Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société 6ème Sens Promotion a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 mai 2018 par lequel le maire de Francheville a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'édification d'un immeuble collectif à usage d'habitation sur un terrain situé Grande Rue.
Par un jugement n° 1804126 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juin 2019 et 21 septembre 2020, la société 6ème Sens Promotion, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 avril 2019 ;
2°) d'annuler le refus de permis de construire du 3 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au maire de Francheville de lui délivrer ce permis de construire dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Francheville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité pour n'avoir pas relevé d'office l'irrecevabilité des écritures de la commune faute de justification de la qualité du maire à la représenter ; la décision du maire du 19 juin 2018 concernait seulement la requête en référé-suspension ; la délibération du 17 avril 2014 n'a pas été produite ;
- les écritures en défense de la commune ne peuvent être régularisées en appel ;
- les nouveaux motifs de refus, tirés de l'engorgement du réseau dans le secteur et de la méconnaissance de l'article UD 10 sont irrecevables ;
- c'est à tort que le tribunal a validé le motif de refus de permis de construire tiré de la méconnaissance de l'article 4.4 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la Métropole de Lyon ; le maire de Francheville s'est, à tort, estimé en situation de compétence liée au regard de l'avis défavorable des services techniques de la métropole du 26 avril 2018 ; cet avis facultatif est erroné ; il ne se prononce pas sur la pertinence du procédé d'infiltration des eaux pluviales directement sur la parcelle ; la précision du mode de traitement par infiltration superficielle ou en profondeur des eaux pluviales n'est exigée par aucun texte ; le motif fondé sur l'absence d'autorisation de rejet à l'égout des eaux pluviales est erroné ;
- il incombait au maire, qui ne pouvait faire une demande de pièces complémentaires, de délivrer le permis de construire assorti d'une prescription spéciale imposant la création d'un bassin de rétention en amont, dont le dimensionnement était justifié et décrit dans l'étude de la société Equaterre ;
- le détournement de pouvoir est établi ;
- l'illégalité du motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article UD 11 sera confirmée.
Par des mémoires, enregistrés les 18 février 2020 et 14 octobre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Francheville, représentée par la SELARL Strat avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme 3 000 euros soit mise à la charge de la société 6ème Sens Promotion en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir du maire des écritures de la commune est régularisable jusqu'à la clôture d'instruction en appel ;
- les moyens soulevés sont infondés ;
- le projet méconnaît l'article UD 10.1.3.2 du règlement du PLU de la métropole et l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, motifs qui pourraient être substitués aux motifs de refus initialement opposés.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 octobre 2020 par une ordonnance du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
- les observations de Me B... pour la société 6ème Sens Promotion ainsi que celles de Me A... pour la commune de Francheville ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la société 6ème Sens Promotion, enregistrée le 23 mars 2021 ;
Considérant ce qui suit :
1. La société 6ème Sens Promotion relève appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2018 par lequel le maire de Francheville a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'édification d'un immeuble collectif à usage d'habitation sur un terrain situé Grande Rue.
Sur la régularité du jugement :
2. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) ".
3. Il ressort du dossier de première instance que la commune de Francheville a produit à l'appui de ses écritures en défense, en pièce jointe n°1, une autorisation d'ester en justice désignant un avocat afin de défendre ses intérêts en première instance et jusqu'à épuisement des voies de recours. Cette autorisation, quand bien même elle concerne seulement la requête en référé suspension introduite par la société 6ème Sens Promotion, vise les dispositions du code général des collectivités territoriales citées au point précédent ainsi qu'une délibération du conseil municipal du 17 avril 2014 portant délégation du conseil municipal au maire. En l'absence de contestation sur ce point, en s'abstenant de soulever d'office le défaut de qualité pour agir du maire de Francheville au nom de cette commune et d'avoir invité la commune à produire la délibération du 17 avril 2014, les premiers juges n'ont entaché leur jugement d'aucune irrégularité.
Sur la légalité du refus de permis de construire du 3 mai 2018 :
4. Aux termes du paragraphe 4.4 de l'article 4 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la métropole de Lyon : " La gestion des eaux pluviales est de la responsabilité du propriétaire et le rejet dans le milieu naturel est à privilégier. (...) Dans les zones pourvues d'un réseau, il n'existe pas d'obligation de collecte et de traitement des eaux pluviales par la Collectivité. Toutefois, en cas d'acceptation dans le réseau public, des dispositifs appropriés, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, peuvent être imposés afin de permettre la limitation des débits évacués et les traitements éventuels des eaux rejetées dans le réseau. / Dans les zones de limitation de l'imperméabilisation et de maîtrise des eaux de ruissellement, délimitées dans les annexes sanitaires, toute opération doit faire l'objet d'aménagement visant à limiter l'imperméabilisation des sols et à assurer la maîtrise des débits et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement. ".
5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le pétitionnaire, à l'appui de sa demande, a envisagé deux solutions alternatives de gestion des eaux pluviales à savoir soit leur infiltration directement sur la parcelle soit leur rejet dans le réseau communal avec la mise en place d'un bassin de rétention en amont, en réservant le choix de la solution la plus pertinente dans l'attente d'études géotechniques relatives à la perméabilité des sols.
6. Dans son avis technique du 26 avril 2018, produit devant le tribunal, le service d'assainissement de la métropole de Lyon, saisi du projet de demande et confirmant le sens de ses précédents avis défavorables, a indiqué que "le pétitionnaire devra préciser le mode de traitement des eaux pluviales (infiltration superficielle ou en profondeur)" et précisé que "le rejet à l'égout des eaux pluviales n'est pas autorisé".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Francheville, qui s'en est approprié le contenu, se serait estimé en situation de compétence liée par cet avis facultatif.
8. Comme l'a retenu le tribunal, le dossier de demande ne contenait aucune précision sur le dispositif envisagé pour l'infiltration retenu des eaux pluviales sur la parcelle. Si, ainsi que le soutient la société 6ème Sens Promotion, le maire de Francheville ne pouvait lui opposer cette imprécision pour solliciter la production d'une pièce complémentaire, le service instructeur ne pouvait se prononcer favorablement sur ce mode de traitement des eaux normalement privilégié. D'ailleurs, il ressort de l'étude de géotechnique réalisée par la société Equaterre à la demande de la société requérante pour un projet identique, situé sur le terrain d'assiette du projet, que l'infiltration des eaux pluviales directement sur la parcelle est impossible compte tenu de l'imperméabilisation des sols engendrés par le projet. Il en résulte, comme le préconise cette étude produite devant les premiers juges, que seule la réalisation d'un ouvrage de rétention des eaux pluviales avec rejet via les réseaux publics est envisageable.
9. Toutefois, les dispositions citées au point 4 subordonnent le rejet des eaux pluviales dans le réseau public à l'accord de la collectivité, qui n'a pas été accordé en l'espèce compte tenu de l'avis défavorable du service d'assainissement de la métropole de Lyon et des problèmes récurrents d'évacuation des eaux que connaît le secteur. Dans ces conditions, la société 6ème Sens Promotion ne peut utilement soutenir qu'il incombait au maire de délivrer le permis de construire assorti d'une prescription spéciale imposant la création d'un bassin de rétention en amont.
10. Il ressort des pièces du dossier que le maire de de Francheville aurait pris la même décision, en se fondant sur le seul motif examiné aux points 4 à 9.
11. En dernier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le refus de permis de construire, légalement justifié pour un motif d'urbanisme, ne peut être regardé comme entaché de détournement de pouvoir.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des écritures de la commune produites à hauteur d'appel, que la société 6ème Sens Promotion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du maire de Francheville du 3 mai 2018, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par la société 6ème Sens Promotion ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société 6ème Sens Promotion demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de Francheville, qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Francheville.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société 6ème Sens Promotion est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Francheville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société 6ème Sens Promotion et à la commune de Francheville.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme D... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
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N° 19LY02244