité d'entretien et de réparation de véhicules automobiles et, d'autre part, de la société de droit algérien TAL, qui exerce une activité de location de véhicules. M. D... et son épouse ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012, à la suite duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assorties de majorations pour manquement délibéré consécutives à la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales qui autorisent le recours à cette procédure lorsque le contribuable s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications adressées par l'administration fiscale. M. et Mme D... interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande de décharge de ces impositions.

Sur la régularité de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle :

2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ".

3. M. et Mme D... exposent que l'administration n'aurait remis l'additif à la charte du contribuable vérifié, dans sa version applicable à la procédure en litige, que postérieurement à l'engagement de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle. Toutefois, ils n'indiquent pas de quelles garanties issues de cet additif ils auraient été privés. La seule circonstance que cet additif aurait été transmis tardivement ne suffit pas, en tout état de cause, à établir un manquement de l'administration à son devoir de loyauté.

Sur la procédure de taxation d'office :

4. Le troisième alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales prévoit que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 euros. Le deuxième alinéa de l'article L. 16 A du même livre dispose que " Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

5. Au cours de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, qui a notamment donné lieu à trois entretiens, le vérificateur a examiné les différents comptes bancaires détenus par M. D..., seul ou conjointement avec son épouse. Il a également constaté qu'il disposait de procurations sur deux comptes bancaires ouverts au nom de sa mère. Ayant constaté une discordance significative entre les crédits bancaires figurant sur ces comptes et les revenus déclarés par M. et Mme D..., le vérificateur leur a adressé, le 13 mai 2014, une demande d'éclaircissements et de justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales. Les réponses apportées par un courrier du 17 juillet 2014 et un courriel du 22 juillet 2014 ayant été jugées insuffisantes, le vérificateur a mis en demeure les contribuables de les préciser en application de l'article L. 16 A du même livre, par courrier du 28 août 2014. Les pièces complémentaires qui ont été produites par un courrier du 30 septembre 2014, puis le 4 novembre 2014 et le 6 novembre 2014, n'ont pas davantage été regardées comme suffisantes.

6. Tout d'abord, M. et Mme D... ont répondu à la demande d'éclaircissements et de justifications par un courrier du 17 juillet 2014 et un courriel du 22 juillet 2014, en indiquant avoir utilisé ses comptes bancaires personnels ouverts en France pour encaisser des sommes versées par des clients de la société TAL en rémunération de prestations de location de véhicules et que ces sommes ont ensuite été reversées à cette société après avoir transité par un circuit parallèle de change rendu nécessaire du fait du refus de convertibilité du dinar par les autorités algériennes. De façon générale, l'administration a refusé d'admettre cette explication en faisant valoir que les extraits fournis ne concernaient que la période du 6 juillet 2011 au 28 juin 2012 et que les copies de ces comptes bancaires étaient partiellement illisibles et ne permettaient pas d'établir de correspondance entre les sommes encaissées et les sommes reversées. En ce qui concerne plus particulièrement les encaissements de chèques, l'administration a tout d'abord constaté que M. et Mme D... ne justifiaient aucun reversement à la société TAL, qu'ils n'avaient apporté aucune justification pour une partie de ces chèques et que, pour le surplus, ils n'étaient justifiés que par des contrats de location non signés par le locataire. De même, alors que M. et Mme D... faisaient valoir que certains crédits provenant de son compte paypal, une partie des virements bancaires et une partie des dépôts d'espèce se rapportaient à son activité de location en Algérie, le vérificateur a constaté que le reversement de ces crédits sur le compte bancaire de sa société en Algérie n'était pas justifié.

7. Ensuite, M. D... a exposé qu'une autre partie des virements bancaires dont il avait bénéficié se rapportait à des prêts consentis par des membres de sa famille ou à l'inverse, en ce qui concerne un virement de 10 000 euros, à un remboursement de prêt familial qu'il aurait consenti. Toutefois, le vérificateur a constaté qu'en ce qui concerne le remboursement dont il aurait bénéficié, M. D... ne justifiait pas l'existence du prêt initial et qu'en ce qui concerne les prêts dont il aurait bénéficié, il ne justifiait d'aucun commencement de remboursement.

8. Enfin, le vérificateur a constaté que le surplus des versements d'espèce n'était pas justifié.

9. Par ailleurs, à la suite de la mise en demeure, M. et Mme D... ont produit de nouveaux relevés bancaires du compte en Algérie de la société de droit algérien TAL, concernant la période du 15 juin 2011 au 31 décembre 2012 ainsi que des originaux de contrats de location et des documents démontrant que cette société était imposée en Algérie. Ils ont aussi expliqué qu'une partie des retraits d'espèce avaient été suivis de dépôts sur des comptes bancaires différents. Le vérificateur a constaté que les nouvelles productions se rapportant aux comptes bancaires détenus en Algérie ne permettaient toujours pas de couvrir l'intégralité de la période vérifiée. Il a néanmoins opéré des rapprochements sur la base des éléments produits et admis que le caractère non imposable en France des sommes litigieuses était justifié à concurrence de 5 564,07 euros au titre de l'année 2011 et 300,04 euros au titre de l'année 2012. Les autres éléments produits ont été regardés comme ne justifiant pas suffisamment les crédits bancaires.

10. M. et Mme D... contestent le caractère insuffisant des réponses apportées et soutiennent ainsi que c'est au prix d'un vice de procédure que l'administration a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office. Toutefois, si M. et Mme D... exposent qu'au cours du contrôle, le vérificateur aurait essentiellement recherché si les crédits litigieux avaient fait l'objet d'une imposition en Algérie, cette circonstance s'explique par la volonté de ce dernier de vérifier les explications avancées par les contribuables et ne saurait s'analyser comme un acquiescement à leurs affirmations suivant lesquelles ces crédits se rapporteraient à l'activité de location de la société TAL dans ce pays. Dès lors qu'ils ne contestent pas qu'il y avait une discordance significative entre les crédits bancaires et les revenus déclarés, ils ne sauraient se plaindre de ce que le vérificateur leur ait demandé de justifier le caractère non imposable en France desdits crédits et de ce que, faute d'explication suffisante, l'administration les ait imposés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. M. D... n'ayant pas été en mesure de justifier ses allégations suivant lesquelles les crédits litigieux provenaient de l'activité de location de véhicules de la société TAL, le vérificateur était fondé à considérer qu'au regard des éléments mentionnés aux points 6 à 9, M. et Mme D... n'avaient pas donné une réponse suffisante à la demande de renseignements et de justification.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration était fondée à appliquer la procédure de taxation d'office, de sorte que la charge de la preuve incombe à M. D....

12. Dès lors que M. D... n'a pas apporté en cours d'instance d'autres éléments que ceux qui ont été énumérés aux points 6 à 10, il ne peut davantage être regardé comme rapportant la preuve du caractère non imposable des impositions litigieuses. Dès lors que la charge de la preuve lui incombe, ce dernier ne saurait reprocher à l'administration de ne pas avoir démontré qu'il exerçait une activité professionnelle en France distincte de celle qu'il a déclarée.

Sur l'assistance administrative internationale :

13. Aux termes de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. Le présent article s'applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration. ". Aux termes de l'article L. 169 du même livre : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ".

14. Les contribuables contestent, pour la première fois devant la cour, d'une part, que les autorités algériennes aient reçu une demande d'assistance administrative internationale avant la fin de l'année 2013 et, d'autre part, que le courrier les informant de cette saisine leur ait été adressé dans le délai prescrit par les dispositions précitées. Si les contribuables ne contestent pas qu'il a été fait état, lors du débat contradictoire, de demandes qui leur ont été faites par les autorités algériennes dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale et si l'administration a émis un document émanant de ses propres services " attestant " l'envoi de cette demande dès le 17 décembre 2013, ces éléments ne suffisent pas à tenir pour établi que celle-ci a été adressée avant le 31 décembre 2013. Par ailleurs, si, s'agissant du document sensé informer les contribuables de cette demande, l'administration produit une copie du courrier adressé aux contribuables, daté du 17 décembre 2013, elle ne produit en revanche pour prouver sa réception que la copie d'un accusé de réception mentionnant une distribution le 20 décembre 2013, dont le nom du destinataire est illisible. En réponse à la demande de la cour de produire l'original de cet accusé de réception, l'administration s'est bornée à produire une nouvelle copie qui, bien qu'étant de meilleure qualité, ne fait pas davantage apparaître de manière lisible le nom du destinataire. Ainsi, il ne résulte de l'instruction ni que la demande d'assistance administrative internationale ait été envoyée avant le 31 décembre 2013 ni que les contribuables en aient été informés dans les délais prescrits par les dispositions précitées. M. et Mme D... sont donc fondés à soutenir que lors de la réception de la proposition de rectification en 2014, le délai de reprise de l'administration était expiré au titre de l'année 2010.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens portant sur l'année 2010, que M. et Mme D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande en tant qu'elle portait sur les impositions supplémentaires mises à leur charge au titre de l'année 2010 et sur les pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : M. et Mme D... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 5 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

2

N° 18LY04257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04257
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly04257 ?
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