Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des intérêts de retard correspondants.
Par une ordonnance n° 1700628 du 14 février 2017, la présidente du tribunal administratif de Montpellier a transmis cette demande au tribunal administratif de Lyon.
Par un jugement n°1701202 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de 3 524 euros au titre de l'année 2010, 6 531 euros au titre de l'année 2011, 5 681 euros au titre de l'année 2012 (article 1er) et rejeté le surplus de leur demande (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2018 et un mémoire enregistré le 10 juin 2019, M. et Mme A..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 octobre 2018 ;
2°) de leur accorder le surplus de la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- Les propositions de rectification adressée à la SARL Atoutcoeur sont insuffisamment motivées ;
- Les propositions de rectification qui leur ont été adressées ne sont pas davantage motivées ;
- Les réintégrations de charge qui ont donné lieu aux distributions en litige ne sont pas justifiées ;
- ils ne peuvent être regardés tous les deux comme maîtres de l'affaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. et Mme A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Atoutcoeur, qui exerce une activité de commercialisation de valves cardiaques et dont ils sont chacun associés à concurrence de 50 %, M. et Mme A..., ont notamment été assujettis à des cotisations supplémentaires de contributions sociales, notifiées selon la procédure contradictoire résultant de l'imposition entre leurs mains, sur le fondement du 1° et du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ainsi que du c) de l'article 111 du même code, de revenus distribués résultant de la remise en cause de charges déduites par cette société. Par l'article 1er du jugement n° 1701202 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de 3 524 euros au titre de l'année 2010, 6 531 euros au titre de l'année 2011, 5 681 euros au titre de l'année 2012, compte tenu des dégrèvements intervenus du fait de l'abandon de la majoration de la base d'imposition prévue par le 7° du 2 de l'article 158 du code général des impôts. Par l'article 2 du même jugement, il a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme A... interjettent appel de l'article 2 ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, selon le premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, lorsqu'elle envisage de procéder à des rectifications, " l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ".
3. D'une part, M. et Mme A... soutiennent que les propositions de rectification du 20 décembre 2013 et du 18 août 2014, qui procèdent à l'imposition entre leurs mains au titre, d'une part, de l'année 2010 et, d'autre part, des années 2011 et 2012, de distributions résultant du refus d'admettre en déduction des charges comptabilisées par la SARL Atoutcoeur, seraient insuffisamment motivées. Ils soutiennent en particulier qu'elles font référence aux propositions de rectification adressées à cette société le 19 décembre 2013 et le 3 juillet 2014, lesquelles seraient elles-mêmes insuffisamment motivées. Toutefois, il résulte de l'instruction que les propositions de rectification adressées à la SARL Atoutcoeur, qui étaient jointes aux propositions de rectification adressées à M. et Mme A..., procèdent à la réintégration de charges comme injustifiées ou comme n'étant pas engagées dans l'intérêt de l'entreprise en mentionnant avec suffisamment de précision les éléments de fait et de droit sur lesquels l'administration s'est fondée pour effectuer ces redressements. De façon générale, les propositions de rectification adressées à M. et Mme A... mentionnent avec suffisamment de précision les éléments de fait et de droit sur lesquels l'administration s'est fondée pour effectuer les redressements les concernant et leur ont permis de présenter utilement ses observations.
4. D'autre part, si M. et Mme A... soutiennent que les propositions de rectification qui ont été adressées à la SARL Atoutcoeur le 19 décembre 2013 et le 3 juillet 2014 seraient insuffisamment motivées, ce moyen doit être écarté comme inopérant en raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre de la société et de ses associés, alors au demeurant qu'il n'est pas fondé, conformément à ce qui a été dit au point 3 ci-dessus.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués :/ (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...). ".
En ce qui concerne la charge de la preuve :
6. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe en principe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'existence de distributions et, d'autre part, de leur appréhension par celui-ci. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
7. Si M. et Mme A... font valoir que la gérance de la SARL Atoutcoeur est confiée à un tiers, M. C..., ils se bornent à produire des éléments se rapportant à un chèque de 150 euros émis par ce dernier en règlement d'une pénalité dans le cadre d'une transaction avec les services des douanes ainsi qu'à un avenant à un marché public et à un acte d'engagement signé par ce dernier. S'il est vrai que M. C... disposait ainsi de la signature sur les comptes bancaires, l'ensemble de ces éléments ne suffit pas à remettre en cause le constat de l'administration suivant lequel ce dernier n'assurait que la partie administrative de la gestion de la société, sous le contrôle de M. et Mme A... qui développaient seuls son activité en exerçant les fonctions de prospection commerciale, de suivi de relation clientèle et de représentation de la société. Ces derniers ont notamment été les seuls interlocuteurs de l'administration au cours du contrôle. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A..., qui sont associés à hauteur de 50 % chacun, possèdent la signature sur les comptes bancaires, détiennent une carte bancaire et sont quant à eux en mesure de disposer sans contrôle des biens de la société comme de biens qui leurs sont propres. Dès lors qu'ils sont mariés et n'allèguent ni être soumis au régime de la séparation de bien, ni vivre séparément, ils peuvent à eux deux être regardés comme seuls maîtres de l'affaire, y compris en ce qui concerne les contributions sociales en litige. Dans ces conditions, la charge de la preuve de l'absence d'appréhension des distributions litigieuses leur incombe.
En ce qui concerne l'existence et l'appréhension des distributions :
8. L'administration a rejeté des charges afférentes à l'achat de vêtements et autres, comptabilisées sur un compte intitulé " cadeaux à la clientèle " au motif que les bénéficiaires n'avaient pas été identifiés et qu'après examen des factures, le client indiqué était M. ou Mme A.... Par ailleurs, le vérificateur a écarté des charges de restauration pour lesquelles, aucune facture n'avait été produite ou aucun élément permettant d'identifier les personnes invitées ou encore lorsqu'elles n'étaient pas concomitantes à un déplacement professionnel. Des frais de déplacement, de représentation et d'hôtellerie ont été écartés au motif que leur caractère professionnel n'était pas justifié ou que les justificatifs n'étaient pas fournis. Le vérificateur a également constaté que la SARL Atoutcoeur avait pris en charge des frais de logement, de combustibles, de location de véhicules, de ménage à domicile et de téléphonie, pour le compte de M. et Mme A... sans lien avec l'activité de la société. Enfin, le vérificateur a estimé que M. et Mme A... n'apportaient pas d'élément permettant de justifier la réalité des prestations correspondant à des factures de 273 072 euros, 234 072 euros et 62 000 euros comptabilisée en charge au titre, respectivement, des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, émises par la société de droit marocain Opération Margo créée par M. et Mme A... eux-mêmes. L'administration a d'ailleurs constaté que ces factures n'avaient donné lieu à aucun règlement à la date du contrôle.
9. M. et Mme A..., qui se bornent à exposer que la charge de la preuve repose sur l'administration, n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause les constatations faites par le vérificateur au cours du contrôle de la SARL Atoutcoeur. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de l'existence d'une minoration du résultat imposable de la société. Ils n'apportent pas davantage d'élément permettant de combattre la présomption suivant laquelle, en leur qualité de maîtres de l'affaire, ils ont appréhendé les distributions résultant de cette minoration.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 août 2020.
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N° 18LY04570