Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté de communes du Lac du Bourget, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la communauté d'agglomération Grand Lac, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum le groupement de maîtrise d'oeuvre composé des sociétés Strates et Paysages Plus et Arcadis ESG et la société Moulin TP à lui verser la somme de 549 224,48 euros TTC en réparation du préjudice subi du fait de désordres affectant le pôle d'échange intermodal d'Aix-les-Bains à l'aménagement duquel ces entreprises ont participé.
Par un jugement n° 1400829 du 9 octobre 2018 rectifié par une ordonnance du 23 octobre 2018, ce tribunal, après avoir mis hors de cause la société Paysages Plus, a partiellement fait droit aux conclusions indemnitaires de la communauté d'agglomération et s'est prononcé sur les appels en garantie des entreprises condamnées.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2018, la société Moulin TP, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en tant qu'il l'a condamnée ou, subsidiairement, de ramener sa condamnation à 71 035,50 euros HT outre 40 250 euros au titre des travaux complémentaires et de condamner le groupement de maîtrise d'oeuvre à la garantir à hauteur de 80 % de cette somme ou, plus subsidiairement, de condamner ce groupement et la communauté d'agglomération du Grand Lac à la garantir, respectivement, pour l'ensemble des autres désordres et du chef de la part de responsabilité de la société ARTS et de ramener l'indemnisation de la communauté d'agglomération à 180 000 euros HT ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération Grand Lac à lui verser la somme de 9 432 euros HT au titre des travaux de mise en sécurité et d'ordonner la compensation des dettes respectives ;
3°) de mettre in solidum à la charge de la communauté d'agglomération Grand Lac et du groupement de maîtrise d'oeuvre ou de qui mieux d'entre-eux le devra, la somme de 10 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- l'expert judiciaire, qui n'a pas répondu à tous ses dires et dont le rapport contient des incohérences et des inexactitudes, n'a pas correctement rempli sa mission ;
- les désordres affectant la chaussée en enrobés sont de nature esthétique ;
- les défauts d'aspect de la surface de la contre-allée ne sont pas constitutifs d'un désordre ; le jugement est entaché de contradiction de motifs en ce qu'il retient que la communauté d'agglomération ne caractérise pas le préjudice qui résulterait de ce prétendu désordre mais l'indemnise des frais de reprise des caniveaux de la contre-allée ;
- les désordres affectant les dalles des trottoirs et des zones piétonnes sont sans lien avec la structure qu'elle a réalisée ;
- les désordres affectant les bordures de séparation entre la chaussée et la piste cyclable sont imputables majoritairement à un défaut de conception, de sorte que sa part de responsabilité au titre de ce désordre doit être ramenée à 20 % ;
- le poste de préjudice " travaux divers " n'est pas justifié ;
- elle est fondée à demander à être garantie à hauteur de 80 % par l'équipe de maîtrise d'oeuvre pour les désordres qui lui sont imputables et en totalité par l'équipe de maîtrise d'oeuvre et la communauté d'agglomération pour les désordres imputables à la société ARTS titulaire du lot n° 2 qui est la principale responsable des défauts de pose des pierres naturelles et dont la responsabilité n'a pas été recherchée par la communauté d'agglomération qui, en outre, s'est abstenue de produire l'attestation d'assurance de cette société, faisant obstacle de manière fautive aux recours en garantie contre son assureur ;
- les frais exposés par la communauté d'agglomération pour les travaux de mise en sécurité du chantier de reprise des malfaçons qu'elle a effectués se sont élevés à la somme de 9 432 euros HT ;
- les travaux de reprise de la chaussée lui ont coûté 180 000 euros, de sorte que le montant de l'indemnisation qui lui est due, qui ne peut inclure la TVA, ne peut être fixé au-delà ;
- un coefficient de vétusté de 50 % doit être appliqué au montant de la réparation.
Par un mémoire enregistré le 28 août 2019, la société Arcadis ESG, représentée par Me H..., conclut à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée, à la condamnation des sociétés Moulin TP et Strates à la garantir totalement et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- le tribunal ne pouvait pas retenir sa responsabilité contractuelle pour des désordres ayant fait l'objet de réserves ou seulement de nature esthétique ;
- il ne pouvait pas davantage retenir sa responsabilité décennale dans la mesure où le défaut de conception est imputable en particulier à la société Strates ;
- elle est fondée à demander à être totalement garantie pas les sociétés Moulin TP et Strates à raison de leurs manquements mis en évidence par l'expert judiciaire.
Par des mémoires enregistrés les 14 janvier et 29 mai 2020, la communauté d'agglomération Grand Lac, représentée par Me B..., conclu au rejet de la requête et des conclusions de la société Arcadis ESG, à la réformation du jugement en ce qu'il a limité son indemnisation et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des sociétés Moulins TP, Arcadis ESG et Strates au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- le rapport de l'expert judiciaire, qui a tenu compte des observations de la société Moulin TP, est régulier ;
- la société Arts n'avait pas souscrit un contrat d'assurance dommage ouvrage ;
- les désordres affectant les chaussées en enrobés, les passages des piétons avec bordures et pavés et la surface de la contre-allée Nord en béton désactivé sont en lien avec les réserves constatées à la réception qui n'ont pas été levées pendant le délai de garantie de parfait achèvement et sont de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Moulin TP, quelle que soit leur nature, et de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, pour manquement dans la surveillance des travaux ou, s'agissant des désordres affectant la contre-allée Nord, défaut de conseil au moment de la réception, quelle que soit leur ampleur ;
- au demeurant, les désordres affectant la contre-allée Nord relèvent également de la garantie prévue à l'article 9.5.3 du CCAP ;
- les options de remise en état proposées par l'expert judiciaire ne sont pas conformes aux prévisions du marché ;
- il a sous-estimé les prix unitaires et le coût de reprise des dalles de circulation piétonne ;
- le poste " travaux divers " inclus la réparation des grilles d'eaux pluviales et des trois tampons voilés ;
- elle a droit à une réparation intégrale ;
- compte tenu de la date d'apparition des désordres, il n'y a pas lieu d'affecter au coût de la réparation un coefficient de vétusté.
Par un mémoire enregistré le 22 avril 2020, la société Strates, représentée par Me A..., conclut à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée ou subsidiairement à la minoration de sa condamnation, à la condamnation in solidum des sociétés Moulin TP et Arcadis ESG à la garantir et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- elle est responsable à hauteur de 25 % des seuls désordres affectant les bordures de séparation entre la chaussée et la piste cyclable et les caniveaux de la contre-allée Nord ;
- la communauté d'agglomération Grand Lac n'établit pas que les désordres esthétiques affectant la contre-allée Nord étaient apparents à la réception, de sorte qu'elle n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité contractuelle en raison d'un manquement à son obligation de conseil ;
- elle n'établit pas non plus que travaux nécessaires à la reprise des désordres à caractère décennal lui auraient coûté 180 000 euros.
Un mémoire enregistré le 4 février 2021 présenté pour la société Moulin TP n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la communauté d'agglomération, Grand Lac, celles de Me C..., représentant la société Arcadis ESG, et celles de Me G..., représentant la société Strates.
Considérant ce qui suit :
1. Pour l'aménagement du centre intermodal d'Aix-les-Bains, conçu pour améliorer les conditions de desserte du parvis de la gare ferroviaire, la communauté de communes du Lac du Bourget, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la communauté d'agglomération Grand Lac (CALB), a confié en 2006 à la société Moulin TP la réalisation des deux phases de travaux d'infrastructures et de génie civil pour les réseaux d'assainissement, les voiries et les fontaines, faisant l'objet du lot n° 1. La maîtrise d'oeuvre de l'opération était assurée par un groupement composé de l'agence d'architecture Strates, mandataire, de l'agence Paysage Plus, paysagiste, et de la société Arcadis ESG. La réalisation des travaux du lot n° 2 " fournitures et pose de pierres naturelles " a été confiée à la société ARTS. Les travaux des deux phases des lots n°s 1 et 2 ont été réceptionnés avec des réserves. D'autres désordres en lien avec ces travaux sont apparus après la réception. A la demande du maître d'ouvrage, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné par une ordonnance du 1er octobre 2009 un expert judiciaire qui a déposé son rapport le 13 février 2014. La CALB a recherché la responsabilité contractuelle et décennale de la société Moulin TP et du groupement de maîtrise d'oeuvre. Par un jugement du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a mis hors de cause la société Paysage Plus et condamné in solidum les sociétés Arcadis ESG et Moulin TP à verser au maître d'ouvrage la somme de 141 104,55 euros TTC au titre de leur responsabilité contractuelle, d'une part, et les mêmes et la société Strates à lui verser la somme de 133 559,41 euros TTC au titre de leur responsabilité décennale d'autre part. En outre, le tribunal a fait droit aux conclusions d'appel en garantie réciproques des intervenants. La société Moulin TP a relevé appel de ce jugement et la CALB et les sociétés Strates et Arcadis ESG présentent des conclusions d'appel incident sur le montant de l'indemnité allouée ainsi que des conclusions d'appel provoqué.
Sur l'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport ".
3. Il résulte de l'instruction que le pré-rapport d'expertise a été diffusé le 18 septembre 2012 à l'ensemble des parties. Le dire n° 9 récapitulatif et le dire n° 10 de la société Moulin TP ont été annexés au rapport définitif, ainsi que les documents joints à ces dires. Les dispositions de l'article R. 621-7 n'obligeaient pas l'expert à répondre à l'ensemble des observations de la société Moulin TP. Au demeurant, les insuffisances alléguées du rapport d'expertise ne font pas obstacle, en tout état de cause, à ce qu'il soit retenu à titre d'élément d'information dans le cadre de la procédure contentieuse, dès lors qu'il a été versé au dossier et soumis ainsi dans son ensemble au débat contradictoire des parties.
Sur la responsabilité :
4. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves jusqu'à ce que celles-ci aient été expressément levées, nonobstant l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement. Pour les travaux ou partie de l'ouvrage qui n'ont pas fait l'objet de réserves à la réception, la responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage. Toutefois, les obligations des constructeurs sont prolongées, à compter de la réception de l'ouvrage, pendant le délai de la garantie de parfait achèvement prévue au contrat lui-même, en ce qui concerne les réserves faites à l'occasion de cette réception. En outre, le maître d'ouvrage peut rechercher la responsabilité des constructeurs sur le fondement qui régit la garantie décennale de ces derniers pour les désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
5. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux de la phase 1 du lot n° 1 a été prononcée le 7 août 2007 sous réserve qu'il soit remédié avant le 30 octobre suivant aux imperfections et malfaçons affectant les bordures des passages des piétons et la chaussée. La réception des travaux de sa phase 2 est intervenue le 7 novembre 2007 sous réserve, d'une part, qu'il soit remédié avant le 23 novembre suivant aux non-conformités affectant les passages des piétons et, d'autre part, que les enrobés soient réalisés dans ce même délai. Le procès-verbal établi le 14 avril 2018 a constaté que tous les passages des piétons avec bordures de pavés s'affaissaient et présentaient un orniérage important, que toutes les structures de chaussée étaient à reprendre de part et d'autre des passages piétons et que la couche de roulement devait être refaite et unifiée après rabotage général du projet sur 4 cm. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la société Moulin TP n'a pas remédié aux imperfections et malfaçons signalées avant l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement, prolongé par lettre du 1er août 2008, en arguant des défauts de conception de la maîtrise d'oeuvre et des malfaçons de l'entreprise titulaire du lot n° 2. Il n'est pas contesté que, comme l'a jugé le tribunal, ces désordres qui affectent les passages des piétons et les enrobés sont de nature à engager la responsabilité contractuelle des constructeurs.
6. D'une part, la société Moulin TP, dont le lot prévoyait la fourniture et la pose des enrobés, ne conteste pas que les défauts d'aspect de surface des enrobés de la chaussée, en raison d'une granulométrie très hétérogène, sont dus à un défaut d'exécution lors de leur mise en oeuvre, et l'argument selon lequel ce désordre affecterait uniquement l'aspect esthétique de l'ouvrage ne fait pas obstacle à l'engagement de sa responsabilité contractuelle. D'autre part, les carottages effectués à l'initiative de l'expert ont révélé que le béton de fondation des passages des piétons n'était pas homogène, peu compact et parfois de qualité moyenne. La société Moulin TP n'est dès lors pas fondée à soutenir que les désordres affectant ces passages seraient sans lien avec la réalisation qui lui avait été confiée de la structure d'assise en béton.
7. La CALB fait grief au tribunal de ne pas avoir retenu la responsabilité contractuelle de la société Moulin TP pour le désordre affectant la contre-allée Nord réalisée en béton désactivé dont les dalles pavées présentent quelques fissures. Alors que l'expert a imputé ce désordre à un défaut de compactage de la fondation, il résulte de l'instruction que la fissuration, non évolutive, est restée limitée et circonscrite à un seul emplacement et que sa reprise nuirait à l'esthétique d'ensemble de l'ouvrage. En l'absence de réel préjudice, la CALB ne peut utilement se prévaloir de la faute commise par la société Moulin TP dans l'exécution de son contrat ni de la garantie particulière de sept ans couvrant les fissurations de dalles, prévue au point 5.3 de l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières.
En ce qui concerne la responsabilité décennale :
8. Au mois de février 2009, la CALB a observé d'une part des dégradations de l'ensemble des enrobés de surface des voiries, qui présentaient des flaches, des fissures et des défauts d'aspect, et d'autre part, que des dalles des trottoirs et zones piétonnes et des bordures de séparation entre chaussée et piste cyclable étaient déformées, fissurées, brisées ou déchaussées. Les matériaux constituant les caniveaux de la contre-allée Nord et les grilles ou tampons d'ouvrages d'eaux pluviales étaient également dégradés. Ces désordres conduisent à une impropriété à sa destination de l'ouvrage en raison notamment des risques de chutes des piétons et cyclistes.
9. Les carottages réalisés à la demande de l'expert judiciaire ont permis d'établir que les désordres affectant les dalles des trottoirs et des zones piétonnes trouvent notamment leur origine dans l'absence d'homogénéité du béton de fondation. Par suite, la société Moulin TP n'est pas fondée à demander à être mise hors de cause au titre de ces désordres.
Sur les préjudices :
10. Le maître d'ouvrage a droit à l'indemnisation des solutions provisoires qu'il a dû mettre en place pour répondre aux besoins des utilisateurs de l'ouvrage jusqu'à sa complète remise en état. La société Moulin TP n'établit pas que les travaux que la CALB a fait réaliser à cet effet en 2013 pour un montant de 180 000 euros ont suffi pour assurer la réparation intégrale et définitive de l'ouvrage.
11. Pour la reprise des passages des piétons, le tribunal a fixé l'indemnisation de la CALB au titre de la responsabilité contractuelle des constructeurs à la somme de 40 639,07 euros HT correspondant aux frais de remplacement à l'identique des pavés en granit de quatorze passages, soit 210 m2 pour les deux chaussées principales sur lesquels l'expert a observé des désordres en lien avec les sollicitations répétées des véhicules. Le remplacement des pavés par un revêtement enrobé identique à celui de la chaussée apporterait une plus-value à l'ouvrage en raison de la meilleure résistance au roulage des passages après leur réfection, plus-value dont la CALB ne peut être indemnisée ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal. La CALB ne démontre pas plus en appel qu'en 1ère instance qu'elle est en droit de demander l'indemnisation de la reprise de l'ensemble des passages des piétons, pour une surface totale de 620 m2.
12. En réparation des désordres à caractère décennal, le tribunal a mis in solidum à la charge des sociétés Strates, Arcadis ESG et Moulin TP la somme de 100 145,82 euros HT dont 10 000 euros pour des travaux de reprises divers. Il résulte de l'instruction que ce poste de préjudice correspond à la remise en état de quatre grilles d'eaux pluviales descellées et de trois tampons voilés. La CALB était donc fondée à rechercher une indemnisation de ce poste à hauteur de cette somme de 10 000 euros.
13. Les frais de reprise des caniveaux de la contre-allée Nord ont été évalués par le tribunal administratif à la somme de 6 400 euros HT. La société Moulin TP ne peut utilement soutenir que la CALB ne caractérise pas le préjudice qui résulterait des quelques fissures présentes sur des dalles de la contre-allée Nord, qui se rattachent à un désordre distinct. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le tribunal administratif n'a pu, sans contradiction de motifs, mettre à sa charge cette somme in solidum avec les autres constructeurs condamnés.
14. L'expert judiciaire a estimé que des réparations partielles pouvaient être effectuées pour remédier aux désordres affectant les dalles des trottoirs et des zones piétonnes. La CALB soutient que pour assurer une unité esthétique et la pérennité de l'ouvrage, toutes les zones, y compris celles qui ne sont pas dégradées, doivent être reprises et les dalles remplacées par un revêtement souple de type bitumineux plus solide. Toutefois, elle ne conteste pas que les dégradations, qui ne s'aggravent pas, n'excèdent pas une surface de 15 m2. En outre, le remplacement des dalles par un revêtement souple qui n'était pas prévu par le marché du lot n° 2 serait de nature à apporter une plus-value à l'ouvrage. Par ailleurs, l'expert a précisé qu'il avait pris en compte pour l'estimation des travaux de reprise de l'ensemble des désordres les contraintes particulières de réalisation et en particulier la nécessité de maintenir le trafic des véhicules pendant la durée du chantier. La CALB n'établit pas que les prix unitaires ainsi appréciés par l'expert sont manifestement sous-estimés. Enfin, l'apparition des désordres à caractère décennal deux ans après la réception ne justifie pas l'application d'un coefficient de vétusté, de sorte que le tribunal, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, a justement fixé à 100 145,82 euros HT l'indemnité due à la CALB
15. Compte tenu de la date d'apparition des désordres, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté de 50 %, comme l'a jugé à bon droit le tribunal.
16. Si la société Moulin TP conteste aussi sa condamnation par le tribunal, avec les sociétés Strates et Arcadis ESG, à indemniser la CALB des frais qu'elle a exposés pour sécuriser les travaux de reprise des désordres à caractère décennal à hauteur de 13 785,01 euros TTC, ce poste n'inclut pas les travaux de mise en sécurité qu'elle a effectués pour un montant de 9 432 euros HT que le tribunal a déduit, par compensation, de la somme due par la société Moulin TP au maître d'ouvrage qui en restait redevable.
17. La circonstance que la CALB peut se faire rembourser une fraction de la TVA acquittée sur les travaux par le fonds de compensation de TVA ne lui interdit pas de demander une indemnisation toutes taxes comprises. Dès lors, le tribunal a inclus à bon droit la TVA dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à la CALB.
Sur les appels en garantie :
18. Le tribunal a fixé la part de responsabilité de la société Moulin TP dans la survenance des désordres à caractère décennal à 40 % et celle des sociétés Strates et Arcadis ESG à 60 %.
19. Il résulte du rapport d'expertise que des dalles des bordures de séparation entre la chaussée et la piste cyclable se sont descellées en raison de l'absence de joints et d'un défaut de calage entre les dalles compte tenu de la technique de pose, tous éléments qui ont provoqué des épaufrures des arêtes, des ruptures et des affaissements. Ce désordre affecte la moitié environ des bordures de séparation. Il est dû à des défauts de conception imputables à la société Strates, qui a réalisé le calepinage des dalles et imposé une pose à joints secs, et à la société Arcadis ESG, qui a proposé les dispositions des fondations des bordures, ainsi qu'à la mise en oeuvre par la société Moulin TP, qui avait proposé une variante pour la pose des bordures entérinée par le maître d'oeuvre. Le désordre est dû, dans une moindre mesure, à la mauvaise qualité du matériau utilisé par la société Moulin TP et à un défaut de surveillance des travaux par la maîtrise d'oeuvre. Dans ces conditions, la société Moulin TP ne peut se dégager de la responsabilité qui lui incombe en faisant valoir que la maîtrise d'oeuvre lui a imposé de détruire la variante qu'elle avait réalisée et qu'elle a suivi ses préconisations.
20. Le constructeur qui forme une action en garantie ne peut invoquer qu'une faute ayant contribué à la survenance du dommage au titre duquel sa responsabilité est recherchée par le maître d'ouvrage. La société Moulin TP, qui demande à être garantie par la CALB pour les désordres qu'elle impute à la société Arts dans le cadre de son marché " fournitures et pose de pierres naturelles ", ne peut donc utilement se prévaloir de l'absence de production par la CALB de l'attestation d'assurance couvrant la responsabilité décennale de la société Arts, au surplus non obligatoire pour les ouvrages de voirie en vertu de l'article L. 111-32-1 du code de la construction et de l'habitation.
21. La situation des sociétés Arcadis ESG et Strates ne se trouvant pas aggravée à la suite de l'examen de l'appel principal de la société Moulin TP et de l'appel incident de la CALB, les conclusions présentées au-delà du délai d'appel tendant à ce que la société Arcadis ESG soit totalement garantie par la société Moulin TP et à la condamnation des sociétés Arcadis ESG et Strates à se garantir réciproquement sont irrecevables et doivent être rejetées comme telles.
Sur l'appel provoqué de la société Arcadis ESG :
22. La présente décision rejetant l'appel principal de la société Moulin TP, les conclusions présentées par la société Arcadis ESG après l'expiration du délai d'appel dirigées contre la CALB ne sont pas recevables.
Sur les frais du litige :
23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Moulin TP et les conclusions présentées par la CALB et les sociétés Strates et Arcadis ESG sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Moulin TP, à la communauté d'agglomération grand Lac et aux sociétés Strates, Arcadis ESG et Paysage Plus.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme D..., président assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.
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N° 18LY04509