Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 1907638 lu le 6 février 2020, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 mars, 1er avril et 21 juillet 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions susmentionnées ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du défaut de motivation de l'avis du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le refus de renouvellement de titre de séjour est entaché de l'incompétence de son signataire ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle n'est pas motivée et repose sur une procédure non-contradictoire ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par mémoires enregistrés les 10 et 28 juillet 2020, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- et les observations de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant du Kosovo né en 1984, déclare être entré en France en octobre 2014 pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile, le 30 octobre 2015. Il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement, le 3 juillet 2015. Un titre de séjour en qualité d'étranger malade lui a été délivré du 20 décembre 2017 au 19 décembre 2018, que le préfet de la Haute-Savoie a refusé de renouveler par l'arrêté litigieux portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges ont répondu aux points 8 et 21 du jugement au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, au point 17 au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Quant au moyen tiré du défaut de motivation de l'avis du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il n'était pas articulé en première instance. Il suit de là que le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté comme manquant en fait pris en ses deux premières branches, et comme inopérant en sa troisième branche.
3. Le tribunal n'était pas tenu de mentionner les éléments caractérisant la situation de l'intéressé et qui étaient dépourvus d'incidence sur les moyens invoqués. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne le refus de renouvellement de titre de séjour :
4. Les moyens tirés de l'incompétence du signataire et de l'insuffisance de motivation doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il convient, pour la cour, d'adopter.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) désigné afin d'émettre un avis doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 2 janvier 2019 par le collège de médecins de l'OFII se prononce sur le degré de gravité des conséquences d'une privation de soins médicaux, sur l'existence et l'accessibilité à des soins adaptés au Kosovo. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cet avis serait irrégulier, alors que le respect du secret médical faisait obstacle à ce qu'il divulguât à l'autorité administrative la nature des soins nécessités par l'état de l'intéressé.
7. En deuxième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une maladie chronique auto-immune, le certificat médical établi le 15 avril 2014 par le docteur Avdiu, praticien exerçant au Kosovo, se borne à énoncer que la maladie n'y a pas été diagnostiquée mais ne permet pas de remettre en cause l'avis du collège médical, dont le préfet de la Haute-Savoie s'est approprié le contenu, quant à la disponibilité des soins dans cet État. Par ailleurs, si un autre praticien a attesté que l'une des molécules administrées à M. B... était indisponible dans l'établissement où il exerce, rien ne permet d'en déduire qu'il en irait de même de toutes les structures sanitaires du Kosovo. Enfin, M. B... a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour ainsi que d'une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé et de la situation sanitaire au Kosovo appréciés à la date de ces décisions qui ne préjugent pas de l'évolution de l'un ou de l'autre de ces critères lors du renouvellement du titre. Par suite, et alors que le requérant ne fait valoir aucune circonstance humanitaire exceptionnelle au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant ce renouvellement de carte de séjour temporaire.
8. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il convient, pour la cour, d'adopter.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Si M. B... invoque l'ancienneté de son séjour en France et son insertion sociale et professionnelle, il est célibataire et sans charge de famille. Rien ne fait obstacle à ce qu'il poursuive sa vie privée et familiale au Kosovo, pays où résident ses parents et ses autres frères et soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées et, pour le même motif, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigés contre le refus de le régulariser, doivent être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, l'exception d'illégalité du refus de titre doit être écartée par les motifs des points 4 à 9.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si (...) le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Le refus de renouvellement de titre étant suffisamment motivé, ainsi qu'il est dit au point 4, l'obligation de quitter le territoire l'est par voie de conséquence, en vertu des dispositions précitées.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". D'une part, il résulte de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'un refus de titre de séjour, opposé en réponse à une demande formulée par l'intéressé. D'autre part, il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration organisant une procédure contradictoire.
13. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7.
En ce qui concerne la fixation du pays de destination :
14. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, doit être écarté par les motifs des points 10 à 13.
15. M. B... reprend purement et simplement le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal.
16. Sous réserve des risques encourus visés par l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non invoqués au cas d'espèce, le II de l'article L. 511-1 du même code fait obligation au préfet d'éloigner l'intéressé vers le pays dont il est ressortissant ou un État tiers où il serait admissible, ce qui exclut toute appréciation de sa part. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigé contre la désignation du Kosovo comme pays à destination duquel M. B... sera renvoyé d'office s'il ne quitte pas le territoire sous trente jours est dépourvu de portée utile et doit être écarté comme inopérant.
17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public après mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
N° 20LY00925 2