Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 46 629,50 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant d'un accident médical non fautif survenu au centre hospitalier universitaire Grenoble, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1702160 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 24 janvier 2020, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702160 du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 46 629,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2016 et la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère.
Il soutient que :
- l'évolution post-opératoire a présenté un caractère anormal par rapport à son état de santé initial et par rapport à l'évolution prévisible de l'intervention chirurgicale réalisée ; la rupture constatée en postopératoire, de stade III, n'est pas comparable avec la lésion ayant justifié la chirurgie, alors de stade I ;
- la rupture de la suture chirurgicale constitue ainsi un risque anormal de la chirurgie et s'avère directement imputable à un acte de soins, en l'occurrence la rééducation postopératoire ;
- il ne s'agit pas d'un échec thérapeutique ;
- il a droit à :
* la somme de 1 426 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et la somme de 2 679,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % ;
* la somme de 6 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 3 sur une échelle de 7 ;
* la somme de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* la somme de 23 550 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
* la somme de 11 974 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, entre le 14 novembre 2014 et le 1er avril 2016 et de l'incidence professionnelle, compte tenu de la somme de 71 797 euros qui lui a été versée au titre de la rente d'accident du travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2020, l'ONIAM, représenté par Me de la Grange conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, le dommage subi par M. E... résulte de l'évolution spontanée et prévisible de son état de santé antérieur et non de la survenue d'un accident médical non fautif ; il n'est pas établi avec certitude que la rupture soit imputable à un acte de rééducation ;
- il n'a pas vocation à intervenir pour indemniser les conséquences dommageables d'un échec thérapeutique ;
- à titre subsidiaire, le dommage présenté par M. E... n'est pas anormal au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
La procédure a été communiquée à la CPAM du Rhône, venant aux droits de la CPAM de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me C..., représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a présenté, au cours de l'année 2012, des douleurs de l'épaule droite qui ont conduit à diagnostiquer, le 17 décembre 2012, une rupture perforante de la coiffe de l'épaule droite, des lésions fissuraires longitudinales de la moitié supérieure du muscle sub-scapulaire ainsi qu'une rupture distale de stade I du tendon du muscle supra-épineux. Le 6 février 2013, M. E... a subi une intervention au centre hospitalier universitaire de Grenoble, au cours de laquelle ont été constatées une rupture du supra-épineux avec une brèche de 2 à 5 cm² ainsi qu'une tendinite du long biceps effiloché. M. E... a bénéficié, d'une part, d'une réinsertion trans-osseuse de la coiffe des rotateurs avec acromioplastie et, d'autre part, une ténodèse du tendon du long biceps. A la suite de complications postopératoires, une reprise chirurgicale a été pratiquée le 25 mars 2013 à l'occasion de laquelle a été constatée un tendon du muscle supra-épineux de très mauvaise qualité, présentant un aspect de rupture itérative, en forme de " U ". Malgré cette reprise chirurgicale, le 13 mai 2013, un examen d'imagerie par résonnance magnétique a mis en évidence une rupture itérative, de stade II, du muscle supra-épineux. Une rupture complète, correspondant à un stade III, du supra-épineux, en " U ", a été constatée lors de la réalisation, le 28 octobre 2013, d'un nouvel examen d'imagerie. M. E..., se plaignant notamment de douleurs résiduelles intenses avec une épaule enraidie, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de la région Rhône-Alpes d'une demande d'indemnisation. Par un avis du 6 avril 2016, rendu après une expertise médicale confiée au professeur Asencio, chirurgien orthopédique, et au docteur Arich, infectiologue, cette commission a estimé que la rupture de la suture chirurgicale du muscle supra-épineux résultait d'un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale en application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ayant refusé de faire une offre d'indemnisation au motif que le dommage subi relèverait d'un échec thérapeutique, M. E... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à ce que la réparation de ses préjudices en lien avec la rupture itérative du muscle supra-épineux soit mise à la charge de l'Office. M. E... relève appel du jugement du 15 octobre 2019 par le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun. Les conclusions de M. E... tendant à ce que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère soit appelée en déclaration de jugement commun doivent dès lors être accueillies. La CPAM du Rhône, venant aux droits de la CPAM de l'Isère, a été régulièrement mise en cause dans la présente instance. En conséquence, il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse.
Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. (...) ".
4. Il résulte des dispositions combinées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et de l'article D. 1142-1 du même code que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit notamment être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.
5. Il en va ainsi des troubles, entraînés par un acte médical, survenus chez un patient de manière prématurée, alors même que l'intéressé aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie. L'article L. 1142-1 du code de la santé publique fait obstacle, en l'absence de certitude quant au terme auquel des troubles seraient apparus en l'absence d'accident, à ce que leur réparation par la solidarité nationale soit limitée jusqu'à une telle échéance.
6. L'intervention subie par M. E... le 6 février 2013 de réinsertion trans-osseuse de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite a fait suite au diagnostic d'une rupture de stade I du tendon du muscle supra-épineux. Des complications survenues dans les suites immédiates de cette intervention, laissant supposer l'apparition d'un sepsis, ont nécessité une reprise chirurgicale, pratiquée le 25 mars 2013, au cours de laquelle l'opérateur a constaté la très mauvaise qualité du muscle supra-épineux, atrophié et effiloché, avec un aspect de nouvelle rupture, et la présence superficielle de nombreuses fausses membranes qui ont alors été enlevées. Ainsi qu'il a été dit au point 1, en dépit de cette reprise, des examens d'imagerie médicale ont mis en évidence, le 13 mai 2013, une rupture du muscle supra-épineux de stade II, puis, le 28 octobre 2013, une rupture complète, avec un moignon rétracté sur plus de 3 cm et des remaniements dégénératifs de l'articulation acromio-claviculaire. Une rupture transfixiante étendue du supra-épineux droit est confirmée le 3 octobre 2014. Il résulte de l'instruction, en particulier des indications issues de l'expertise ordonnée par la CRCI de Rhône-Alpes et du rapport médical critique produit par l'ONIAM, que la rupture de la suture chirurgicale constitue une complication connue dans les suites d'une chirurgie de la coiffe des rotateurs qui survient, selon la littérature médicale, dans 25 % à 35 % des cas.
7. Il résulte de l'instruction, en particulier de la chronologie des faits et des indications fournies tant dans la fiche récapitulative annexée au rapport de l'expertise ordonnée par la CRCI que dans l'avis médical produit par M. E..., que la rupture secondaire du muscle supra-épineux dont a été victime le requérant, survenue rapidement après l'intervention initiale et ayant évolué vers une pathologie dégénérative de son épaule droite, a résulté de la réalisation du risque de complication, inhérent à cette intervention. Il résulte de l'instruction, notamment des mentions rapportées par les experts mandatés par la CRCI dans la fiche récapitulative de conclusions de leur rapport, et non sérieusement contredites par l'ONIAM, que le dommage subi par M. E... est directement lié à l'intervention qu'il a subie et imputable à hauteur de " 100 % " au risque de complication qui s'est réalisé. Dans ces conditions, la nouvelle rupture de la coiffe des rotateurs, qui s'est aggravée après un délai de seulement quelques mois, ne constitue pas la simple conséquence de l'évolution de l'état antérieur ni un échec thérapeutique de la chirurgie qui a été entreprise, dès lors que celle-ci n'a pas seulement échoué à éviter le dommage mais l'a aggravé, et doit, dès lors, être regardée comme résultant d'un accident médical non fautif.
8. Si l'ONIAM fait valoir, en se fondant sur l'analyse médicale qu'il verse au débat, que l'état de M. E... aurait, sans les interventions pratiquées le 6 février 2013 et le 25 mars 2013, évolué vers une raideur de l'épaule associée à une limitation des amplitudes articulaires comparable à celle qu'il a présentée après ces interventions, il résulte toutefois de l'instruction, notamment de l'avis médical produit par M. E... pour la première fois en appel, que le geste chirurgical pratiqué le 6 février 2013 a précipité et accéléré l'évolution dégénérative de son épaule droite, passant, avant cette intervention, d'une lésion de stade I à une lésion de stade II en mai 2013, puis de stade III en octobre 2013 alors qu'une évolution spontanée, sans intervention chirurgicale, aurait été plus lente, de l'ordre de plusieurs années. Dès lors, eu égard à cette survenue prématurée des troubles affectant l'épaule droite de l'intéressé, les conséquences de l'intervention devaient être regardées comme notablement plus graves que les troubles auxquels M. E... était exposé de manière suffisamment probable, alors même qu'il aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie. Par suite, la condition d'anormalité justifiant leur réparation par la solidarité nationale est remplie.
9. En outre, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le CRCI, que l'accident médical subi par M. E..., qui exerçait alors une activité professionnelle de tuyauteur-soudeur et conducteur d'engins, a été à l'origine, à lui seul, d'un arrêt de travail du 9 août 2013 au 14 novembre 2014, soit pendant une durée d'au moins six mois consécutifs. Dès lors, les dommages qu'a subi M. E... du fait de l'accident médical non fautif remplissent également la condition de gravité définie à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, laquelle n'est au demeurant pas contestée par l'ONIAM.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
10. Eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini par l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.
11. M. E... demande à être indemnisé de la perte de revenus professionnels et de l'incidence professionnelle qu'il estime avoir subies entre le 14 novembre 2014, date de consolidation de son état de santé, et le 1er avril 2016, date à laquelle il a été admis à la retraite.
12. Pour se conformer aux règles rappelées au point 10, il y a lieu de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par M. E... en raison de l'accident médical non fautif qu'il a subi a entraîné des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle pour la période en litige du 14 novembre 2014 au 1er avril 2016, et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnent lieu au versement d'une rente d'accident du travail. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices ont été réparés par la rente, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur au capital représentatif de la rente.
13. En l'espèce, eu égard à la circonstance que M. E... était âgé de 60 ans à la date de consolidation de son état de santé et au fait que son handicap, qui lui a fait perdre son emploi de tuyauteur-soudeur et conducteur d'engins dont il tirait des revenus stables, même s'il exerçait cette activité en qualité d'intérimaire, rendait impossible la reprise tant de cette activité que d'une activité comparable, l'accident médical qu'il a subi doit être regardée comme la cause directe de la perte de tout revenu professionnel jusqu'à l'âge de la retraite, qu'il a atteint le 1er avril 2016.
14. Il résulte de l'instruction que M. E..., au cours des douze mois précédent l'intervention du 6 février 2013, percevait un revenu brut s'élevant à 37 956,29 euros, soit un revenu net mensuel d'environ 2 530 euros. Ainsi, les revenus qu'il aurait dû percevoir entre le 14 novembre 2014 et le 1er avril 2016, soit durant seize mois et demi, peuvent être évalués à la somme nette de 41 751 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que M. E..., alors âgé de 60 ans et qui exerçait son activité en qualité d'intérimaire, aurait justifié d'une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels au cours de cette période, dont la privation serait constitutive d'une incidence professionnelle. M. E... fait valoir que, pour la même période, la CPAM de l'Isère lui a versé un capital représentatif au titre de la rente d'accident du travail pour un montant de 71 797 euros. Dès lors, cette prestation doit être regardée comme ayant eu pour objet de réparer intégralement ses pertes de revenus.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
15. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise ordonnée par la CRCI, que M. E... a subi, en lien avec l'accident médical dont il a été victime, un déficit fonctionnel temporaire total du 25 mars 2013 au 25 mai 2013, soit durant 61 jours, puis partiel, à hauteur de 25 %, du 26 mai 2013 au 14 novembre 2014, soit durant 537 jours. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire lié à l'aléa thérapeutique subi en condamnant l'ONIAM à verser à ce titre une somme de 2 500 euros au requérant.
16. En deuxième lieu, les souffrances endurées par M. E... en lien avec l'aléa thérapeutique ont été évaluées par les experts mandatés par la CRCI, à 3 sur une échelle de 7. Il y a lieu, par suite, de condamner l'ONIAM à lui verser, à ce titre, une somme de 3 600 euros.
17. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'aléa thérapeutique subi par M. E..., consistant en une rupture de la suture chirurgicale, aurait été à l'origine d'un préjudice esthétique temporaire. A cet égard, si les experts mandatés par la CRCI ont retenu un tel préjudice et l'ont évalué à 1 sur une échelle de 7, ils n'apportent aucune précision quant à la nature de ce préjudice. Contrairement à ce que soutient M. E..., il n'est pas établi que l'apparition d'un oedème, d'un érythème et la fistule, ayant nécessité des pansements, soient en lien avec l'accident médical qu'il a subi. Par suite, ce chef de préjudice doit être écarté.
18. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que M. E..., âgée de 60 ans à la date de la consolidation, présente un déficit fonctionnel permanent de 15 % du fait des conséquences de la complication qu'il a subie. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 18 000 euros.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, et à demander que l'ONIAM soit condamné à lui verser une indemnité de 24 100 euros au titre de la solidarité nationale.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
20. M. E... a droit aux intérêts au taux légal calculés sur la somme de 24 100 euros à compter, ainsi qu'il le demande, du 6 août 2016. La capitalisation des intérêts a été demandée le 13 avril 2017. A cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, seulement à compter du 6 août 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.
Sur les frais liés au litige :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à M. E... une somme de 24 100 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 6 août 2016. Les intérêts échus le 6 août 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'ONIAM versera une somme de 1 500 euros à M. E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Gayrard, président de la formation de jugement,
Mme B..., première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.
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N° 19LY04486