Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur le territoire français pour un an.
Par jugement n° 2006013 lu le 20 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 2 novembre 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susvisé ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ; il méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; les moyens relatifs à la décision fixant le pays de destination n'ont pas été visés et analysés ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et ne repose pas sur un examen particulier de sa situation ;
- elle procède d'un refus illégal d'enregistrement de la demande de réexamen de son droit d'asile ;
- le préfet devait à nouveau consulter l'Office français de l'immigration et l'intégration (OFII) avant de prendre la décision litigieuse ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;
- elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- en refusant d'accorder un départ volontaire, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence, la décision est insuffisamment motivée ;
- ce refus est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'incompétence du signataire de l'acte ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée et méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet d'avoir pris en compte les quatre critères posés par cet article ;
- elle est entachée d'incompétence du signataire de l'acte ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et disproportionnée au regard de sa situation familiale ;
- la fixation du pays de destination est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur en s'estimant lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), elle est entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne peut être renvoyé en Albanie dès lors qu'il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile.
Par mémoire enregistré le 4 mai 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
La caducité de l'aide juridictionnelle a été constatée par décision du 9 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme D..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né en avril 1984, déclare être entré en France le 13 août 2016. Il a demandé l'asile, rejeté en dernier lieu, le 24 janvier 2017, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 11 mars 2019, le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'étranger malade et l'a obligé à quitter le territoire français. Ayant été interpellé par les services de police de Romans-sur-Isère, le 9 octobre 2020, le préfet de la Drôme l'a de nouveau obligé à quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " [le jugement] contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ". Or, le jugement attaqué ne vise pas - et n'a d'ailleurs pas statué sur - les conclusions et moyens de la requête dirigées contre la fixation du pays de destination. Il doit, dès lors, être annulé dans cette mesure. Il y a lieu, par suite, pour la cour, de statuer par voie d'évocation sur lesdites conclusions et, pour le surplus, au titre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
3. M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, les moyens tirés de ce que les décisions en litige seraient insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Si M. B... soutient qu'il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile, cette demande de réexamen ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de son procès-verbal d'audition du 9 octobre 2020 au cours de laquelle il n'a pas sollicité le réexamen de sa demande d'asile mais a uniquement allégué que cette demande était en cours d'examen, et alors au demeurant que le relevé telemofpra produit en défense n'établit pas qu'il ait déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile.
5. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressée n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
6. D'une part si M. B... a indiqué le 9 octobre 2020 qu'il souffre d'une maladie neurologique et prend deux médicaments, il n'a fourni aucun élément d'ordre médical circonstancié permettant d'attester que son état de santé aurait évolué défavorablement depuis sa précédente demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, rejetée le 11 mars 2019. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa mesure d'éloignement d'irrégularité de procédure en s'abstenant de consulter de nouveau l'avis du collège médical. En outre, l'avis du collège de médecins de l'OFII qui avait été émis le 5 novembre 2018 mentionnait que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier en Albanie d'un traitement approprié et qu'il pouvait voyager sans risque cet État. Par suite, le préfet a pu prendre la décision litigieuse, sans méconnaître les dispositions précitées.
7. Il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que les enfants du requérant repartent avec leurs parents dans leur pays d'origine, où leur scolarité pourra être poursuivie et alors que le défaut de prise en charge médicale de son fils A... ne devrait pas entraîner de conséquence d'une exceptionnelle gravité ainsi que cela ressortait de l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 7 novembre 2018 sollicité lors de la précédente demande de titre de séjour et alors qu'il n'est pas établi que son état de santé ait évolué défavorablement depuis. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français contestée, qui n'emporte notamment pas séparation des enfants de l'un de ses deux parents, ne porte pas une atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants mineurs au sens des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
8. Il y a lieu d'écarter par les motifs du tribunal le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et celui tiré de ce que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, que M. B... se borne à reproduire en appel.
9. Par un arrêté du 9 septembre 2019, régulièrement publié, le préfet de la Drôme a donné délégation à M. Patrick Viellescazes, secrétaire général de la préfecture de la Drôme, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte dont serait entaché le refus de délai de départ volontaire contesté manque en fait et doit être écarté.
10. Si M. B... invoque l'opération prochaine de son fils, il ne conteste pas l'avis émis le 7 novembre 2018 par le collège de médecins de l'OFII qui précise que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ainsi compte tenu de la durée et des conditions de son séjour, alors qu'il ne justifie d'aucun obstacle à ce qu'il poursuive sa vie familiale avec son épouse et ses enfants en cas de départ du territoire français, la décision attaquée, portant refus de délai de départ volontaire ne porte pas atteinte au droit à la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. Il y a lieu d'écarter par les motifs du tribunal le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte et celui tiré de ce que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation et disproportionnée au regard de sa situation familiale, que M. B... se borne à reproduire en appel.
12. M. B..., auquel le préfet de la Drôme a refusé d'accorder un délai de départ volontaire, se trouve dans le cas prévu au premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel, en l'absence de circonstances humanitaires, l'administration est tenue de prononcer une interdiction de retour sur le sol français.
En ce qui concerne le pays de destination :
13. La fixation du pays de destination, qui comporte les éléments de fait et de droit qui la fondent, est suffisamment motivée. Le préfet, qui y a relaté les conditions d'entrée et de séjour du requérant ainsi que sa situation familiale et son état de santé, a correctement examiné sa situation particulière.
14. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Drôme ne s'est pas placé en situation de compétence liée en fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Drôme aurait méconnu l'étendue de sa compétence ne peut qu'être écarté.
15. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Cet article 3 énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
16. M. B... soutient qu'il encourt un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Albanie. Toutefois, il n'établit pas, par son récit et les pièces produites, dépourvus de caractère probant, la réalité des faits allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour en Albanie. Par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet de la Drôme n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors au demeurant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5 il n'établit pas avoir sollicité le réexamen de sa demande d'asile.
17. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la demande que M. B... a présentée devant le premier juge, tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, doit être rejetée et, d'autre part il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 9 octobre 2020.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2006013 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble lu le 20 octobre 2020 est annulé en tant qu'il a omis de viser et de statuer sur les conclusions de la demande de M. B... dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble dirigées contre la décision fixant le pays de destination et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme D..., première conseillère ;
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
N° 20LY03183 2