Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... et Mme A... D... épouse E..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur B... E..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de condamner, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le centre hospitalier Alpes-Léman à payer à l'enfant B... E... une indemnité provisionnelle de 770 714,58 euros et deux rentes mensuelles de 7 844 euros et de 2 666 euros, à M. E... une indemnité provisionnelle de 163 329 euros et à Mme D... épouse E... une indemnité provisionnelle de 125 264 euros, à valoir sur l'indemnisation des conséquences dommageables de la prise en charge par ce centre hospitalier de Mme D... épouse E... lors de la naissance de leur fils B... E... le 26 février 2010, et d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise médicale sur ces conséquences dommageables et de mettre à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1806558 du 1er juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Alpes-Léman à payer à M. et Mme E..., pour le compte de leur fils B..., une indemnité provisionnelle de 255 824 euros, à M. E... une indemnité provisionnelle de 49 000 euros et à M. et Mme E... et une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. E... et de Mme D... épouse E....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2019, M. C... E... et Mme A... D... épouse E..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur B... E..., représentés par la SCP Mermet et Associés, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1806558 du 1er juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner le centre hospitalier Alpes-Léman à payer, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative :
- à B... E... une indemnité provisionnelle portée à la somme de 891 588,58 euros et deux rentes mensuelles de 7 844 euros et de 2 666 euros ou, subsidiairement, une indemnité provisionnelle portée à la somme de 1 191 588,58 euros et une rente mensuelle de 7 844 euros ;
- à M. E... une indemnité provisionnelle portée à la somme de 178 179 euros ;
- à Mme D... épouse E... une indemnité provisionnelle de 130 352 euros ;
3°) d'ordonner une expertise ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'expertise sollicitée est utile, dès lors qu'est nécessaire l'organisation d'une expertise intermédiaire avant la consolidation de l'enfant qui interviendra à la fin de sa croissance afin de détecter l'apparition de nouvelles séquelles, d'apprécier l'évolution de celles déjà constatées durant la croissance de l'enfant et de quantifier les besoins matériels et humains des parents ; une évaluation neuropsychologique est indispensable pour évaluer le retentissement des séquelles cognitives et comportementales sur la dynamique de l'apprentissage et mettre en place un projet de vie, notamment dans ses aspects thérapeutiques et scolaires ; elle assurera le caractère contradictoire de ces évaluations et permettra de solliciter auprès du juge des nouvelles provisions ; l'expertise sollicitée est également utile pour déterminer les mesures d'aménagement du logement afin d'améliorer les conditions de vie de l'enfant B... E... ;
- l'enfant B... E... a droit, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, à une provision de 29 380,58 euros au titre de frais médicaux restés à sa charge, frais de séances de psychomotricité non prises en charge par l'assurance maladie, de frais de bilan d'ergothérapie, d'honoraires de médecin conseil, de frais d'achat de couches, de lingettes, de papier essuie-tout, de lessive, de frais de fournitures de bureau, de frais de déplacement, du surcoût d'assurances complémentaires et de frais de thérapies de rééducation neuro-fonctionnelle et d'opérations chirurgicales effectuées en Espagne, pour un montant total de 36 725,73 euros, le premier juge ayant sans motivation alloué à ce titre une provision sur la base d'un préjudice évalué à 25 000 euros seulement ;
- l'ordonnance attaquée n'est pas motivée en ce qu'elle estime à 20 000 euros seulement les frais de véhicule, de logement et de matériel adaptés ;
- il a droit à une provision de 52 000 euros au titre des frais de véhicule, de logement et de matériel adaptés, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, dès lors que l'ergothérapeute dans ses rapports du 9 janvier 2015 et du 21 février 2018 préconise l'acquisition, pour un coût total de 65 919,22 euros, de matériel adapté pour 3 107,51 euros et 838,47 euros, d'une poussette au prix de 4 538,58 euros, d'un véhicule adapté dont le coût est de 41 827,66 euros outre les aménagements liés au handicap à hauteur de 13 596,88 euros et d'une rampe d'accès pour 2 010,12 euros ;
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'accorde qu'une provision de 200 000 euros au titre des frais échus d'assistance par une tierce personne sans démonstration, calcul ni référence à une pièce ;
- l'enfant B... E... a droit à une provision de 737 328 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne à compter du 9 mars 2010 et échus au 1er décembre 2019, compte tenu d'un taux horaire de 13 euros, du taux de 80 % de perte de chance, des sommes de 50 000 euros et de 100 000 euros déjà versées par le centre hospitalier Alpes-Léman et d'une assistance nécessaire vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, ainsi que le note leur médecin conseil dans son rapport du 21 décembre 2012 et dans celui du 20 avril 2018 et l'ergothérapeute dans son rapport du 9 janvier 2015 ;
- il a droit à une rente mensuelle de 7 884 euros à valoir sur l'indemnisation des frais futurs d'assistance par une tierce personne jusqu'à l'âge de dix-huit ans, compte tenu d'un taux horaire de 13,50 euros, du taux de 80 % de perte de chance, d'une assistance nécessaire vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept et de son maintien à domicile sans hospitalisation ;
- le juge des référés du tribunal administratif n'a pas statué sur les conclusions à fin de provision au titre du déficit fonctionnel temporaire de l'enfant B... E... et de ses souffrances endurées ;
- l'enfant B... E... a droit à une provision de 56 880 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total pendant douze jours et du déficit fonctionnel temporaire de 80 % pendant 3 555 jours du 9 mars 2010 au 1er décembre 2019 personne, compte tenu d'un taux quotidien de 25 euros et du taux de 80 % de perte de chance, pour un montant total de 71 100 euros ;
- il a droit, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, à une provision de 16 000 euros en réparation des souffrances endurées fixées a minima à 4/7 ;
- il a droit à une rente mensuelle de 2 666 euros à valoir à valoir sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de 80 %, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément jusqu'à l'âge de dix-huit ans ;
- M. E... a droit, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, à une provision de 68 179 euros à valoir sur l'indemnisation de ses pertes de revenus professionnels de 2010 à 2019 inclus qui s'élèvent à la somme totale de 81 474,49 euros ;
- il a droit à une provision de 10 000 euros en réparation de son préjudice d'affection, compte tenu de la somme de 15 000 euros déjà versée par le centre hospitalier Alpes-Léman ;
- il a droit à une provision de 100 000 euros en réparation de ses troubles dans les conditions d'existence ;
- Mme D... épouse E... a droit, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, à une provision de 20 352 euros à valoir sur l'indemnisation de ses pertes de revenus professionnels de juin 2015 à juin 2019 inclus qui s'élèvent à la somme totale de 25 440 euros, dès lors qu'elle travaille depuis juin 2015 à temps partiel de 60 % pour pouvoir aider son époux à s'occuper de leur enfant handicapé dont l'état nécessite une assistance par tierce personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ;
- elle a droit à une provision de 10 000 euros en réparation de son préjudice d'affection, compte tenu de la somme de 15 000 euros déjà versée par le centre hospitalier Alpes-Léman ;
- elle a droit à une provision de 100 000 euros en réparation de ses troubles dans les conditions d'existence.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 10 septembre 2019 et le 17 décembre 2019, le centre hospitalier Alpes-Léman, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut :
1°) au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation de l'ordonnance n° 1806558 du 1er juillet 2019 en ce que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à payer à l'enfant B... E... une indemnité provisionnelle de 200 000 euros à valoir sur l'indemnisation au titre de l'assistance par tierce personne jusqu'à la date de l'ordonnance et à ce que l'indemnité provisionnelle à ce titre soit réduite à de plus justes proportions.
Il fait valoir que :
- les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés ;
- l'obligation d'indemnisation au titre de l'assistance par tierce personne jusqu'à la date de l'ordonnance ne peut être considérée comme non sérieusement contestable à hauteur de 200 000 euros en l'absence de certitude sur le mode de prise en charge de l'enfant B... E... après ses trois ans, sur l'évolution du besoin quotidien en tierce personne de l'enfant après ses trois ans et sur le mode de prise en charge financière des modalités de garde, alors que les experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ont considéré que l'enfant avait besoin d'une tierce personne au moins huit à dix heures par jour à une date où il n'était âgé que de trois ans et trois mois ;
- la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie ne produit pas le contrat par lequel elle aurait pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire ;
- la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas, par l'attestation du médecin conseil qu'elle produit, de l'imputabilité de ses débours aux conséquences dommageables de la prise en charge de l'accouchement de Mme D... épouse E... et de la naissance de B... E... le 26 février 2010.
Par deux mémoires, enregistrés le 29 novembre 2019 et le 15 janvier 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, ayant pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, représentée par la SELARL Axiome Avocats, conclut :
1°) à la condamnation du centre hospitalier Alpes-Léman à lui payer une somme de 50 247,43 euros au titre de ses débours provisoires, avec intérêts au taux légal à compter de ses conclusions et capitalisation des intérêts ;
2°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il ressort du rapport de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales que la faute du centre hospitalier Alpes-Léman a contribué de manière certaine et directe à 80 % de l'état de l'enfant B... E... ;
- elle a droit à une provision de 50 247,43 euros correspondant, après application du taux de perte de chance de 80 %, à ses débours provisoires d'un montant de 62 809,29 euros et constitués de frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, d'appareillage et de transport exposés entre le 21 avril 2010 et le 23 avril 2019.
Deux mémoires, enregistrés les 4 mars et 15 juillet 2020, présentés pour M. E... et Mme D... épouse E... n'ont pas été communiqués en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 12 mars 2020, présenté pour le centre hospitalier Alpes-Lémans n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité comme nouvelles en appel des conclusions présentées devant la cour par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, ayant pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, et à fin de remboursement de frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, d'appareillage et de transport exposés antérieurement à l'ordonnance n° 1806558 du 1er juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, dès lors que, appelée en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale en déclaration de jugement commun dans l'instance n° 1806558 engagée par M. E... et de Mme D... épouse E... devant le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, représentant par mandat de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, n'a pas produit de mémoire devant le tribunal administratif.
Un mémoire, enregistré le 4 juin 2020, présenté pour le centre hospitalier Alpes-Léman en réponse à la communication du moyen d'ordre public, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Noetinger-Berlioz, avocat de M. E... et Mme D... épouse E...,
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E... et Mme A... D... épouse E..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur B... E..., relèvent appel de l'ordonnance n° 1806558 du 1er juillet 2019 en ce que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, saisi sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a limité aux sommes de 255 824 et 49 000 euros les indemnités provisionnelles dues respectivement à B... E... et à M. E... par le centre hospitalier Alpes-Léman et rejeté les conclusions de leur demande tendant au paiement d'une indemnité provisionnelle à Mme E..., et rejeté les conclusions à fin d'expertise présentées sur le fondement de l'article R. 532-1 du même code. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, ayant pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, demande à la cour de condamner le centre hospitalier Alpes-Léman à lui payer une somme de 50 247,43 euros au titre de ses débours provisoires, avec intérêts au taux légal à compter de ses conclusions et capitalisation des intérêts. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier Alpes-Léman conclut à ce que soit réduite à de plus justes proportions l'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de l'enfant B... E... au titre de l'assistance par tierce personne.
Sur les conclusions de M. E... et Mme D... épouse E... aux fins de provisions :
2. Aux termes du I de l'article L. 11421 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 19 juin 2013 de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes, que l'erreur d'interprétation du rythme cardiaque foetal à compter de 10 h 10 le 26 février 2010 constitue une faute, non contestée par le centre hospitalier Alpes-Léman, qui a conduit à une attitude d'expectative ayant aggravé l'asphyxie foetale et qui a ainsi fait perdre à l'enfant B... E..., né le 26 février 2010 à 12 h 50, une chance de se soustraire aux conséquences dommageables de cette asphyxie foetale évalué à 80 %. Par suite, n'est pas sérieusement contestable le principe de l'obligation du centre hospitalier Alpes-Léman d'indemniser cette perte de chance.
En ce qui concerne l'enfant B... E... :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des justificatifs produits par M. et Mme E..., que la créance représentative des frais divers et notamment médicaux restés à leur charge et en relation avec l'état de leur enfant, dont le principe n'est pas sérieusement contesté en défense, s'élève à la somme de 36 725,73 euros. Par suite, ceux-ci sont fondés à demander que l'indemnité provisionnelle que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, dont l'ordonnance est suffisamment motivée sur ce point, a condamné le centre hospitalier Alpes-Léman à verser à leur enfant B... E... au titre de ces frais restés à charge, soit portée, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, à la somme de 29 380,58 euros.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de rapports d'un ergothérapeute consulté en 2015 et 2018 par M. et Mme E... et des devis qui y sont annexés, que l'état de leur enfant nécessite diverses acquisitions dont tout ou partie resteront à leur charge et concernant un siège de douche d'un montant de 2 879,76 euros, un transat de bain pour 838,47 euros, une poussette au prix de 4 538,58 euros, des aménagements de véhicule liés au handicap à hauteur de 13 596,88 euros ainsi que la création d'une rampe d'accès à leur maison pour 2 010,12 euros, soit des frais de véhicule, de logement et de matériel adaptés d'un montant total de 23 863,61 euros. La seule circonstance, relevée en défense, que la détermination de ces besoins en équipement n'a pas été menée de façon contradictoire n'est pas de nature à rendre infondée une telle demande justifiée par l'état de santé de la victime. Dans ces conditions, l'obligation du centre hospitalier Alpes-Léman de payer, compte tenu du taux de perte de chance, 80 % de la somme précitée, soit la somme de 19 091,05 euros, n'est pas sérieusement contestable. En revanche, l'obligation du même centre hospitalier de payer une somme au titre de l'acquisition d'un véhicule neuf est sérieusement contestable dès lors que des frais d'aménagement de véhicule liés au handicap ont déjà été pris en compte et faute d'établir la nécessité de changer le premier véhicule. Par suite, ceux-ci sont seulement fondés à demander que l'indemnité provisionnelle de 80 % de 20 000 euros, que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, dont l'ordonnance est suffisamment motivée sur ce point, a condamné le centre hospitalier Alpes-Léman à verser à leur enfant B... E... au titre des frais de véhicule, de logement et de matériel adaptés restés à charge, soit portée, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, à la somme de 19 091,05 euros.
7. En troisième lieu, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
8. Les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
9. En vertu de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et elle peut faire l'objet d'un complément lorsque ces frais sont particulièrement élevés ou que l'état de l'enfant nécessite l'assistance fréquente d'une tierce personne. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune. Il suit de là que le montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de son complément éventuel peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. Ainsi qu'il a été dit au point 8, lorsque l'auteur de la faute n'est tenu de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction n'a lieu d'être que lorsque le montant cumulé de l'indemnisation incombant normalement au responsable et de l'allocation et de son complément excéderait le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. L'indemnisation doit alors être diminuée du montant de cet excédent.
10. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 19 juin 2013 de l'expertise contradictoire ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes, que l'enfant B... E..., né le 26 février 2010, présente, du fait de l'asphyxie foetale dont il a été victime durant le travail, une infirmité motrice d'origine cérébrale associant une hypotonie axiale, une hypertonie segmentaire des quatre membres, des troubles de la déglutition, une hypersialorrhée et un retard intellectuel avec microcéphalie. Si le médecin conseil de M. E... et Mme D... épouse E... et l'ergothérapeute qu'ils ont consultés estiment dans leur rapports respectifs du 21 décembre 2012 et du 9 janvier 2015 que l'état de l'enfant nécessite, depuis son arrivée au domicile de ses parents le 9 mars 2010, une présence, une surveillance et des soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il ressort du même rapport du 9 janvier 2015 de l'ergothérapeute, lequel n'est pas sérieusement contesté par le centre hospitalier Alpes-Léman sur ce point, que l'enfant, qui souffre notamment d'un trouble important de la coordination et de la fonction des cordes vocales attesté par son médecin oto-rhino-laryngologiste traitant et qui provoque des fausses routes, une dysphagie et une dysphonie, a besoin, notamment pour la mobilisation et le changement de position et pour la surveillance des fausses routes, d'une aide humaine constante de 6 h à 23 h et d'une aide humaine d'une durée d'environ quinze minutes toutes les heures de 23 h à 6 h en raison de ses réveils toutes les heures, soit une aide humaine quotidienne totale de dix-sept heures et sept fois quinze minutes, ce qui n'est pas en contradiction avec la mention du rapport d'expertise du 19 juin 2013 résultant de l'examen par les experts, le 31 mai 2013, de B... E... alors âgé de trois ans et trois mois et selon laquelle l'enfant a besoin d'une tierce personne au moins huit à dix heures par jour. Ce besoin quotidien de 18,75 heures d'assistance par tierce personne non spécialisée est constant depuis le 9 mars 2010, ainsi qu'il ressort du rapport du 21 février 2018 de l'ergothérapeute qui indique que l'enfant se réveille la nuit et doit être bercé lors de ses réveils alors qu'il ne tient, ni assis, ni debout.
11. Le coût d'une telle assistance du 9 mars 2010 à la date du présent arrêt, compte tenu de l'évolution depuis 2010 du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, doit être fixé au taux horaire de 13,43 euros, porté à 15,16 euros afin de tenir compte des majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les dimanches et jours fériés. Compte tenu de ce tarif horaire de 15,16 euros, d'un nombre total de 3 860 jours écoulés entre le 9 mars 2010 et la date du présent arrêt et donc d'un nombre total de 72 375 heures d'assistance entre ces deux dates, les frais échus à la date du présent arrêt au titre de l'assistance par une tierce personne depuis le 9 mars 2010 s'établissent à la somme de 1 097 205 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 80 % retenu, la créance à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman à ce titre peut être fixée à 877 764 euros.
12. Il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites le 3 juin 2020 devant la cour par M. et Mme E... que ceux-ci ont perçu, au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé du fait du handicap de leur fils, une somme de 111 069,74 euros d'octobre 2012 à avril 2020 inclus et une somme de 5 fois 1 257,90 euros de mai 2020 à septembre 2020 inclus, soit une somme totale de 117 359,24 euros entre octobre 2012 et la date du présent arrêt, et qu'ils n'ont pas perçu durant cette période d'autre aide finançant le maintien de l'enfant à domicile, notamment la prestation de compensation du handicap, et qu'entre le 9 mars 2010 et la date du présent arrêt, l'enfant n'a pas résidé en établissement spécialisé.
13. Le montant cumulé de l'indemnisation maximale incombant au centre hospitalier Alpes-Léman au titre de l'assistance par une tierce personne du 9 mars 2010 à la date du présent arrêt et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçue durant cette période, soit la somme totale de 995 123,24 euros, n'excède pas la somme de 1 097 205 euros correspondant au montant total des frais d'assistance par une tierce personne pour ladite période. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déduire ladite allocation perçue de l'indemnisation incombant à l'établissement public de santé. Dès lors, le centre hospitalier Alpes-Léman doit être condamné, au titre de cette assistance du 9 mars 2010 à la date du présent arrêt, à verser à B... E... une indemnité provisionnelle de 877 764 euros, somme qui n'est pas sérieusement contestable. Par suite, les requérants sont seulement fondés à demander que l'indemnité provisionnelle de 80 % de 200 000 euros, que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, dont l'ordonnance est suffisamment motivée sur ce point, a condamné le centre hospitalier Alpes-Léman à verser à leur enfant B... E... au titre des frais échus d'assistance par une tierce personne, soit portée à la somme de 877 764 euros. Pour les mêmes motifs, ledit centre hospitalier n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à demander que soit réduite la provision accordée à ce titre par le premier juge.
14. En quatrième lieu, il résulte du rapport du 19 juin 2013 de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que l'état de l'enfant B... E..., né le 26 février 2010, ne sera consolidé qu'à la fin de sa croissance. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 21 février 2018 de l'ergothérapeute consulté par M. E... et Mme D... épouse E..., que le besoin quotidien d'assistance par tierce personne non spécialisée de leur enfant postérieurement à la date du présent arrêt et jusqu'à son âge de dix-huit ans ne saurait être inférieur au besoin quotidien de même nature retenu du 9 mars 2010 à la date du présent arrêt, soit 18,75 heures par jour. Il y a lieu d'en fixer le tarif horaire à 14,21 euros afin de tenir compte de l'évolution du salaire minimum moyen et des charges sociales et de le porter à 16,04 euros pour prendre en compte les majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les dimanches et jours fériés. Compte tenu de ce tarif horaire de 16,04 euros et d'une assistance de 18,75 heures par jour et d'un nombre de 365 jours par an, les frais d'assistance par une tierce personne postérieurement à la date du présent arrêt et jusqu'à l'âge de dix-huit ans de l'enfant s'établissent à la somme annuelle de 109 773,75 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 80 % retenu, l'indemnisation à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman à ce titre ne saurait dépasser annuellement 87 819 euros.
15. Il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites le 3 juin 2020 devant la cour par M. E... et Mme D... épouse E... que ceux-ci ont perçu au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé du fait du handicap de leur fils une somme totale de 15 072,18 euros sur une année, d'octobre 2019 à septembre 2020 inclus. Le montant cumulé de l'indemnisation annuelle maximale incombant au centre hospitalier Alpes-Léman au titre de l'assistance par une tierce personne postérieurement à la date du présent arrêt et jusqu'à l'âge de dix-huit ans de l'enfant et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçue sur une année, d'octobre 2019 à septembre 2020 inclus, soit la somme totale de 102 891,18 euros, n'excède pas la somme de 109 773,75 euros correspondant au montant annuel des frais d'assistance par une tierce personne postérieurement à la date du présent arrêt et jusqu'à l'âge de dix-huit ans de l'enfant. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déduire ladite allocation de l'indemnisation incombant à l'établissement public de santé.
16. Dès lors, le centre hospitalier Alpes-Léman doit être condamné, au titre de cette assistance postérieurement à la date du présent arrêt et jusqu'à l'âge de dix-huit ans de l'enfant, à verser à B... E..., sous déduction, le cas échéant, des sommes correspondant aux périodes éventuelles de séjour en établissement spécialisé qu'il appartiendra également à M. E... et Mme D... épouse E... de porter à la connaissance du centre hospitalier, une rente trimestrielle provisionnelle de 21 954,75 euros, somme qui n'est pas sérieusement contestable. Le montant de cette rente sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de leur demande à fin de provision au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne jusqu'à l'âge de dix-huit ans de leur enfant.
17. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 19 juin 2013 de l'expertise prescrite par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que l'enfant B... E... a subi pendant douze jours du 26 février 2010 au 9 mars 2010 un déficit fonctionnel temporaire total et subit depuis le 10 mars 2010 jusqu'à la date du présent arrêt, soit pendant 3 859 jours, un déficit fonctionnel temporaire partiel qui ne saurait être inférieur à 80 %. Dans ces conditions, en tenant compte d'une indemnisation quotidienne de 10 euros du déficit fonctionnel temporaire total, l'enfant B... E... a seulement droit, au titre de son déficit fonctionnel temporaire total puis partiel de 80 % subi du 26 février 2010 à la date du présent arrêt, à une indemnité provisionnelle, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, de 24 793,60 euros, somme qui n'est pas sérieusement contestable. Par suite, les requérants sont fondés à demander que l'indemnité provisionnelle que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant expressément sur ce chef de préjudice au point 4 de son ordonnance, a condamné le centre hospitalier Alpes-Léman à verser à leur enfant B... E... au titre du déficit fonctionnel temporaire total puis partiel subi du 26 février 2010 à la date de son ordonnance, soit portée, pour la période du 26 février 2010 à la date du présent arrêt, à la somme de 24 793,60 euros.
18. En sixième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire subi par l'enfant B... E... jusqu'à la consolidation de son état, laquelle interviendra à la fin de sa croissance, ne sera pas inférieur à 80 %. Dans ces conditions, en tenant compte d'une indemnisation quotidienne de 10 euros du déficit fonctionnel temporaire total et d'un nombre de 365 jours par an, et sans qu'il soit besoin à cet égard d'ordonner l'expertise médicale sollicitée par les requérants, l'enfant B... E... a seulement droit, à valoir sur l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire de 80 % subi postérieurement à la date du présent arrêt et jusqu'à ses dix-huit ans, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, à une rente trimestrielle provisionnelle de 584 euros, somme qui n'est pas sérieusement contestable. Le montant de cette rente sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
19. En septième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les souffrances endurées par l'enfant B... E... doivent être évaluées à 4/7. Dans ces conditions, l'intéressé a seulement droit, au titre de ses souffrances, à une indemnité provisionnelle, compte tenu du taux de perte de chance de 80 %, de 6 600 euros, somme qui n'est pas sérieusement contestable. Par suite, les requérants sont seulement fondés à demander que l'indemnité provisionnelle, que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant expressément sur ce chef de préjudice au point 4 de son ordonnance, a condamné le centre hospitalier Alpes-Léman à verser à leur enfant B... E... au titre des souffrances endurées, soit portée à la somme de 6 600 euros.
20. En huitième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, au vu notamment des indications portées dans le rapport d'expertise, que l'enfant B... E... souffre d'un préjudice esthétique temporaire ou d'un préjudice d'agrément, ou en souffrirait dans un proche avenir. Dans leurs écritures, les requérants n'apportent aucun élément à ce sujet et se bornent à solliciter l'octroi d'une rente personnelle à ce titre. Dans ces conditions, l'obligation du centre hospitalier Alpes-Léman de réparer ces deux préjudices est sérieusement contestable. Par suite, M. E... et Mme D... épouse E... ne sont pas fondés à solliciter pour leur enfant une provision à valoir sur l'indemnisation de ces deux préjudices.
21. En dernier lieu, il y a lieu de déduire du montant total de l'indemnité provisionnelle due à l'enfant B... E... les sommes de 50 000 euros et de 100 000 euros déjà versées pour lui par l'assureur du centre hospitalier Alpes-Léman.
22. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 807 629,23 euros le montant de l'indemnité provisionnelle totale due par ce centre hospitalier à cet enfant, sous administration légale de ses parents, M. E... et Mme D... épouse E..., de condamner le centre hospitalier Alpes-Léman à verser à l'enfant B... E..., sous administration légale de ses parents, à compter du présent arrêt et jusqu'à ses dix-huit ans, une rente trimestrielle provisionnelle de 21 954,75 euros à valoir sur l'indemnisation au titre de l'assistance future par une tierce personne jusqu'à ses dix-huit ans et une rente trimestrielle provisionnelle de 584 euros à valoir sur l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire futur jusqu'à ses dix-huit ans, les montants de ces rentes, qui seront payables à terme échu, étant revalorisés par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et de réformer en ce sens l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble.
En ce qui concerne M. C... E... :
23. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites par M. E..., non contestées par le centre hospitalier Alpes-Léman, que l'intéressé a dû cesser son activité salariée en novembre 2010 pour s'occuper de son fils, dont l'état requiert une aide humaine de 18,75 heures par jour depuis mars 2010, ainsi qu'il a été dit au point 10, et qu'il a ainsi subi des pertes de revenus professionnels, nettes d'allocations de chômage, d'un montant de 66 661,49 euros de 2010 à 2017 et d'un montant de 14 813 euros en 2018 et 2019. Par suite, M. E... est fondé à demander que l'indemnité provisionnelle de 80 % de 65 000 euros, que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Alpes-Léman à lui verser, à valoir sur l'indemnisation des pertes de revenus professionnels de 2010 à 2019, soit portée, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 80 % de 81 474,49 euros, soit 65 179,60 euros, somme qui n'est pas sérieusement contestable.
24. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. E... du fait de l'état de santé de son fils en les évaluant globalement à la somme de 15 000 euros. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble lui a alloué, compte tenu du taux de perte de chance, une indemnité provisionnelle, à valoir sur l'indemnisation du préjudice d'affectation et des troubles dans les conditions d'existence, de 80 % de 15 000 euros, soit 12 000 euros, somme qui n'est pas sérieusement contestable.
25. En dernier lieu, il y a lieu de déduire du montant total de l'indemnité provisionnelle due à M. E... la somme de 15 000 euros que lui a versée l'assureur du centre hospitalier Alpes-Léman.
26. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 62 179,60 euros le montant de l'indemnité provisionnelle totale due par le centre hospitalier Alpes-Léman à M. E... et de réformer en ce sens l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble.
En ce qui concerne Mme A... D... épouse E... :
27. En premier lieu, le lien de causalité certain et direct entre l'état de l'enfant B... E... et l'exercice professionnel à temps partiel de 60 % de Mme D... épouse E... depuis juin 2015 n'apparaît pas établi alors qu'il est constant que son époux a lui-même cessé son activité salariée en novembre 2010 pour s'occuper de leur fils. Dans ces conditions, est sérieusement contestable l'obligation du centre hospitalier Alpes-Léman d'indemniser la perte de revenus professionnels de Mme D... épouse E... résultant de cet exercice à temps partiel. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à solliciter une provision à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice.
28. En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme D... épouse E... du fait de l'état de son fils en les évaluant globalement à la somme de 15 000 euros. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a considéré, compte tenu du taux de perte de chance, qu'une indemnité provisionnelle, à valoir sur l'indemnisation du préjudice d'affectation et des troubles dans les conditions d'existence, de 80 % de 15 000 euros, soit 12 000 euros, pouvait être mise à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman à son profit, sous déduction de la somme de 15 000 euros que lui a versée l'assureur de cet établissement public de santé.
29. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin de provision.
Sur les conclusions à fin d'expertise :
30. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". La prescription d'une mesure d'expertise en application des dispositions de l'article R. 523-1 du code de justice administrative est subordonnée au caractère utile de cette mesure. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment d'un précédent rapport d'expertise s'il existe, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée. Il en va ainsi y compris lorsqu'un rapport d'expertise a déjà été réalisé par une commission régionale de conciliation et d'indemnisation.
31. Saisie par M. et Mme E... le 12 mars 2013, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes a diligenté une expertise médicale en vue notamment d'évaluer les préjudices subis par le jeune B..., confiée à un collège de médecins qui a déposé son rapport le 19 juin 2013, ainsi qu'il a été dit précédemment. Ledit rapport conclut au caractère non consolidé de l'état de santé de l'intéressé et préconise une nouvelle expertise en fin de croissance. Il a, en revanche, procédé à l'évaluation des principaux chefs de préjudice avant consolidation.
32. Les requérants demandent l'organisation d'une nouvelle expertise afin d'obtenir la désignation d'un expert médical et d'un ergothérapeute avec faculté de s'adjoindre un architecte en vue de décrire les aménagements nécessaires de leur logement pour l'adapter au handicap de leur enfant et parce qu'ils estiment nécessaire l'organisation d'expertises intermédiaires avant la fixation de la consolidation.
33. Si les requérants sollicitent la réalisation d'une expertise intermédiaire afin de détecter l'apparition de nouvelles séquelles et l'évolution de celles déjà constatées, d'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des pièces médicales récentes produites, que l'état de santé de l'enfant ne devrait pas sensiblement évoluer jusqu'à la consolidation, comme en attestent les deux rapports de l'ergothérapeute de 2015 et 2018, et, d'autre part, ils ne rapportent aucun fait de nature à justifier une nouvelle évaluation médicale de la victime.
34. S'ils soutiennent également qu'une expertise permettrait de quantifier les besoins matériels et humains pour la prise en charge de leur enfant, notamment en termes de logement pour améliorer les conditions de vie du jeune B..., il résulte de l'instruction que les requérants ont fait appel à deux reprises à une ergothérapeute en 2015 et 2018 dans ce but. La circonstance que ces rapports n'ont pas été menés de façon contradictoire avec l'hôpital ne conditionne pas leur recevabilité pour s'en prévaloir devant le juge, comme dans la présente instance, ni n'interdit que les requérants présentent de nouvelles demandes de provision au vu de l'évolution de l'état de santé et de l'âge de la victime.
35. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'expertise comme ne présentant pas un caractère d'utilité, tout en indiquant du reste que rien ne s'oppose à ce qu'ils introduisent de nouvelles demandes de provision au vu d'éléments nouveaux démontrant une aggravation des préjudices.
Sur les conclusions de M. E... et de Mme D... épouse E... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
36. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman une somme de 2 000 euros au profit de l'enfant B... E..., sous administration légale de ses parents, et de M. E..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
37. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier Alpes-Léman, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'égard de Mme E..., verse à celle-ci une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie devant la cour :
38. Il ressort du dossier de première instance que, appelée en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale en déclaration de jugement commun dans l'instance engagée par M. E... et Mme D... épouse E... devant le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et tendant à la condamnation du centre hospitalier Alpes-Léman à leur payer des indemnités provisionnelles à valoir sur l'indemnisation des conséquences dommageables de la prise en charge dans ce centre hospitalier de l'accouchement de Mme D... épouse E... et de la naissance de son fils B... E... le 26 février 2010, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, représentant par mandat de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, n'a pas produit de mémoire devant le tribunal administratif. Ainsi, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, ayant pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, présentées devant la cour et tendant au remboursement de frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, d'appareillage et de transport exposés antérieurement à l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif rendue le 1er juillet 2019, ont le caractère de conclusions nouvelles en appel et doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions de ladite caisse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'indemnité provisionnelle de 255 824 euros, qui a été mise à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman au profit de l'enfant B... E..., sous administration légale de M. E... et de Mme D... épouse E..., par l'ordonnance n° 1806558 du 1er juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, est portée à 807 629,23 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier Alpes-Léman est condamné à verser à l'enfant B... E..., sous administration légale de M. et Mme E..., à compter du présent arrêt et jusqu'à ses dix-huit ans, une rente trimestrielle provisionnelle de 21 954,75 euros et une rente trimestrielle provisionnelle de 584 euros. Les montants de ces rentes, qui seront payables à terme échu, seront revalorisés par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Article 3 : L'indemnité provisionnelle de 49 000 euros, qui a été mise à la charge du centre hospitalier Alpes-Léman au profit de M. E... est portée à 62 179,60 euros.
Article 4 : L'ordonnance n° 1806558 du 1er juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est réformée est ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le centre hospitalier Alpes-Léman versera globalement à M. E... et à l'enfant B... E..., sous administration légale de M. E... et de Mme D... épouse E..., une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19LY02695, les conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier universitaire Alpes-Léman et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie devant la cour sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Mme A... D... épouse E..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie et au centre hospitalier Alpes-Léman.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er octobre 2020.
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N° 19LY02695