Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Environnement et Génie Civil de l'Ain (EGCA) a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le lot n° 16 du marché public de restructuration des écoles de la commune de Montrevel-en-Bresse, conclu entre cette commune et la société SOCAFL et de condamner la commune de Montrevel-en-Bresse à titre principal et la SEMCODA à titre subsidiaire, à lui verser la somme totale de 107 450 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation du marché.
Par un jugement n° 1605994 du 31 janvier 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 mars 2019, la société EGCA, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler le marché public portant sur le lot n° 16 de la réhabilitation des écoles situées Grande Rue à Montrevel-en-Bresse ;
3°) de condamner la commune de Montrevel-en-Bresse et la SEMCODA, solidairement le cas-échéant, à lui verser la somme totale de 107 450 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation du marché ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montrevel-en-Bresse et de la SEMCODA une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement, qui n'a pas visé deux mémoires complémentaires qu'elle a produits et qui exposaient un moyen nouveau, est irrégulier ;
- le pouvoir adjudicateur, qui aurait dû, d'une part, lui demander de clarifier sa proposition quant au matériel utilisé pour mettre en oeuvre les prestations objet du marché pour assurer le respect du principe d'égalité de traitement des candidats et de loyauté et, d'autre part, faire évoluer son analyse des offres en cours de consultation au titre des matériels mobilisés pour l'exécution du chantier, a entaché l'appréciation qu'il a portée sur le sous-critère de l'organisation du chantier d'une erreur manifeste ;
- le pouvoir adjudicateur a également entaché l'appréciation qu'il a portée sur le sous-critère du respect des conditions d'hygiène et de sécurité d'une erreur manifeste.
Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2019, la SEMCODA, représentée par la SELARL Cabinet LEGA-CITE, avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société EGCA d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société EGCA ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2019, la commune de Montrevel-en-Bresse, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société EGCA d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable s'agissant de la demande indemnitaire formée par la société sans liaison préalable du contentieux ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- si la cour estimait que la procédure suivie a été irrégulière, elle devrait, compte tenu des moyens soulevés et de l'intérêt général, ne pas prononcer l'annulation du marché.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Montrevel-en-Bresse et celles de Me B..., représentant la SEMCODA.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Montrevel-en-Bresse qui a engagé au cours de l'année 2016 une opération de restructuration de ses écoles (élémentaire et maternelle), a confié à la SEMCODA par contrat un mandat de maitrise d'ouvrage. La SEMCODA a fait paraître le 24 mars 2016 un avis d'appel public à la concurrence pour les travaux de restructuration divisés en 16 lots, dont le 16ème lot était relatif aux " VRD espaces verts ". A l'issue de la consultation, l'entreprise SOCAFL a été retenue pour l'attribution de ce lot et le marché signé le 6 juin 2016. La société EGCA, dont l'offre a été rejetée, relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation du marché signé avec l'entreprise SOCAFL et de condamnation de la commune de Montrevel-en-Bresse, à titre principal, et de la SEMCODA, à titre subsidiaire, à lui verser la somme totale de 107 450 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation du marché. Elle demande, en appel, outre l'annulation du contrat, la condamnation solidaire de la commune et de la SEMCODA.
2. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
Sur la régularité du jugement :
3. Le tribunal a visé la requête de la société EGCA enregistrée le 2 août 2016 ainsi que ses deux mémoires enregistrés les 20 septembre 2017 et 8 juin 2018 et a répondu aux moyens soulevés par la société dans ces écritures. Il ne résulte pas de l'instruction que la société EGCA aurait produit d'autres mémoires devant le tribunal. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement n'aurait pas visé deux mémoires complémentaires qui soulevaient un moyen nouveau doit être écarté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du marché :
4. Il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation précisait que les offres seraient classées selon deux critères, le prix de la prestation, affecté d'un coefficient de 60 %, et la valeur technique de l'offre, affectée d'un coefficient de 40 %. Le critère de la valeur technique était décomposé en quatre sous-critères parmi lesquels figuraient notamment les indications sur l'organisation du chantier, notées de 0 à 4, et les dispositions prises en termes d'hygiène et de sécurité, notées de 0 à 2. La société requérante, qui a obtenu une note de 2 sur 4 sur l'organisation du chantier et une note de 1 sur 2 sur les dispositions prises en matière d'hygiène et de sécurité, a obtenu une note globale de 8,80 sur 10. Elle a été classée en seconde position, après l'entreprise SOCAFL qui a obtenu une note de 9,15 sur 10.
5. S'agissant des indications sur l'organisation du chantier, la SEMCODA, agissant en qualité de mandataire de la commune, a noté que les éléments relatifs au personnel et au matériel affectés au chantier étaient complets, mais que l'utilisation d'un " bull " pour les remblais n'était pas adapté au terrain et que l'offre ne comportait pas de spécifications en lien avec les " rampes et gradinages " ainsi que sur les bétons sablés. La société EGCA, qui ne conteste pas que son offre ne comportait pas de spécifications en lien avec les " rampes et gradinages " ainsi que sur les bétons sablés, se borne à contester la note qui lui a été attribuée au regard de l'utilisation d'un bulldozer.
6. Si la société a précisé dans son mémoire technique qu'elle utiliserait sur le chantier une pelle à pneu 15 T ainsi que des moyens de transport en nombre suffisant pour assurer les approvisionnements et les évacuations, elle a indiqué dans l'annexe de ce mémoire, qui faisait partie de son offre au même titre que le mémoire technique, que les terrassements seraient faits au moyen d'une pelle à chenilles 21 T, d'un compacteur type V4, d'un bulldozer type D5 et de camions. Elle a précisé que " le remblai sera mis en oeuvre au bull suivant la méthode du remblai excédentaire ". Il résulte ainsi clairement des termes de son offre qu'elle entendait faire usage d'un bulldozer pour procéder aux terrassements prévus, par le règlement de consultation du marché, dans la zone de réhabilitation des écoles. Le mandataire de la commune n'était pas tenu de lui demander des éclaircissements sur cet aspect de son offre avant de procéder à la notation et n'a pas, en s'abstenant de le faire, méconnu les principes de loyauté et d'égalité de traitement des candidats.
7. La société requérante fait valoir qu'après la remise des offres, il a été demandé aux candidats de chiffrer la réalisation, sur des terrains proches du chantier principal, de travaux de terrassement et d'encaissement d'une plateforme pour la pose de bâtiments modulaires provisoires et que l'utilisation concomitante d'un bulldozer et d'une pelle à pneus était justifiée pour réaliser ces travaux. Toutefois pour réaliser les remblais situés sur le site du chantier principal, le pouvoir adjudicateur a estimé que la solution proposée par la société de recourir à un bulldozer n'était pas adaptée au regard de l'état du terrain d'assiette des écoles à réhabiliter ainsi qu'il a été indiqué au point 5, ce que la société ne conteste pas.
8. Dans ces conditions, en lui attribuant une note de 2 sur 4 sur l'organisation du chantier au motif que l'utilisation d'un bulldozer pour les remblais n'était pas adaptée au terrain et que l'offre ne comportait pas de spécifications en lien avec les " rampes et gradinages " ainsi que sur les bétons sablés, le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
9. S'agissant des dispositions à prendre en matière d'hygiène et de sécurité, le cahier des charges techniques et particulières relatif au lot n° 16 mentionnait que : " dans son offre, l'entreprise devra prévoir toutes les protections individuelles et collectives destinées à assurer la protection, l'hygiène et la sécurité des travailleurs, ainsi que toutes les sujétions induites ". La SEMCODA a retenu que l'offre de la société EGCA comportait la mention de l'équipement classique de protection des employés, qu'elle identifiait des risques pour chaque tâche, mais qu'elle ne précisait pas qu'il y aurait un secouriste présent sur le chantier et lui a attribué une note de 1 sur 2. Elle a attribué une note de 2 à l'entreprise SOCAFL après avoir indiqué que l'offre de cette dernière prévoyait un équipement classique de protection des employés et la présence d'une secouriste du travail dans l'équipe. Si la société requérante fait valoir que le silence de son offre sur la présence d'un secouriste sur le chantier n'impliquait en lui-même ni la méconnaissance de la loi, ni la méconnaissance des exigences du cahier des clauses techniques particulières applicable au lot n° 16, il résulte toutefois de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a entendu valoriser la mention de la présence d'un secouriste sur le chantier, ce que lui permettait de faire le sous-critère retenu. En procédant de la sorte, et en attribuant une note de 1 sur 2 à la société EGCA, le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation et ce, alors même que la société avait précisément identifié, dans son offre, les risques propres à chaque tâche.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Il résulte de ce qui précède, en l'absence d'irrégularité affectant la procédure de passation du marché, que la société EGCA n'est pas fondée à demander la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction. Ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que la société EGCA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu en revanche, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Montrevel-en-Bresse et une somme de 1 000 euros à verser à la SEMCODA au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société EGCA est rejetée.
Article 2 : La société EGCA versera à la commune de Montrevel-en-Bresse, d'une part, et à la SEMCODA, d'autre part, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société EGCA, à la commune de Montrevel-en-Bresse et à la SEMCODA.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
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N° 19LY01136