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27/05/2021 | FRANCE | N°19LY01711

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 27 mai 2021, 19LY01711


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Nebihu a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société d'équipement du Rhône et de Lyon (SERL) à lui verser la somme de 37 315,29 euros au titre de prestations impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa mise en demeure le 7 décembre 2012, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir et la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1701850 du 4 a

vril 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Nebihu a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société d'équipement du Rhône et de Lyon (SERL) à lui verser la somme de 37 315,29 euros au titre de prestations impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa mise en demeure le 7 décembre 2012, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir et la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1701850 du 4 avril 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 mai 2019 et le 17 juillet 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Nebihu, représentée par la SELARL A..., avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la SERL à lui payer la somme de 37 315,29 euros au titre de prestations impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa mise en demeure le 7 décembre 2012, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de condamner la SERL à lui verser une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de la SERL la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SERL, qui a été informée à temps de l'existence d'une créance du sous-traitant à l'égard de l'entrepreneur principal qui lui avait donné son autorisation pour payer directement son sous-traitant, ne peut refuser le paiement direct ;

- le changement de position de l'entrepreneur principal qui s'est de mauvaise foi ravisé bien après la fin de la réalisation des travaux au motif que les prestations n'auraient pas été réalisées, ne pouvait autoriser la SERL à s'abstenir de tout paiement alors qu'elle savait que la société Nebihu avait la qualité de sous-traitant, qu'elle avait déjà payé une partie de ses factures et qu'elle ne pouvait ignorer la part du marché exécutée ; la SERL, qui aurait dû séquestrer les fonds dans l'attente du règlement du litige l'opposant à l'entrepreneur principal, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le décompte général définitif, qui a été signé par le liquidateur sans justifier être compétent et alors qu'il existait une contestation sur le paiement de ses travaux, a été obtenu par fraude et ne lui est pas opposable ;

- elle est fondée à demander réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive de la SERL à lui régler cette somme depuis septembre 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, la métropole de Lyon, venant aux droits de la SERL et du département du Rhône, représentée par la SELAS Adamas, avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Nebihu, outre les entiers dépens, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- en se prévalant, pour la première fois en appel, d'une faute distincte de la SERL qui n'aurait pas séquestré les fonds, ce qui aurait engendré son préjudice et donc engagerait la responsabilité du maître d'ouvrage, la société Nebihu présente des conclusions nouvelles qui sont irrecevables ;

- la société Nebihu ne peut plus réclamer des sommes au titre d'un marché dont le décompte général est devenu définitif ;

- elle n'avait aucun droit au paiement direct ;

- les sommes demandées ne correspondent pas à la réalité des prestations effectuées sur le chantier.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Nebihu et de celles de Me B..., représentant la métropole de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la construction du musée des confluences, la société d'équipement du Rhône et de Lyon (SERL), maître d'ouvrage délégué agissant pour le compte du département du Rhône, a attribué à la société Sud Est Plâtre SN le lot F05 relatif à des travaux de plâtrerie, cloison sèche et doublage. La SERL a accepté en février 2012 qu'une partie de ces travaux soit sous-traitée à la société Nebihu et a agréé les conditions de paiement direct de ce sous-traitant jusqu'à, en dernier lieu, la somme de 125 113,30 euros HT. La SERL a réglé l'ensemble des factures présentées par la société Nebihu, dans la limite de ce montant. Après le refus de la SERL de lui verser le reliquat de sa facture de septembre 2012, de 37 315,29 euros TTC, opposé au motif que ce montant dépassait le seuil qu'elle avait agréé, la société Nebihu a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à ce que la SERL soit condamnée à lui verser, d'une part, en rémunération des prestations qu'elle a réalisées dans le cadre de sa participation en qualité de sous-traitant au marché conclu avec la société Sud Est Plâtre SN, cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2012, et, d'autre part, une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du refus abusif de la SERL de lui régler cette somme. La société Nebihu relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

2. Il résulte des dispositions des articles 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que l'obligation de payer les prestations réalisées par un sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées incombe au maître d'ouvrage. En cas de désaccord sur les sommes dues, le sous-traitant peut engager, devant le juge administratif si le contrat principal est administratif, une action en paiement direct, dont l'objet n'est pas de poursuivre sa responsabilité quasi-délictuelle, mais d'obtenir le paiement des sommes qu'il estime lui être dues.

Sur l'action en paiement direct :

3. Le paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, pour la part du marché dont il assure l'exécution, est subordonné à la double condition que, sur la demande de l'entrepreneur principal, le sous-traitant ait été accepté par lui et qu'il ait agréé les conditions de paiement du contrat de sous-traitance. L'article 114 du code des marchés publics, alors en vigueur, déterminait les conditions dans lesquelles intervient cet agrément. Le sous-traitant n'est pas en droit de prétendre au paiement direct par le maître d'ouvrage, sur le fondement de la loi du 31 décembre 1975, des travaux exécutés antérieurement à la date à compter de laquelle le contrat de sous-traitance a été agréé par le maître d'ouvrage.

4. Il ressort des pièces du dossier que la SERL a expressément accepté le 22 février 2012 la société Nebihu en qualité de sous-traitante de la société Sud Est Plâtre SN et agréé les conditions de paiement du contrat de sous-traitance dans la limite de 50 000 euros HT. Cette somme a été portée, à la demande de la société Sud Est Plâtre SN, à 100 000 euros HT le 22 juin 2012, puis à 125 113,30 euros HT le 27 novembre 2012.

5. La société Nebihu a demandé le 7 décembre 2012 à la SERL de lui régler les factures relatives aux situations de septembre, pour un reliquat de 37 315,29 euros TTC, et d'octobre 2012, pour un montant de 30 035,51 euro TTC. Le règlement intégral de ces factures aurait cependant entrainé un dépassement de 37 315,29 euros du plafond de paiement agréé le 27 novembre 2012. La société Nebihu se prévalant au soutien de sa demande d'une nouvelle modification du contrat de sous-traitance, signée par elle et la société Sud Est Plâtre SN le 27 novembre 2012, portant sur cette somme, la SERL a interrogé la société Sud Est Plâtre SN sur cette pièce présentée par son sous-traitant. Par courrier du 19 décembre 2012, la société Sud Est Plâtre SN lui a indiqué que le reliquat de la facture de septembre 2012 d'un montant de 37 315,29 euros, objet de la nouvelle déclaration de sous-traitance, serait joint à sa prochaine situation de travaux et ferait également l'objet d'un paiement direct par la SERL. Toutefois, par courrier du 28 janvier 2013, après vérification faite sur place, la société Sud Est Plâtre SN a indiqué à la société Nebihu que ses prestations n'avaient pas été achevées et que les métrages figurant sur certaines factures étaient bien supérieurs à la réalité. Elle a adressé un courrier le même jour à la SERL lui indiquant qu'en conséquence le reliquat de la facture de septembre 2012 ne devait pas lui être réglé.

6. A supposer même que le courrier du 19 décembre 2012 de la société Sud Est Plâtre SN puisse s'analyser comme une demande adressée par l'entrepreneur principal au maître de l'ouvrage de modification du montant de la sous-traitance agréé et qu'en conséquence le silence de la SERL pendant vingt et un jours à compter de la réception de ce document ait valu agrément de ce nouveau montant, la société Nebihu ne pourrait prétendre, sur la base de cet agrément, au paiement direct de travaux exécutés antérieurement à la date d'agrément. Par suite, c'est à bon droit que la SERL a rejeté sa demande de paiement direct. La société Nebihu ne peut, dans ces conditions, utilement faire valoir que l'entrepreneur principal ne s'est pas opposé dans le délai de quinze jours au règlement de cette facture, que la SERL a accepté de régler en partie la facture de septembre 2012 et que le motif qui a conduit l'entrepreneur principal à demander à la SERL de ne pas procéder au règlement direct de ce reliquat de facture n'était pas fondé.

Sur la responsabilité quasi délictuelle :

7. Aux termes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ; / (...) ".

8. Pour réclamer devant le tribunal le paiement de la somme de 37 315,29 euros, la société Nebihu s'est bornée à demander le paiement des sommes qu'elle estimait lui être dues en application de l'article 6 précité de la loi du 31 décembre 1975. Si elle a fait mention des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, elle n'en a tiré aucune conséquence quant au fondement de sa demande et le tribunal n'a, en conséquence, en s'abstenant de se prononcer sur un tel fondement, pas entaché son jugement d'irrégularité.

9. Devant la cour, la société Nebihu soutient pour la première fois que la SERL a commis une faute de nature à engager sa responsabilité car alors qu'elle avait déjà acquitté une partie de ses factures, car elle n'ignorait ni sa qualité de sous-traitant, ni la part du marché déjà exécutée. La société Nebihu en conclut que la SERL aurait dû séquestrer les fonds dans l'attente du règlement du litige l'opposant à l'entrepreneur principal. Toutefois, ces conclusions, qui reposent sur une cause juridique distincte de l'action en paiement direct seule intentée devant le tribunal, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables, ainsi que le fait valoir la métropole de Lyon qui leur oppose à bon droit une fin de non-recevoir pour ce motif.

Sur la responsabilité délictuelle :

10. La société Nebihu ne pouvant prétendre au paiement direct de la somme de 37 315,29 euros, elle n'est pas fondée à soutenir que la SERL a commis une faute en refusant abusivement de lui verser cette somme. Par suite, sa demande indemnitaire tendant à ce que la SERL lui verse une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice ainsi subi ne peut qu'être rejetée.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Nebihu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à sa charge une somme à verser à la métropole de Lyon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En l'absence de dépens, les conclusions de la métropole de Lyon tendant à ce que soit mis à la charge de la société Nebihu les entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Nebihu et les conclusions présentées par la métropole de Lyon au titre des frais d'instance et des dépens sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nebihu et à la métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.

2

N° 19LY01711


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01711
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix. Rémunération des sous-traitants.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : ZERBO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-27;19ly01711 ?
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