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10/06/2021 | FRANCE | N°19LY02487

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 19LY02487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... H... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la communauté d'agglomération du lac du Bourget et la commune du Bourget-du-Lac à lui verser la somme de 9 552 956,48 euros en réparation du préjudice subi à la suite de son accident survenu le 29 juin 2010 et de déclarer le jugement à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, appelée à l'instance, a demandé au tribunal admini

stratif de Grenoble de condamner solidairement la communauté d'agglomération du l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... H... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la communauté d'agglomération du lac du Bourget et la commune du Bourget-du-Lac à lui verser la somme de 9 552 956,48 euros en réparation du préjudice subi à la suite de son accident survenu le 29 juin 2010 et de déclarer le jugement à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la communauté d'agglomération du lac du Bourget et la commune du Bourget-du-Lac à lui verser la somme totale de 1 244 480,38 euros en remboursement de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de son mémoire, et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1701797 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 janvier 2020, M. H..., représenté par le cabinet Jerôme Lavocat et associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, :

1°) d'annuler le jugement du 23 mai 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner solidairement la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et la commune du Bourget-du-Lac à lui verser, à titre principal, la somme totale de 10 779 215,63 euros en réparation des préjudices subis lors de l'accident du 19 juin 2010 et, à titre subsidiaire, à réparer les préjudices subis à hauteur de 50% ;

3°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et de la commune du Bourget-du-Lac la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'est critiqué le jugement attaqué ;

- en application des dispositions de l'article L. 2212-2 et L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales, la police des baignades est exercée par le maire ; il lui appartient de prendre les mesures nécessaires à la sécurité des baigneurs et de pourvoir à toutes les mesures d'assistance et de secours ; à ce titre, il appartient au maire de mettre en place la signalisation des dangers, de procéder à leur suppression ou d'interdire les baignades ; la responsabilité de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget est engagée pour défaut d'entretien d'un ouvrage public relevant de sa compétence et celle du maire de la commune du Bourget-du-Lac est engagée au titre des pouvoirs de police des lieux de baignade ; il appartenait au président de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et au maire de mettre en place une signalisation appropriée à la configuration des lieux et de s'assurer que les équipements aux abords du lac étaient conformes compte tenu de la profondeur de l'eau et de la possibilité de plonger ; la dangerosité des lieux résulte de l'absence de fond et du risque d'accident en cas de plongeon et cette dangerosité devait faire l'objet d'un aménagement particulier ; compte tenu de l'avancée de l'îlot dans le lac par rapport au bord de la plage, il est légitime de penser qu'il existe une profondeur suffisante à l'extrémité de l'îlot pour plonger en toute sécurité ; le jour des faits, le fond n'était pas visible ; s'il n'est pas contesté qu'un panneau indiquant les profondeurs du lac était présent à proximité de la plage, celui-ci n'était pas visible pour le public ; l'indication de la profondeur à un mètre sur le panneau était erronée, le panneau indiquant une profondeur du petit bassin à un mètre alors qu'il n'y avait que cinquante centimètres d'eau au niveau de l'îlot ; si un plongeon est possible dans un mètre d'eau sans se blesser, tel n'est pas le cas lorsqu'il n'y a que cinquante centimètres d'eau ; aucun panneau n'indiquait la profondeur de l'eau ; à la suite de l'accident, la signalétique a été renforcée ; dans tous les cas, un seul panneau indiquant les zones de baignade et les profondeurs du lac était apposé ; ce dispositif était insuffisant dès lors que les baigneurs peuvent accéder à la plage du lac par un accès autre que celui du restaurant et sont susceptibles de ne pas voir le panneau ; aucun panneau d'interdiction de plonger n'était présent sur l'îlot à partir duquel il a plongé ni sur la plage, aucune ligne d'eau ne renseignait les baigneurs sur la profondeur et la dangerosité des lieux ; aucun marquage au sol n'appelait l'attention des baigneurs sur les risques de cette zone ; les photographies produites par la commune témoignent de la présence de panneaux installés postérieurement à l'accident ;

- aucune faute ne peut être retenue à son encontre ; les conditions météorologiques empêchaient toute appréciation de la profondeur du lac ; s'il connaissait les lieux pour avoir travaillé au restaurant La Frégate, il n'a jamais travaillé sur le lac en qualité de maître-nageur ; il était un nageur averti et il ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que la baignade ne soit pas sécurisée et surveillée ;

- à titre subsidiaire, si la cour retenait une faute d'imprudence, les carences de la communauté d'agglomération et du maire de la commune ont contribué à hauteur de 50% à la réalisation des préjudices subis ;

S'agissant de l'évaluation des préjudices :

Sur les préjudices patrimoniaux :

- sur les dépenses de santé actuelles et futures : si certaines dépenses sont prises en charge par les organismes sociaux, il a évalué les dépenses de santé actuelles et futures à sa charge à 379 408,88 euros ;

- sur les frais divers : il sollicite le remboursement des frais d'assistance à l'expertise correspondant aux honoraires du docteur Monigard à hauteur de 1 440 euros, aux honoraires de l'expert judiciaire, M. E..., à hauteur de 816 euros ; les frais de déplacement pour se rendre aux différentes consultations médicales seront évalués à 1 500 euros ;

- sur les frais de logement adapté : ce poste est réservé dans l'attente des factures afférentes aux travaux nécessaires et à l'acquisition d'un appartement ;

- sur les frais de véhicule adapté : ce poste est réservé dans l'attente des factures ;

- sur les besoins d'assistance par une tierce personne : le taux horaire devra être fixé à 25 euros, compte tenu de son besoin d'une tierce personne spécialisée et qualifiée, à raison de 19 heures par jour ; il sollicite la somme de 520 125 euros du 29 juin 2010 au 29 juin 2013, date de consolidation, la somme de 1 213 625 euros du 30 juin 2013 au 30 juin 2020, et à compter du 1er juillet 2020 la somme de 6 902 058,75 euros ;

- sur le préjudice professionnel : il est total ; au moment de l'accident, il occupait un emploi de barman et créateur d'évènements à titre privé ; s'il a déclaré qu'il était au chômage depuis 2010, il a perdu une chance évaluée à 90% de reprendre une quelconque activité professionnelle ; la perte de gains professionnels actuels sera évaluée à 48 600 euros ; la perte de gains professionnels futurs sera évaluée à la somme de 126 000 euros du 29 juin 2013 au 29 juin 2020 et à 644 922 euros à compter du 30 juin 2020 ;

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

- le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à la somme de 32 220 euros ; les souffrances endurées seront évaluées à la somme de 60 000 euros ; le déficit fonctionnel permanent de 85% sera évalué à la somme de 518 500 euros ; le préjudice esthétique temporaire sera évalué à la somme de 20 000 euros et le préjudice esthétique permanent sera évalué à la somme de 50 000 euros ; le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel seront évalués chacun à la somme de 100 000 euros ; le préjudice d'établissement sera évalué à 60 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2019, la commune du Bourget-du-Lac, représentée par Me A..., puis par Me I..., conclut au rejet de la requête et, si la cour venait à engager sa responsabilité, à la réduction des indemnités sollicitées à de plus justes proportions.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable, M. H... ne critiquant pas le raisonnement des premiers juges et se contentant de reprendre l'intégralité de ses écritures de première instance ;

- la responsabilité du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ne saurait être engagée dès lors qu'un grand panneau comportant le périmètre de surveillance de la baignade avec les zones de baignade autorisées et interdites était apposé à l'entrée de l'avancée bétonnée depuis laquelle M. H... a plongé ; la délimitation du petit bain, de la pataugeoire et du grand bain est indiquée sur ce panneau visible ; si M. H... avait pris connaissance du panneau, il aurait su que l'endroit où il s'apprêtait à plonger correspondait au petit bain et à la pataugeoire ; ce panneau était complété par un panneau d'interdiction de plonger à l'entrée du ponton en béton, par deux panneaux indiquant la profondeur de l'eau, par une réglementation du ponton signalant qu'il est interdit de sauter ou plonger sauf depuis les plongeoirs ; M. H... a utilisé comme plongeoir un équipement non spécialement prévu à cet effet dans la zone " petit bain " et la profondeur du petit bain ne doit jamais dépasser 1,50 mètres ; le plongeon n'est pas possible dans un mètre d'eau sans danger ; l'îlot installé en bord de plage ne présentait aucun danger particulier ; c'est la première fois qu'un accident de cette nature est arrivé ; l'îlot en béton se trouve particulièrement près de la plage de sorte qu'il apparait évident que l'eau ne pouvait être que très peu profonde à cet endroit ; eu égard à la nature, à la localisation et à l'aspect général de cet aménagement, il ne pouvait pas donner l'impression de faire office de plongeoir ; l'interdiction de plonger à cet endroit n'avait pas à faire l'objet d'une signalisation spécifique ; par suite, le maire de la commune n'a pas commis de faute dans l'exercice de son pouvoir de police ; la circonstance que la signalétique a été renforcée après l'accident n'est pas de nature à établir sa responsabilité ;

- l'imprudence de M. H... doit être regardée comme la cause exclusive de l'accident ; il connaissait les lieux et savait qu'une partie de la zone de baignade était réservée à un plongeoir dans la partie grand bain ; il était nageur et surveillant de baignade ;

S'agissant de l'évaluation des préjudices :

- sur les dépenses de santé actuelles et futures : M. H... ne fournit aucune facture alors qu'il demande le règlement d'arrérages échus depuis 2012 ; il conviendra de tenir compte des remboursements de la caisse primaire d'assurance maladie ;

- sur les frais divers : les frais d'assistance à expertise ne sont pas contestés ; il appartient à M. H... de justifier des frais de déplacement ;

- sur l'assistance par une tierce personne : le taux horaire sera évalué à 9,16 euros ; il convient de tenir compte du crédit d'impôt de 50% ; la période d'indemnisation est calculée à compter de la sortie d'hôpital de M. H... ; la somme de 54 822,60 euros peut être allouée pour la période du 17 août 2012 au 29 juin 2013 ; pour la période du 30 juin 2013 au 30 juin 2017, la somme de 254 098,40 euros peut être allouée ; pour les sommes à échoir, la commune sollicite l'application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2013 ;

- sur le préjudice professionnel : M. H... était au chômage au moment de l'accident ; il indique avoir exercé le métier de barman sans l'établir ; faute de justification, ce chef de préjudice doit être rejeté ;

- le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à la somme de 13 825,50 euros ; les souffrances endurées seront évaluées à 15 000 euros ; le préjudice esthétique temporaire sera évalué à 4 000 euros ; le préjudice esthétique permanent sera évalué à 11 000 euros ; le déficit fonctionnel permanent sera évalué à 300 000 euros ; le préjudice d'agrément n'est pas justifié mais pourrait être évalué à 10 000 euros ; le préjudice sexuel sera évalué à 20 000 euros ; le préjudice d'établissement sera évalué à 20 000 euros ;

S'agissant des débours de la caisse primaire d'assurance maladie :

- sur les dépenses de santé actuelles : elle n'entend pas contester le montant réclamé mais les frais hospitaliers sont comptabilisés, par erreur, à compter du 29 février 2010 ;

- les indemnités versées par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la perte de gains professionnels ne sont pas contestées ;

- sur les dépenses de santé futures : les dépenses pour l'appareillage doivent être annualisées sur la base d'un renouvellement du matériel tous les cinq ans ; la caisse primaire d'assurance maladie demande le remboursement de médicaments non retenus par l'expert ; le vaccin contre la grippe est sans lien de causalité avec les séquelles dont souffre M. H... ; les actes de biologie n'ont pas été retenus par l'expert ; l'expert n'a retenu que trois séances de kinésithérapie par semaine et une visite par une infirmière tous les deux jours ; l'hospitalisation de jour en soins de suite et de réadaptation (SSR) en viager n'a pas été retenue par l'expert ; l'expert n'a retenu qu'une consultation du médecin traitant deux fois par an pour le renouvellement des ordonnances ; il convient d'appliquer la table de capitalisation issue de l'arrêté du 11 février 2015 ; il ne saurait être tenu compte du guide des frais futurs qui n'a, ni valeur légale, ni valeur réglementaire.

Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie, représentée par la SCP Girard-Madoux et associés, conclut :

1°) à l'annulation du jugement du 23 mai 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) à la condamnation solidaire de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et de la commune du Bourget-du-Lac à lui verser la somme totale de 1 244 480,38 euros en remboursement de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification de ses premières conclusions de première instance, et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et de la commune du Bourget-du-Lac la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité solidaire de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et de la commune du Bourget-du-Lac doit être engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public en l'absence d'aménagement et de signalisation et pour manquement aux obligations découlant des pouvoirs de police du maire ; aucune faute de la victime ne sera retenue ;

- ses débours se sont élevés à la somme de 1 244 480,38 euros ; le lien de causalité entre ces prestations et le fait dommageable est incontestable ainsi qu'en atteste le médecin-conseil ; les frais futurs sont justifiés ; la valeur de capitalisation pour un homme de 27 ans est de 36,421 ; les caisses primaires d'assurance maladie n'ont pas à annualiser les montants des appareillages.

Par un mémoire, enregistré le 7 août 2020, la communauté d'agglomération du Lac du Bourget, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête de M. H... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie et, à titre subsidiaire, à la liquidation des préjudices de M. H... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie en tenant compte de la part représentative de la faute de la victime dans le survenance de l'accident et en ramenant leurs prétentions indemnitaires à de plus justes proportions et à ce que la somme de 2 500 euros lui soit accordée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de condamnation solidaire est irrecevable dès lors qu'il n'est pas établi qu'une responsabilité solidaire découlerait des prétendues responsabilités de chacune des deux collectivités alors que le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et l'exercice du pouvoir de police relèvent d'autorités distinctes ; chaque collectivité ne pourrait endosser tout ou partie de la responsabilité dévolue à l'autre collectivité ; le principe de spécialité interdit de rechercher sa responsabilité à l'égard d'autres compétences que celles qui lui sont attribuées ; la demande est également irrecevable faute de liaison du contentieux à son égard ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement du défaut d'entretien d'un ouvrage public dès lors que M. H... connaissait les lieux et leur agencement ainsi que la profondeur du lac ; le petit bassin est séparé du grand bassin où sont disposés des plongeoirs ; l'aménagement litigieux est distinct des plongeoirs ; l'imprudence de M. H... est la cause exclusive de l'accident ; elle n'intervenait que pour la création et la gestion des installations des plages et au titre des dispositions du code de la santé publique ; M. H... ne fait pas état de défaillances dans l'organisation des secours ; il ne lui appartenait pas de répondre des mesures prises dans le cadre d'un arrêté municipal ; il ne lui appartenait pas de prévenir les usagers de la plage que le ponton n'était pas approprié à la pratique du plongeon du fait de la faible profondeur de l'eau ; il n'existait aucun aménagement susceptible d'induire en erreur les baigneurs ;

S'agissant des préjudices :

- il appartient à la cour d'appliquer la méthode d'indemnisation des postes de préjudices telle que pratiquée par la juridiction administrative ;

- la caisse primaire d'assurance maladie ne produit pas les facturations des différents soins ; il y a lieu de déduire la somme de 4 014 euros du montant de 48 600 pour la même perte de gains professionnels actuels ; la somme réclamée au titre des frais futurs médicaux de 713 948,48 euros doit être examinée à la lumière de la somme de 333 397,03 euros réclamée par M. H... ; plusieurs dépenses sont comptabilisées par la caisse primaire d'assurance maladie et M. H... ; M. H... doit justifier des dépenses par des factures ; les soins futurs de kinésithérapie et les soins infirmiers futurs ont été surévalués ; les frais en lien avec une hospitalisation de jour en soins de suite et de réadaptation doivent être justifiés ;

- M. H... doit justifier des dépenses de véhicule et de logement adaptés ;

- il n'est fourni aucune facture pour les frais en lien avec l'assistance par une tierce personne ; le point de départ de ces frais commence le 17 août 2012 et s'achève à la date de consolidation ;

- la perte de gains professionnels n'est pas justifiée ;

- le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à la somme maximale de 14 148 euros ; les souffrances endurées seront évaluées entre 20 000 et 25 000 euros ; le déficit fonctionnel permanent sera évalué à 320 000 euros ; le préjudice esthétique temporaire et permanent seront évalués à la somme de 10 000 euros chacun ; le préjudice d'agrément, sexuel et d'établissement seront évalués à la somme globale de 80 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me G..., représentant M. H..., celles de Me D..., substituant Me B..., représentant la communauté d'agglomération du Lac du Bourget, et celles de Me I..., représentant la commune du Bourget-du-Lac.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 juin 2010, vers 16h00, M. F... H..., né le 21 septembre 1986, a été victime d'un grave accident sur la plage du lac du Bourget située dans la commune du Bourget-du-Lac à la suite d'un plongeon la tête la première, depuis un îlot bétonné, dans un fond insuffisant. Présentant une rupture des vertèbres cervicales C4-C5 avec un traumatisme crânio-facial, il a été pris en charge par les sapeurs-pompiers de la Motte-Servolex, puis héliporté jusqu'au centre hospitalier universitaire de Grenoble où il est resté hospitalisé jusqu'au 19 juillet 2010. A compter de cette date, il a été transféré à la clinique du Grésivaudan. Le 17 août 2012, il a été autorisé à regagner son domicile. Depuis cet accident, M. H... présente une tétraplégie. Une enquête judiciaire a été ouverte par le parquet de Chambéry et un avis de classement sans suite a été rendu le 8 octobre 2011 pour " infraction insuffisamment caractérisée ". Le 17 octobre 2012, M. H... a déposé plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Chambéry. Le 20 juillet 2015, M. H... a formé une réclamation préalable indemnitaire qui a été rejetée par la commune du Bourget-du-Lac le 5 août 2015. Le 24 août 2015, M. H... a également formé une réclamation préalable indemnitaire auprès de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget qui l'a rejetée le 18 novembre 2015. M. H... a sollicité l'organisation d'une expertise médicale auprès du tribunal administratif de Grenoble. Par une ordonnance du 6 juin 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné le docteur Mas, en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 27 février 2017. M. H... et la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie relèvent appel du jugement du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation solidaire de la commune du Bourget-du-Lac et de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget à les indemniser respectivement des préjudices subis et des débours exposés à la suite de l'accident du 29 juin 2010.

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun. Les conclusions de M. H... tendant à ce que la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie, laquelle au demeurant a été régulièrement mise en cause, soit appelée en déclaration de jugement commun doivent dès lors être accueillies. Il y a lieu en conséquence de déclarer le présent arrêt commun à ladite caisse.

Sur la responsabilité de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et de la commune du Bourget-du-Lac :

3. D'une part, l'article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s'exerce en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux. / Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours. / Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance. Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés. / Le maire est tenu d'informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques sont réglementées. " En vertu de ces dispositions, il incombe au maire de la commune d'assurer la sécurité des baigneurs sur les plages et notamment de signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir.

4. D'autre part, il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure. L'entretien normal d'un ouvrage public inclut la signalisation des caractéristiques de cet ouvrage ainsi que celle de sa dangerosité.

5. M. H... fait valoir que la responsabilité de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget est engagée pour défaut d'entretien d'un ouvrage public relevant de sa compétence et que celle du maire de la commune du Bourget-du-Lac est engagée au titre de la carence du maire dans l'usage de ses pouvoirs de police des lieux de baignade.

En ce qui concerne la responsabilité de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget :

6. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté préfectoral du 20 décembre 2006, la communauté d'agglomération du Lac du Bourget exerce la compétence obligatoire " création, aménagement, gestion des installations des plages du lac du Bourget, y compris l'aspect surveillance de la qualité de l'eau " et que " les pouvoirs de police restent de la compétence des maires territorialement concernés ". Par suite, seule la responsabilité de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget est susceptible d'être engagée à raison des dommages causés par les aménagements du lac du Bourget.

7. M. H... fait valoir que la dangerosité des lieux résulte de l'absence de fond à l'extrémité du ponton et que ce danger n'a pas été signalé par un panneau indiquant la profondeur du lac à cet endroit et l'interdiction de plonger.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de l'enquête préliminaire établi par la compagnie de gendarmerie de la Motte-Servolex, que le 29 juin 2010, M. H... s'est gravement blessé en sautant de l'extrémité d'une plateforme ou ponton bétonné, selon la qualification de la gendarmerie, situé au bord de la plage, d'une largeur de trois mètres pour dix mètres de long et ce alors qu'à cette extrémité, la profondeur de l'eau était estimée, le jour de l'accident, à cinquante centimètres. A l'entrée de cette plateforme bétonnée, un panneau visible décrit la délimitation entre la zone dite du petit bain, la pataugeoire et la zone dite du grand bain, indique la profondeur de l'eau au niveau de la limite séparative entre le petit et le grand bain et précise la zone de plongeon située au niveau du grand bain.

9. Il résulte de l'instruction que l'extrémité de la plateforme d'où M. H... a plongé est située entre le début de la zone dite du petit bain et la pataugeoire. Il s'ensuit que, compte tenu de la configuration des lieux, et alors qu'il n'est pas établi que des enfants ou des adolescents auraient pris l'habitude d'utiliser cette avancée comme plongeoir, un usager normalement attentif ne pouvait se méprendre sur la fonction de cette avancée et la confondre avec celle d'un plongeoir, peu important la circonstance que le jour de l'accident l'eau était troublée de telle sorte qu'il n'était pas possible d'apprécier la profondeur depuis l'extrémité de la plateforme. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, un panneau indiquait précisément que l'avancée dans son extrémité était située entre le début de la zone dite du petit bain et la pataugeoire sans qu'il n'apparaisse nécessaire d'y faire figurer une mention quant à la profondeur de l'eau au niveau de cette avancée. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, dès lors qu'il est utilisé conformément à sa destination d'aménagement d'agrément des abords de la plage, cet ouvrage ne présente pas de danger excédant ceux contre lesquels les usagers doivent normalement se prémunir et ne nécessite pas une signalisation spécifique interdisant de plonger depuis son extrémité.

10. En outre, M. H... a indiqué, lors de son audition, qu'il connaissait très bien le lac et pratiquait la natation. En décidant de plonger depuis un équipement non spécialement prévu à cet effet, sans s'assurer de la profondeur depuis l'extrémité de cet ouvrage, l'imprudence commise par M. H... doit être regardée comme la cause exclusive de l'accident dont il a été victime.

11. La circonstance que, depuis l'accident, une signalétique interdisant le plongeon a été apposée sur l'extrémité de la plateforme n'est pas de nature à établir un défaut d'entretien de l'ouvrage public à la date de l'accident.

En ce qui concerne la responsabilité du maire de la commune du Bourget-du-Lac pour carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police :

12. Si M. H... fait valoir que le maire de la commune du Bourget-du-Lac a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune dès lors qu'il s'est abstenu de mettre en oeuvre les pouvoirs de police qu'il détient de l'article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales, il résulte de ce qui vient d'être exposé que la zone où l'accident s'est produit était aménagée conformément à sa destination et ne présentait pas de danger particulier nécessitant une signalisation supplémentaire de sorte qu'aucune carence fautive du maire de la commune du Bourget-du-Lac n'est établie.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. H... et la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation solidaire de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et de la commune du Bourget-du-Lac à les indemniser.

Sur les dépens :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge définitive de M. H... les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 816 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 8 mars 2017.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

15. Dès lors que les conclusions tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération du Lac du Bourget et de la commune du Bourget-du-Lac sont rejetées par le présent arrêt, la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie ne peut prétendre au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie.

Article 2 : Les requêtes de M. F... H... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie sont rejetées.

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 816 euros par une ordonnance du 8 mars 2017 du président du tribunal administratif de Grenoble doivent être laissés à la charge de M. H....

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. F... H..., à la communauté d'agglomération du lac du Bourget, à la commune du Bourget-du-Lac, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président de la formation de jugement,

Mme C..., première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.

2

N° 19LY02487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19LY02487
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Police générale - Sécurité publique - Police des lieux dangereux - Lieux de baignade.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime - Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : GIRARD MADOUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-10;19ly02487 ?
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