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17/12/2020 | FRANCE | N°19LY00107

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 décembre 2020, 19LY00107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1700467 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme C... à concurrence de la somme de 2 156 euros en droits

et 1 043 euros en pénalités au titre de l'année 2011 et 7 726 euros en droits e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1700467 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme C... à concurrence de la somme de 2 156 euros en droits et 1 043 euros en pénalités au titre de l'année 2011 et 7 726 euros en droits et 3 368 euros en pénalités au titre de l'année 2012 (article 1er) et rejeté le surplus de leur demande (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2019, M. C..., représenté par Me Chesney, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 novembre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités appliquées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne précise pas les motifs qui ont justifié les rectifications notifiées à la société alors que la proposition de rectification de la société n'a pas été annexée ;

- l'administration aurait dû mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts ;

- l'administration ne démontre ni qu'il a effectivement perçu les distributions, ni qu'il s'est enrichi, ni qu'il y a eu confusion de patrimoine et seul M. F... a la qualité de maître de l'affaire ;

- l'application de la majoration de 40 % n'est pas justifiée.

Par un mémoire enregistré le 29 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- M. C... pouvant être qualifié de maître de l'affaire, la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts n'avait pas à être mise en oeuvre ;

- M. C... était le seul maître de l'affaire ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré est justifiée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente assesseure,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de Me D..., représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL C..., qui a pour activité l'étanchéité, le bardage, la pose de dalles, la couverture, l'isolation, la pose de toiture bac acier et toutes opérations se rattachant à cet objet a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notamment notifié des rappels en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Estimant que ce rehaussement révélait l'existence de revenus distribués par cette société à son gérant et associé unique, M. C..., l'administration lui a notifié des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 résultant de la réintégration, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des distributions provenant de l'EURL C.... M. C... relève appel du jugement du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

3. La proposition de rectification adressée le 13 mars 2014 à M. C... l'informe de ce que l'administration entend imposer entre ses mains, en tant que maître de l'affaire, à l'impôt sur le revenu sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, au titre des années 2011 et 2012, les revenus distribués correspondant aux rehaussements à l'impôt sur les sociétés de l'EURL C... relatifs aux charges portées en déduction et non justifiées. Cette proposition de rectification qui a été adressée personnellement au contribuable ainsi qu'à son épouse précise le montant des revenus distribués, leur fondement légal, la catégorie de revenus et les années d'imposition, et se réfère, pour le calcul des bases d'imposition, aux rehaussements envisagés par l'administration fiscale dans la proposition de rectification adressée le même jour à l'EURL C... à l'issue du contrôle, et dont il est précisé qu'elle est jointe en annexe. Le requérant fait valoir que la proposition de rectification adressée à la société n'était pas jointe à celle qui lui a été personnellement adressée, et qu'il n'a pu de ce fait, avoir connaissance des motifs qui ont justifié les rectifications dont la société a fait l'objet. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. C... a accusé réception de ce document qui a été adressé à son nom et son domicile personnel. Dans ces conditions, M. C... ainsi que son épouse, doivent être regardés comme ayant disposé des informations leur permettant de présenter des observations utiles. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. "

5. Il résulte de ces dispositions que si l'administration s'abstient d'inviter une personne morale à lui faire parvenir des indications sur les bénéficiaires d'un excédent de distribution qu'elle a constaté, cette abstention a seulement pour effet de la priver de la possibilité d'assujettir ladite personne morale à la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts à raison des sommes correspondantes mais est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard des personnes physiques qui ont bénéficié de la distribution et que l'administration, compte tenu des renseignements dont elle dispose, est en mesure d'identifier.

6. Il résulte de l'instruction que l'administration était en mesure d'identifier M. C... comme bénéficiaire des revenus regardés comme distribués par l'EURL C.... Il suit de là que, contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que l'administration n'a pas demandé à l'EURL C... de désigner le bénéficiaire des distributions résultant de la rectification de son résultat est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...). ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

8. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

9. Le requérant fait valoir que c'est seulement dans le cas des distributions occultes mentionnées à l'article 111 du code général des impôts que l'administration est réputée apporter la preuve que les sommes concernées ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire. Toutefois, la qualité de seul maître de l'affaire suffit en outre à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en l'application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence à cet égard.

10. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification adressée à l'EURL C... que, s'agissant des exercices clos aux 31 décembre 2011 et 2012, les résultats de cette société ont été rehaussés par réintégration de charges jugées non déductibles par l'administration. Le requérant ne conteste ni l'existence ni le montant de ces rehaussements.

11. En l'espèce, pour justifier l'appréhension des sommes concernées par M. C..., l'administration s'est fondée sur la circonstance que ce dernier était le gérant statutaire et unique associé de l'EURL C.... Au titre des années en litige, lui seul possédait la signature sur les comptes bancaires ouverts au nom de la société et détenait tous les pouvoirs de gestion sur cette dernière. Le requérant fait valoir que M. E... F... était le gérant de fait de la société, que, par une attestation datée du 28 août 2014, il s'est désigné comme bénéficiaire d'une partie des distributions de la société et qu'il était rémunéré par retraits d'espèces du compte de la société et par remise d'espèces par l'entremise de différentes personnes, après encaissement de chèques émis par la société. Toutefois, il est constant que le nom de M. F... n'a jamais été évoqué au cours des opérations de contrôle de la société et qu'il n'est apparu dans aucun des documents consultés. Dans ces conditions, la seule production de l'attestation du 28 aout 2014 ne peut permettre de regarder M. F... comme ayant assumé ou partagé la maîtrise de l'affaire avec M. C.... Ainsi, l'administration était fondée à regarder M. C... comme étant le seul bénéficiaire des résultats réalisés par l'EURL C... et, par suite, à imposer les sommes correspondantes entre ses mains, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, la circonstance que l'intéressé n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application d'une telle majoration.

13. Pour justifier de l'application des pénalités de 40 % pour manquement délibéré, l'administration fait valoir qu'au cours de la période en litige, les charges déductibles des résultats de l'EURL C... ont été volontairement majorés afin de réduire le montant de l'impôt sur les sociétés, que ces agissements qui ont porté sur des montants importants ont été répétés et que M. C... qui en a tiré bénéfice ne pouvait en ignorer l'existence en sa qualité de gérant et d'associé de la société, ce qui atteste de la volonté de ce dernier d'éluder délibérément l'impôt. Dans ces conditions, et alors même que le requérant a informé l'administration, en 2014, qu'il avait omis de déclarer certaines sommes au titre des années en litige, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. C... d'éluder l'impôt et justifiant, par suite, l'application de la majoration prévue à l'article 1729 a. du code général des impôts.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.

2

N° 19LY00107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00107
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CHESNEY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;19ly00107 ?
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