Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération du conseil d'administration de l'université de Lyon du 10 octobre 2017 créant une indemnité au profit des membres externes du " Scientific Advisory Board " ainsi que l'arrêté du président de l'Université de Lyon du 20 novembre 2017 fixant la rémunération desdits membres pour leur participation à la séance du 15 novembre 2017.
Par un jugement n° 1709098 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du conseil d'administration de l'université de Lyon du 10 octobre 2017 et l'arrêté du président de l'Université du 20 novembre 2017.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2019, sous le numéro 19LY01790, l'université de Lyon, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1709098 du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de qualification juridique de faits en retenant que les indemnités avaient été versées sans texte alors que les membres extérieurs du SAB ne sont pas des agents publics ;
- la base légale de ces indemnités découle du principe de l'autonomie financière des universités rappelé par l'article L. 711-1 du code de l'éducation, par l'arrêté du 21 décembre 2016 et par les statuts propres de l'université de Lyon selon décret du 5 février 2015 ; elle est libre d'engager toute dépense concernant l'activité de gestion nécessaire à la réalisation du projet de site.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2019, M. D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Université de Lyon.
Il soutient que :
- comme l'a considéré à bon droit le tribunal administratif de Lyon, les sommes en litige doivent être qualifiées d'indemnités qui ne peuvent être payées qu'en vertu d'une obligation résultant des lois et règlements ; à défaut, le versement de ces sommes doit être qualifié de prix et devait être précédé d'une publicité et d'une mise de concurrence conformément aux règles de la commande publique ;
- l'université confond l'extension de ses compétences en matière de gestion financière ou de ressources avec la question de la base légale des décisions attaquées ; l'article L. 711-1 ne comporte aucune disposition pouvant donner une telle base légale ; l'autonomie financière accordée aux universités ne leur permet pas de s'affranchir des règles de recrutement ; les statuts de l'université ne justifient pas davantage les indemnités en cause ;
- le montant des indemnités est manifestement disproportionné et porte atteinte aux principes de bonne gestion des deniers publics et aux règles de la comptabilité publique ; aucune convention n'a été régulièrement passée entre l'université et les membres du " Scientific Advisory Board " ;
- il reprend expressément les autres moyens soulevés en première instance.
Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2020, l'Université de Lyon conclut, à titre subsidiaire, à ce que les effets de l'annulation soient modulés dans le temps compte tenu des incidences particulièrement préjudiciables qu'une annulation impliquerait.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 ;
- le décret n° 2011-1107 du 14 septembre 2011 ;
- le décret n° 2015-127 du 5 février 2015 ;
-- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour l'université de Lyon, et celles de Me B..., pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'universités et établissements " Université de Lyon " a entrepris en 2015 de participer à l'appel au programme d'investissement d'avenir " Initiatives d'excellence " (IDEX) lancé par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Afin d'élaborer sa candidature ainsi que le projet de site de l'établissement, le comité exécutif IDEX (COMEX) de l'Université de Lyon, composé des chefs d'établissements membres, a souhaité être assisté par un " Scientific Advisory Board " (SAB) destiné à émettre des recommandations au vu des " meilleurs standards internationaux ". Par la délibération n°34/CA/2017 du 10 octobre 2017, le conseil d'administration de l'Université de Lyon a approuvé la création d'une indemnité au profit des membres externes du SAB désignés par le comité exécutif IDEX LYON, issus d'autres universités internationales et d'entreprises privées. M. A... D..., représentant des personnels au sein du conseil d'administration de l'Université de Lyon, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la délibération n° 34/CA/2017 du 10 octobre 2017 par laquelle le conseil d'administration de l'Université de Lyon a approuvé la création d'une indemnité au profit des membres externes d'un " Scientific Advisory Board " (SAB). Il a également demandé l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2017 du président de l'Université de Lyon fixant les indemnités des membres externes du SAB pour la séance du 15 novembre 2017. Par un jugement du 7 mars 2019, dont l'université de Lyon relève appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux décisions.
Sur la légalité de la délibération du conseil d'administration de l'Université de Lyon du 10 octobre 2017 :
2. Il ressort de pièces du dossier que les membres externes du SAB comprennent des personnes exerçant dans des universités étrangères ou des entreprises privées, qu'ils ont été choisis par l'université et n'ont passé aucun contrat avec cette dernière et qu'ils ont pour mission de formuler en toute indépendance des recommandations sur des projets scientifiques et des propositions pour la stratégie académique de l'université. Dès lors, eu égard à la nature et la durée de leurs missions, les membres externes du SAB ne sauraient être assimilés à des agents publics titulaires de l'Université de Lyon et ainsi se voir appliquer les dispositions de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 imposant que leurs traitements et indemnités soient prévues par un texte législatif ou règlementaire.
3. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu qu'une administration ne pouvant payer des traitements et indemnités qu'en vertu des obligations résultant pour elle des lois et règlements, ce qui infère implicitement mais nécessairement que le tribunal administratif a considéré que les membres externes du SAB étaient des agents de droit public, la délibération n°34/CA/2017 du 10 octobre 2017 était dépourvue de base légale, et l'a annulée ainsi que, par voie de conséquence l'arrêté du président de l'université du 15 novembre 2017.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif et devant la cour.
5. Aux termes de l'article 6 du décret n° 2015-127 du 5 février 2015 portant approbation des statuts de la communauté d'universités et établissements " Université de Lyon ", relatif aux attributions du conseil d'administration : " Le conseil d'administration détermine la politique de l'Université de Lyon. A ce titre, il délibère sur : (...) 7° Le règlement intérieur de l'établissement et plus généralement l'organisation générale et le fonctionnement de l'établissement (...) ". Il résulte de ces dispositions que seul le conseil d'administration de l'Université de Lyon était compétent pour approuver la création d'un comité ad hoc en vue de l'accompagner dans l'élaboration du projet de site et des grandes orientations de l'Université intégrée.
6. Contrairement à ce que soutient l'Université requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil d'administration se serait expressément prononcé sur la création du SAB. Si la délibérations n° 22/CA/2015 du 29 septembre 2015, la délibération n°44/CA/2015 et la délibération n°61/CA/2016 mentionnent une telle instance, aucune précision n'est apportée quant à sa composition, ses missions ou les modalités de désignation de ses membres. Dans ces conditions, et alors que l'université requérante ne produit qu'un compte rendu de séance du 14 avril 2017 du COMEX, au demeurant incompétent pour prendre une telle décision, au cours de laquelle une liste de membre a été proposée, M. D... est fondé à soutenir que la délibération n°34/CA/2017 du 10 octobre 2017 est dépourvue de base légale en raison de l'absence de création régulière du SAB et doit être annulée.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 novembre 2017 du président de l'Université de Lyon :
7. L'arrêté du 20 novembre 2017 du président de l'Université de Lyon qui fixe les indemnités des membres externes du SAB pour la séance du 15 novembre 2017, pris en application de la délibération n° 34/CA/2017 du conseil d'administration de l'Université de Lyon, doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de cette délibération.
Sur la demande de modulation des effets de l'annulation :
8. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
9. Si l'Université soutient que l'annulation rétroactive des décisions en litige aurait une incidence sur sa réputation internationale, sa crédibilité et sa capacité future à nouer des partenariats à l'étranger ou avec le secteur privé, de telles complications, au demeurant hypothétiques, ne peuvent, par elles-mêmes, suffire à caractériser une situation de nature à justifier que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets de cette annulation. En outre, l'Université ne démontre pas, ni même ne soutient que les effets de l'annulation porterait une atteinte manifestement excessive à la poursuite de son projet " IDEX ".
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. D..., que l'Université de Lyon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération n°34/CA/2017 adoptée 10 octobre 2017 par son conseil d'administration ainsi que l'arrêté du 20 novembre 2017 du Président de l'Université pris sur le fondement de cette délibération.
11. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge l'Université de Lyon le versement de la somme de 1 500 euros à M. D....
DECIDE:
Article 1er : La requête de l'Université de Lyon est rejetée.
Article 2 : L'Université de Lyon versera à M. A... D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Université de Lyon et à M. A... D....
Délibéré après l'audience 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021
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No 19LY01790