Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les hospices civils de Lyon à lui verser la somme totale de 460 370,64 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'une infection contractée à la suite d'une intervention pratiquée le 26 août 2013 à l'hôpital neurologique Pierre Wertheimer, et de mettre à la charge des hospices civils de Lyon, outre les entiers dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, agissant au nom de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, mise en cause dans l'instance, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 103 823,03 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un jugement n° 1606604 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné les hospices civils de Lyon à verser, d'une part, à Mme E... une somme de 83 052,37 euros, une rente trimestrielle de 622,41 euros couvrant les frais d'assistance par tierce personne future, une rente annuelle de 3 948,20 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, versée par trimestre échu jusqu'aux 62 ans de Mme E..., déduction faite des revenus d'activité éventuellement perçus par l'intéressée, ainsi qu'une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère une somme de 103 823,03 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2016, ainsi qu'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2019 et des mémoires enregistrés le 10 septembre 2019 et le 5 octobre 2020, les hospices civils de Lyon, représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1606604 du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme E... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère devant le tribunal administratif de Lyon ;
3°) de rejeter les conclusions présentées par Mme E... par la voie de l'appel incident.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a jugé que Mme E... avait été victime d'une infection nosocomiale et qu'ils n'invoquaient aucune cause étrangère ;
- à titre subsidiaire, les premiers juges ont procédé à une évaluation excessive des préjudices dans la mesure où les préjudices permanents subis par Mme E... ne sont pas en lien avec l'infection mais avec son état initial ;
- la complication infectieuse n'a été à l'origine d'aucun préjudice permanent dès lors que les troubles dont se plaint Mme E... sont soit les mêmes que ceux ayant justifié les investigations réalisées en juillet 2013, soit ceux habituellement rencontrés dans les suites d'une exérèse du kyste dont elle était porteuse ;
- le lien de causalité entre l'incapacité professionnelle de Mme E... et la complication infectieuse n'est pas rapporté, de sorte que les conclusions tendant à l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs doivent être rejetées ;
- il n'est pas établi que les douleurs entraînées par la mobilisation des membres inférieurs sont imputables à la complication infectieuse et justifient l'assistance par une tierce personne à raison de trois heures hebdomadaires ; à titre subsidiaire, le taux horaire retenu par le tribunal est excessif ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a fixé à 15 % le déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale de Mme E... alors qu'une grande partie des troubles actuels dont elle souffre sont exclusivement imputables à sa pathologie initiale et à la taille de la tumeur ; aucun trouble psychologique ne saurait être imputable à l'infection ;
- aucun préjudice esthétique permanent n'est imputable aux conséquences de l'infection nosocomiale ;
- le lien de causalité entre le préjudice sexuel allégué et l'infection nosocomiale n'est pas établi ; subsidiairement, l'indemnité allouée par le tribunal à ce titre est excessive ;
- l'infection nosocomiale n'a pas occasionné de préjudice d'agrément ;
- l'indemnité accordée au titre du déficit fonctionnel temporaire n'est pas insuffisante ;
- l'indemnité accordée au titre des souffrances endurées n'est pas insuffisante ;
- il n'est pas établi que les dépenses de santé futures alléguées sont nécessaires ni qu'elles sont imputables aux complications infectieuses ;
- l'indemnité accordée au titre d'un déficit fonctionnel permanent de 15 %, dont le taux est contesté, n'est pas insuffisante.
Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, ayant pour mandataire la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par Me D..., conclut à la confirmation du jugement n° 1606604 du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des hospices civils de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité des hospices civils de Lyon doit être retenue au titre de l'infection nosocomiale contractée par Mme E... dans les suites de l'opération du 26 août 2013 ;
- ses débours définitifs s'élèvent à la somme de 103 823,03 euros ;
- elle est fondée à solliciter la confirmation de la condamnation des hospices civils de Lyon à lui payer la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2020, Mme E..., représentée par Me B..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n° 1606604 du 9 avril 2019 en ce que le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;
3°) à ce que les hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser la somme totale de 521 723,87 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale ;
4°) subsidiairement, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée avant-dire droit ;
5°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des hospices civils de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses conclusions présentées à titre incident sont recevables ;
- l'infection qu'elle a contractée présente un caractère nosocomial ; aucune cause étrangère n'est avancée ; le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité sans faute des hospices civils de Lyon ;
- elle a droit, au titre des préjudices patrimoniaux temporaires :
* à la somme de 95 euros au titre des séances d'acupuncture qui sont restées à sa charge et rendues nécessaires par l'apparition de tendinites causées par la prise du traitement antibiotique destiné à lutter contre l'infection ;
* à la somme de 379 euros au titre des frais de médecin conseil ;
* à la somme de 228 euros au titre des frais de transport pour se rendre aux opérations de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ;
* à la somme de 5 508 euros, subsidiairement de 5 328,07 euros, au titre des frais d'assistance par une tierce personne avant consolidation ;
* à la somme de 7 523,31 euros au titre de la perte de revenus qu'elle a subie durant une période de 361 jours, déduction faite du montant net des indemnités journalières qui lui ont été versées ;
- elle a droit, au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
* à la somme de 2 689,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel qu'elle a subi ;
* à la somme de 16 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées par les experts à 4 sur une échelle de 7 ;
* à la somme de 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évalué par les experts à 2,5 sur une échelle de 7 ;
- les séquelles qu'elle présente, liées à des douleurs cervicales et des troubles neuropsychologiques de stress, sont essentiellement dues à l'infection nosocomiale qui a causé une ostéite du volet de la fosse postérieure ayant nécessité la reprise totale de la cicatrice au niveau occipital avec parage et ablation du volet ;
- elle a droit, au titre des préjudices patrimoniaux permanents :
* à la somme capitalisée de 22 526,63 euros au titre des dépenses de santé futures, liées à des frais de thérapie psychologique, de séances d'ostéopathie et d'acupuncture, qui restent à sa charge ;
* à la somme capitalisée de 93 631,36 euros, subsidiairement de 90 838,42 euros, au titre des frais d'assistance futurs par une tierce personne, à raison de trois heures par semaine ;
* à la somme capitalisée de 316 936,31 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, après déduction des indemnités journalières et de la pension d'invalidité versées ;
* à la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle ;
- elle a droit, au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
* à la somme de 23 550 euros au titre du déficit fonctionnel permanent en lien avec l'infection ;
* à la somme de 2 250 euros au titre du préjudice esthétique permanent, évalué par les experts à 1,5 sur une échelle de 7 ;
* à la somme de 5 000 euros au titre du préjudice sexuel subi en raison de douleurs cervicales et de céphalées ;
* à la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément subi dès lors qu'elle est empêchée de pratiquer la course à pied et ne pratique que peu la randonnée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me B..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a subi, le 26 août 2013, une intervention chirurgicale à l'hôpital Pierre Wertheimer, dépendant des hospices civils de Lyon, pour l'exérèse d'un volumineux kyste épidermoïde de la fosse postérieure, responsable de céphalées avec vertiges et de vomissements. Les suites opératoires ont été marquées par l'apparition d'un retard de cicatrisation avec un écoulement cicatriciel qui a nécessité une nouvelle hospitalisation du 19 septembre 2013 au 7 octobre 2013. Des analyses ont révélé une infection par staphylocoque doré multi-sensible, traité par antibiothérapie. Au vu de douleurs cicatricielles associées à une tuméfaction occipitale puis à un écoulement purulent au niveau de la cicatrice, une seconde intervention chirurgicale, pratiquée le 4 janvier 2014, a conduit au parage de la cicatrice et à l'ablation du volet osseux puis à l'administration d'une antibiothérapie. Le 18 novembre 2015, Mme E... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes d'une demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de sa prise en charge au sein des hospices civils de Lyon. Cette commission a ordonné une expertise confiée à un collège d'experts composé du docteur Berthelot, neurochirurgien, et du docteur Marty, infectiologue. A la suite du dépôt du rapport d'expertise le 1er avril 2016, la commission s'est prononcée, dans son avis du 10 mai 2016, en faveur d'une indemnisation par l'assureur des hospices civils de Lyon des conséquences des complications imputables à une infection nosocomiale. L'assureur des hospices civils de Lyon a fait une offre à Mme E..., qui ne l'a pas acceptée et a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande indemnitaire. Par un jugement du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné les hospices civils de Lyon, d'une part, à verser à Mme E... une somme de 83 052,37 euros ainsi qu'une une rente trimestrielle couvrant les frais d'assistance par tierce personne future et une rente annuelle au titre de la perte de gains professionnels futurs et, d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère une somme de 103 823,03 euros au titre de ses débours. Les hospices civils de Lyon relèvent appel de ce jugement et Mme E... conclut, par la voie de l'appel incident, à ce que la somme que les hospices civils de Lyon ont été condamnés à lui verser soit portée à 521 723,87 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les hospices civils de Lyon, en se bornant à soutenir sans autre précision que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé, n'assortissent pas leur moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Ce moyen doit donc être écarté.
Sur la responsabilité des hospices civils de Lyon :
3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise cité au point 1, que les premiers signes de l'infection dont a été victime Mme E..., consistant en une intensification de céphalées associées à un écoulement de la cicatrice, se sont manifestés le 18 septembre 2013, soit vingt-trois jours après l'intervention d'exérèse d'un kyste épidermoïde de la fosse supérieure qu'elle a subie le 26 août 2013. A ce titre, les experts précisent que l'infection a très probablement eu lieu au cours de l'opération, la contamination pouvant alors se faire à partir de la peau du patient autour du site opératoire, et concluent que l'ostéite du volet de la fosse supérieure à staphylocoque doré dont a été victime Mme E... constitue une infection à caractère nosocomial. Si les hospices civils de Lyon soutiennent dans leur requête que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que Mme E... avait été victime d'une infection nosocomiale et qu'ils n'invoquaient aucune cause étrangère, ils n'apportent aucun élément de nature à contester l'origine nosocomiale de cette infection, ni à établir qu'elle aurait été causée par un événement présentant un caractère d'extériorité. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'infection contractée par Mme E... présentait un caractère nosocomial de nature à engager la responsabilité des hospices civils de Lyon à raison des préjudices résultant directement de cette infection.
Sur l'évaluation des préjudices de Mme E... :
5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que la date de consolidation de l'état de santé de Mme E... en lien avec l'infection nosocomiale dont elle a été victime doit être fixée au 19 septembre 2014.
En ce qui concerne les préjudices temporaires :
Quant aux préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
6. La somme de 95 euros allouée par le tribunal au titre de frais restés à la charge de Mme E... et liés à des séances d'acupuncture ayant pour objet de traiter des tendinites causées par la prise de son traitement antibiotique n'est pas contestée en appel.
S'agissant des frais divers :
7. Il y a lieu de confirmer les sommes de 379 euros au titre des honoraires d'assistance d'un médecin conseil exposés par Mme E... et de 228 euros au titre des frais de déplacement pour participer aux opérations de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, qui ne sont pas contestées en appel par les parties.
S'agissant de l'assistance par une tierce personne :
8. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les complications imputables à l'infection nosocomiale contractée par Mme E... ont nécessité qu'elle soit assistée d'une tierce personne à raison de cinq heures par semaine du 7 octobre 2013 au 4 janvier 2013 puis du 10 avril 2014 au 16 septembre 2014, soit durant trente-cinq semaines, et d'une heure par jour durant la période du 17 janvier 2014 au 9 avril 2014, soit durant quatre-vingt-deux jours, au cours de laquelle elle a bénéficié d'une hospitalisation à domicile puis de la poursuite de l'antibiothérapie. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. En outre, dès lors qu'il résulte de l'expertise que l'aide par une tierce personne consiste en une aide-ménagère, laquelle peut être fournie par un personnel non spécialisé, c'est à bon droit que les premiers juges ont calculé la somme à allouer à Mme E... à partir d'un taux horaire de 13,50 euros, légèrement supérieur au coût horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré des cotisations sociales en 2013 et en 2014, lequel s'élevait alors à 13,27 euros et tenant compte ainsi des majorations de rémunération pour travail du dimanche, et non à partir d'un taux horaire de 21 euros, comme le prétend l'intimée. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient Mme E..., les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice en lui allouant, à ce titre, une somme de 3 997,93 euros.
S'agissant de la perte de gains professionnels avant consolidation :
9. Mme E..., qui exerçait la profession d'assistante maternelle depuis 2005, fait valoir qu'elle n'a pas pu reprendre son activité professionnelle en raison de douleurs cervicales, de vertiges et de l'impossibilité pour elle de porter des charges, et qu'elle a subi, jusqu'à la consolidation de son état de santé, une perte de revenus s'élevant, compte tenu de ses revenus antérieurs et après déduction des indemnités journalières qui lui ont été versées, à la somme de 7 523,31 euros.
10. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que Mme E... présentait des vertiges et une sensation de déséquilibre à la marche avant l'exérèse du kyste épidermoïde et que les douleurs cervicales qu'elle ressent à la jonction cranio-rachidienne sont habituelles dans la chirurgie des tumeurs de la fosse postérieure, qui nécessite l'ouverture de la région occipitale ainsi que le dégagement de la partie supérieure du rachis cervical pour pouvoir procéder à l'écartement des muscles. Ces indications sont corroborées par le rapport médical critique, établi par un neurochirurgien et produit pour la première fois en appel par les hospices civils de Lyon, qui relève, en s'appuyant sur la littérature médicale, que les céphalées persistantes sont une complication connue et fréquente à la suite d'une chirurgie d'exérèse d'une telle tumeur et sont liées à la voie d'abord utilisée pour ce type d'intervention. Ce même rapport mentionne que la reprise chirurgicale du 4 janvier 2014, liée à l'infection nosocomiale et destinée à procéder à l'ablation du volet osseux, a utilisé la même voie d'abord que celle de l'intervention initiale, les mêmes tissus ayant été incisés, de sorte que cette intervention n'a pas modifié significativement les douleurs ressenties par l'intéressée. En outre, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'expertise, que l'impossibilité pour Mme E... d'exercer une activité nécessitant de soulever des charges, serait directement liée à l'infection nosocomiale qu'elle a contractée.
11. Dans ces conditions, si Mme E... fait valoir que les troubles dont elle fait état l'ont empêchée de reprendre son activité d'assistante maternelle nécessitant d'être réactif et de porter les enfants, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'en l'absence d'infection nosocomiale elle aurait pu, compte tenu de ce que de tels troubles sont liés à sa pathologie initiale, reprendre son activité d'assistante maternelle ou une autre activité professionnelle.
12. Par suite, en l'absence de lien de causalité entre l'infection nosocomiale dont elle a été atteinte et l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de reprendre le travail, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont indemnisé une perte de revenus avant consolidation à hauteur d'une somme de 7 341,19 euros, non contestée en appel par les hospices civils de Lyon.
Quant aux préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
13. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que Mme E... a subi, en lien avec l'infection, un déficit fonctionnel temporaire total durant les périodes d'hospitalisation du 19 septembre 2013 au 7 octobre 2013, puis du 4 janvier 2014 au 17 janvier 2014, soit durant 31 jours, et partiel, à hauteur de 30 % du 18 janvier 2014 au 9 avril 2014, soit durant 81 jours, et de 25 % du 8 octobre 2013 au 5 janvier 2014 puis du 10 avril 2014 au 16 septembre 2014, soit durant 248 jours. Si Mme E... sollicite la somme de 2 689,20 euros sur la base de 24 euros par jour pour une incapacité totale, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de son préjudice en fixant son indemnisation à 1 462 euros.
S'agissant des souffrances endurées :
14. Il résulte de l'instruction que l'infection nosocomiale a nécessité deux hospitalisations, dont la seconde a conduit à une reprise chirurgicale consistant en un parage de la cicatrice avec une ablation de volet osseux, une antibiothérapie sur une période de plusieurs mois, dont l'un des traitements administrés a entraîné des tendinites au niveau du talon d'Achille, et a en outre été à l'origine de souffrances morales. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice, évalué à 4 sur 7 par les experts, en fixant son indemnisation à 7 200 euros. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à solliciter la somme de 16 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
15. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice esthétique temporaire, évalué à 2,5 sur 7 par les experts, en allouant à ce titre à Mme E... une somme de 1 800 euros, non contestée par les hospices civils de Lyon.
En ce qui concerne les préjudices permanents :
Quant aux préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
16. Mme E... fait valoir qu'elle demeure affectée de troubles neuropsychologiques de stress et de douleurs liées à une raideur de la nuque qui nécessitent une prise en charge psychologique ainsi que des séances d'ostéopathie et d'acupuncture dont les frais restent à sa charge. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 10, il ne résulte pas de l'instruction que les douleurs cervicales dont souffre Mme E..., qui constituent une complication habituelle à la suite d'une chirurgie d'exérèse d'une tumeur de la fosse postérieure, seraient directement liées à l'infection nosocomiale qu'elle a contractée. En outre, s'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise et du rapport médical critique, que l'état de stress dont souffre Mme E... peut être regardé comme trouvant, pour partie, son origine dans les suites de l'infection nosocomiale et de l'état d'anxiété lié à la reprise chirurgicale qu'elle a nécessitée, l'intéressée soutient elle-même que le coût des séances de thérapie psychologique qu'elle a suivies au centre antidouleur de l'hôpital de la Croix-Rousse était intégralement pris en charge. Elle ne justifie pas qu'il lui était indispensable de suivre parallèlement à cette prise en charge, au cours de l'année 2015, des séances auprès d'un psychologue exerçant à titre libéral et dont elle indique que le coût des consultations serait resté à sa charge. Dès lors, Mme E... n'est pas fondée à solliciter la somme capitalisée de 22 526,63 euros qu'elle réclame au titre de dépenses de santé futures.
S'agissant de l'assistance par une tierce personne :
17. Mme E... fait valoir, en se fondant sur les conclusions de l'expertise, qu'en raison de douleurs entraînées par la mobilisation des membres supérieurs à l'effort, en particulier lors du soulèvement et du port de charges, son état de santé requiert l'assistance d'une tierce personne dans les activités ménagères à raison de trois heures par semaine. Toutefois, alors que les experts relèvent, comme il a été dit précédemment, que les douleurs cervicales sont des complications connues à la suite de l'exérèse d'une tumeur de la fosse postérieure, ils n'apportent aucun élément de nature à justifier l'imputabilité, même partielle, de ces douleurs à la complication infectieuse. En outre, il résulte du rapport médical critique produit par les hospices civils de Lyon en appel que les douleurs qui justifient le recours à l'assistance d'une tierce personne sont imputables à l'exérèse de la tumeur cérébrale en elle-même et en particulier à la voie d'abord sous-occipitale. Dans ces conditions, les hospices civils de Lyon sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont condamnés à verser à Mme E... une indemnité ainsi qu'une rente au titre de l'assistance par une tierce personne.
S'agissant de la perte de gains professionnels :
18. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, il résulte de l'instruction que les séquelles dont souffre Mme E..., liées à des vertiges, des douleurs cervicales et à l'impossibilité de porter de lourdes charges, et qui l'empêchent de reprendre son activité professionnelle d'assistante maternelle, sont imputables à sa pathologie initiale et non à l'infection nosocomiale. Dans ces conditions, les hospices civils de Lyon sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont condamnés à verser à Mme E... une somme de 25 066,25 euros et une rente annuelle au titre des pertes de revenus professionnels.
S'agissant de l'incidence professionnelle :
19. Dès lors que les séquelles de la chirurgie d'exérèse du kyste épidermoïde suffisaient à empêcher Mme E... d'exercer son activité antérieure d'assistante maternelle ainsi que toute activité imposant en particulier le port de charges, et qu'aucune séquelle imputable à l'infection nosocomiale n'aggrave son préjudice professionnel caractérisé par la nécessité d'une reconversion sur un emploi ne nécessitant pas des efforts de soulèvement, le préjudice d'incidence professionnelle allégué n'ouvre pas droit à indemnisation.
Quant aux préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
20. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise et du rapport médical critique, que Mme E... souffre de troubles dépressifs en rapport avec un stress post-traumatique consécutif, pour partie, au traitement antibiotique prolongé et aux deux hospitalisations supplémentaires qu'elle a subies du fait syndrome infectieux. Il résulte également du rapport d'expertise que l'intéressée souffre de tendinites achilléennes, consécutives à l'un des traitements antibiotiques qui lui a été administré pour lutter contre l'infection. En revanche, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut, le lien de causalité entre les céphalées et raideurs de la nuque dont souffre Mme E... et l'infection nosocomiale n'est pas rapporté. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le déficit fonctionnel permanent résultant de l'infection nosocomiale doit être évalué à 7 %. Compte tenu de l'âge de Mme E..., née en 1959, à la date de consolidation de son état de santé en lien avec cette infection, il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale en ramenant l'indemnité de 19 815 euros allouée par les premiers juges à la somme de 7 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique permanent :
21. Si les experts ont retenu un préjudice esthétique permanent de 1,5 sur une échelle de 7, lié au port intermittent d'un collier et à une mobilité cervicale réduite, ce préjudice, imputable aux douleurs cervicales de l'intéressée ne saurait être lié, pour les motifs déjà énoncés, aux conséquences de l'infection nosocomiale. Par suite, les hospices civils de Lyon sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont condamnés à verser à Mme E... une somme de 2 500 euros à ce titre.
S'agissant du préjudice sexuel :
22. Si Mme E... fait valoir que les douleurs cervicales et céphalées dont elle souffre sont à l'origine d'un préjudice sexuel, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que ces troubles, consécutifs à la pathologie initiale, trouveraient leur origine dans l'infection nosocomiale.
S'agissant du préjudice d'agrément :
23. Si les experts ont relevé que Mme E... ne pouvait plus pratiquer la course à pied et que la randonnée était limitée, il ne résulte pas de l'instruction que ces activités physiques de loisirs auraient pu être poursuivies malgré les séquelles de la chirurgie d'exérèse du kyste épidermoïde, et que leur privation serait ainsi imputable à l'infection nosocomiale. A cet égard, les experts relèvent que Mme E... était déjà restreinte dans ces activités préalablement à l'intervention du fait de vertiges. Par suite, les hospices civils de Lyon sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont condamnés à verser à Mme E... une somme de 500 euros à ce titre.
24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que les hospices civils de Lyon sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon les a condamnés à verser à Mme E... une rente trimestrielle de 622,41 euros au titre de l'assistance par tierce personne future ainsi qu'un rente annuelle de 3 948,20 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et à demander que l'indemnité qu'ils ont été condamnés à verser à Mme E... par le jugement attaqué, soit ramenée de 83 052,37 euros à 29 503,12 euros. Les conclusions d'appel incident présentées par Mme E... doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés au litige :
25. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1606604 du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : La somme de 83 052,37 euros que les hospices civils de Lyon ont été condamnés à verser Mme E... par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 avril 2019 est ramenée à 29 503,12 euros.
Article 3 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des hospices civils de Lyon et les conclusions de Mme E... sont rejetés.
Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux hospices civils de Lyon, à Mme A... E..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.
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N° 19LY02390