Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Cristal Distribution a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 23 novembre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 33ème section du département du Rhône a refusé d'autoriser le licenciement de M. F... G....
Par jugement n° 1808893 lu le 2 juillet 2019, le tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 26 juillet 2019 et le 2 mars 2020, M. F... G..., représenté par Me A... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de la société Cristal Distribution présentée en première instance ;
2°) de mettre à la charge de la société Cristal Distribution une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est en violation des règles d'ordre public que la société Cristal Distribution a unilatéralement imposé une modification de son contrat de travail ou, à tout le moins, un changement de ses conditions de travail en s'abstenant de saisir l'inspection du travail ;
- les faits reprochés ne présentent pas de caractère fautif et ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement disciplinaire ;
- la mise à pied n'était pas motivée ;
- la procédure de consultation du comité d'entreprise n'a pas été respectée ; l'ensemble des représentants du personnel n'a pas été convoqué ; il n'y a pas eu un délai suffisant entre son information sur les faits reprochés et son audition par le comité d'entreprise ; le comité d'entreprise n'a pas rendu un avis en toute connaissance de cause ; le quorum d'élus siégeant au comité d'entreprise n'était pas atteint ;
- les griefs sont infondés ; la réaffectation des clients de Mme E... ne lui est pas imputable et les faits ont été frauduleusement établis par la manipulation de codes informatiques des clients de l'agence de Lyon ; l'employeur a publiquement manifesté sa volonté de l'évincer ;
- les faits sont imprécis et prescrits ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat.
Par mémoire enregistré le 26 février 2020, le ministre du travail conclut aux mêmes fins que M. G....
Il s'en rapporte à ses écritures présentées en première instance.
Par mémoire enregistré le 24 septembre 2019, la société Cristal Distribution, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 6 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., substituant Me A... D... pour M. G... ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Cristal Distribution, spécialisée dans la distribution de produits d'hygiène aux collectivités et aux entreprises, a demandé le 17 octobre 2018 à l'inspection du travail, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. G... responsable de l'agence de Lyon, investi du mandat de délégué syndical et candidat aux élections partielles de la délégation unique du personnel des 4 et 18 mai 2018, en raison de faits d'insubordination caractérisés par son refus de respecter le transfert de comptes clients d'une employée de l'agence de Lyon vers l'agence des Ulis, à l'occasion de la réaffectation de cette employée. Pour refuser l'autorisation de licenciement sollicitée, l'inspecteur du travail dans sa décision du 23 novembre 2018, a estimé que les faits reprochés à M. G... n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Ce dernier relève appel du jugement par lequel le tribunal a annulé cette décision.
2. En application des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. En premier lieu, les articles 1er et 3 du contrat de travail de M. G... ne définissant pas le ressort de l'agence de Lyon non plus que le portefeuille des commerciaux qui lui sont rattachés, la direction nationale peut modifier comme elle l'entend le portefeuille de chaque agence sans qu'une telle opération puisse être regardée comme une modification unilatérale du contrat de travail du responsable de cette agence. Il suit de là que M. G... n'est pas fondé à soutenir que la réaffectation de la clientèle démarchée par une employée jusqu'alors rattachée à l'agence de Lyon constituerait un changement dans ses conditions de travail et que l'entreprise aurait dû en saisir l'inspection du travail.
4. En deuxième lieu, il est constant qu'au 27 septembre 2018, M. G... avait rapatrié neuf comptes à l'agence de Lyon, en violation des consignes qui lui avait été données en mars 2018. La liberté d'organisation qui lui est reconnue par les derniers paragraphes de son contrat de travail s'exerce sur les commerciaux que le siège lui rattache et dans la mesure où elle les lui rattache, tandis que le même article lui impose un devoir de mise en oeuvre des décisions du siège. Les faits fautifs d'insubordination sont donc établis. En ce qu'ils contreviennent à l'organisation mise en place par la direction de l'entreprise et font suite à deux avertissements pour des carences dans la gestion de l'agence lyonnaise, ils sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement disciplinaire. C'est, dès lors, à bon droit que le tribunal a annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement au motif de l'insuffisante gravité des faits.
5. En dernier lieu, les moyens soulevés par M. G..., tirés de ce que la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat, ainsi que des irrégularités de la consultation du comité d'entreprise, de l'imprécision et de la prescription des faits sont inopérants, dès lors que la décision en litige n'est pas fondée sur de tels motifs.
6. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 23 novembre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Cristal Distribution, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à cette fin par M. G... doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G..., au ministre du travail de l'emploi et de l'insertion et à la société Cristal Distribution.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
N° 19LY02967 2