Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 23 novembre 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Marches a décidé d'aliéner la partie Sud-Est du " chemin de Ronde ", a approuvé sa cession au prix de 85 euros par mètre carré et a autorisé le maire à signer tous les documents relatifs au projet.
Par un jugement n° 1600447 du 18 septembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 novembre 2018 et 23 septembre 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cette délibération ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Marches la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.
Il soutient que :
- la délibération contestée a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière au motif que le conseil municipal a disposé d'informations insuffisantes ;
- la délibération portant déclassement de la portion de voie n'a pas été précédée d'une enquête publique, en méconnaissance de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière, alors que l'opération a pour conséquence de porter atteinte à sa fonction de circulation ;
- le tribunal s'est mépris sur la portée de son moyen qui ne tendait pas à invoquer, par exception, l'illégalité de la délibération de déclassement de la portion de voie du 28 mai 2015 mais tendait à ce qu'il soit fait application de la théorie des opérations complexes ;
- la portion de voie, affectée aux besoins de la circulation terrestre et qui était encore utilisée par le public et n'était donc pas désaffectée, est devenue un chemin rural après son déclassement, de sorte que sa cession devait être précédée d'une enquête publique, en application de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime ;
- en l'absence de désaffectation de fait préalable, son déclassement et sa cession sont illégaux ;
- ce chemin est affecté de façon certaine à l'usage du public puisque l'orientation d'aménagement du plan local d'urbanisme de la commune prévoit que la totalité du chemin de ronde doit être affectée à la circulation piétonne, de sorte que le principe d'inaliénabilité du domaine public s'applique ;
- le prix de cession retenu est inférieur à sa valeur vénale ;
- la cession a pour effet de le priver de l'aisance de voirie dont il disposait pour accéder à sa propriété avec un véhicule.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 mars 2019 et 25 septembre 2020, la commune de Marches, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- M. E... ne peut utilement invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la délibération du 28 mai 2015, pas plus que la théorie des opérations complexes ;
- au demeurant, les moyens dirigés contre cette délibération ne sont pas fondés, ainsi que les autres moyens soulevés.
Des mémoires enregistrés les 24 et 28 septembre 2020 présentés pour M. E... n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. E... et celles de Me F..., représentant la commune de Marches.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 28 mai 2015, le conseil municipal de la commune de Marches (Drôme) a constaté la désaffectation du domaine public communal de la partie Sud-Est de la voie dite du chemin de Ronde et a décidé de procéder à son déclassement et à son incorporation au domaine privé de la commune. Par une délibération du 23 novembre 2015, il a décidé d'aliéner cette partie du chemin de Ronde, a approuvé sa cession aux trois propriétaires riverains au prix de 85 euros le mètre carré et a autorisé le maire à signer tous les documents relatifs au projet. M. E..., propriétaire d'un garage implanté sur la parcelle cadastrée section D n° 434, au droit du chemin de Ronde, a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler cette seconde délibération. Par un jugement du 18 septembre 2018 dont il relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maire ne peut, au nom de la commune, valablement céder un bien communal sans y avoir été préalablement autorisé par une délibération expresse du conseil municipal. Ce dernier ne peut davantage, en dehors des cas limitativement énumérés à l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, déléguer au maire le pouvoir qui lui appartient exclusivement de décider d'obliger la commune. Ainsi, lorsqu'il entend autoriser le maire à souscrire un contrat portant cession d'un bien communal, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l'étendue de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent notamment l'objet précis de celui-ci ainsi que les éléments financiers exacts et l'identité de l'acquéreur.
3. La délibération du 23 novembre 2015 mentionne dans ses motifs que la cession porte sur la partie Sud-Est du chemin de Ronde et que le prix de vente par mètre carré est de 85 euros et précise l'identité des acquéreurs et la superficie qui sera cédée à chacun d'eux. Dans ces conditions, le conseil municipal de la commune de Marches était suffisamment informé avant d'approuver cette délibération et n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. La délibération a pu régulièrement habiliter le maire à engager la commune, alors même que le conseil municipal ignorait lors de son vote les conséquences de la cession sur les conditions d'accès au garage implanté sur la parcelle cadastrée section D n° 434, qui ne constituent pas un élément essentiel des contrats à intervenir.
4. En deuxième lieu, si la décision préalable de déclassement de la partie Sud-Est du chemin de Ronde était nécessaire pour permettre de procéder à la cession faisant l'objet de la délibération contestée, cette décision, qui revêt le caractère d'une décision individuelle dont la légalité ne peut en principe être contestée après l'expiration des délais de recours, ne forme pas avec la délibération portant sur la cession une opération administrative unique comportant un lien tel que les illégalités qui l'affecteraient pourraient être régulièrement invoquées par la voie de l'exception, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle aurait acquis un caractère définitif. M. E... n'est dès lors pas recevable à invoquer par voie d'exception l'illégalité qui affecterait selon lui cette délibération.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale (...) ". Et aux termes de l'article L. 161-10 du même code : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal (...) ".
6. Si la délibération du 23 novembre 2015 qualifie la partie Sud-Est du chemin de Ronde de chemin rural, cette seule mention demeure sans incidence sur la qualification exacte de cette partie du chemin de ronde, de même que la circonstance que les auteurs du plan local d'urbanisme ont en 2013 retenu comme objectif prioritaire la mise en valeur des espaces publics du centre du village et leurs liaisons. Il ressort en effet des photographies produites que l'étroitesse du segment qui longe les parcelles cadastrées section D n°s 405 et 406 est incompatible avec la circulation de véhicules et que les limites de son emprise ont partiellement disparu. La commune de Marches fait valoir en outre ne plus entretenir depuis de nombreuses années ce chemin, qui surtout ne dessert aucune propriété et ne fait l'objet d'aucune utilisation régulière, y compris piétonne, ainsi que l'a constaté la délibération du 28 mai 2015. Sa vente ne devait dès lors pas être précédée de l'enquête publique prévue par les dispositions précitées de l'article L. 161-10 du code du code rural et de la pêche maritime qui ne concernent que l'aliénation de l'assiette des chemins ruraux.
7. En quatrième lieu, et compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce qu'en l'absence de désaffectation effective de la partie Sud-Est du chemin de Ronde, son déclassement puis sa cession ne pouvaient légalement intervenir ne peut qu'être écarté. Au demeurant et en tout état de cause, une décision de déclassement, à laquelle il doit être préalablement procédé avant la cession d'un bien affecté à un service public, porte par elle-même désaffectation.
8. En cinquième lieu, M. E... reprend en appel le moyen tiré de ce que le prix de cession de la portion Sud-Est du chemin de Ronde serait inférieur à sa valeur vénale, sans l'assortir de précision supplémentaire ni d'aucun élément pertinent de nature à critiquer les motifs par lesquels le tribunal l'a rejeté. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs du jugement attaqué.
9. En dernier lieu, la portion du chemin de Ronde cédée n'a plus le caractère de voie publique depuis son déclassement, de sorte que les riverains de cette portion du chemin de Ronde ne sont pas titulaires d'aisances de voirie. En outre, M. E... n'est pas riverain du chemin de Ronde, qui débute au droit de la parcelle D 434. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que la cession de la partie Sud-Est du chemin de ronde ne le prive pas du droit d'accéder à son garage à partir de la place Antoine Bertholet. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la délibération contestée le prive de ses aisances de voirie et d'accès au garage ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Marches, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera à la commune de Marches la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la commune de Marches.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme B..., président assesseur,
M. Rivière, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2020.
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N° 18LY04092