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15/07/2021 | FRANCE | N°19LY01237

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 juillet 2021, 19LY01237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 en droits et pénalités.

Par un jugement n°1701364 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargé M. B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Procédure devan

t la cour

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 en droits et pénalités.

Par un jugement n°1701364 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargé M. B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour d'annuler ce jugement du 11 décembre 2018.

Le ministre soutient que :

- le tribunal s'est mépris sur l'année d'imposition du gain réalisé en vertu des articles 79 et 82 du code général des impôts ;

- M. B... a perçu en 2010 un avantage constitué par l'acquisition d'actions de la SA Prosol gestion à un prix préférentiel constituant un complément de rémunération imposable dans la catégorie des traitements et salaires en raison de sa qualité de cadre salarié du groupe Prosol ;

- à titre subsidiaire, il demande une substitution de base légale dès lors que le gain litigieux doit être imposé sur le fondement de l'article 111 c) du même code.

Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2019, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à la restitution des sommes versées à tort assorties des intérêts moratoires et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le tribunal a à bon droit estimé que l'avantage relevé par l'administration n'était pas imposable dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 2010 ;

- la proposition de rectification méconnaît les dispositions des articles L. 17 et L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- la méthode utilisée par l'administration pour évaluer la valeur vénale des titres acquis est erronée ; elle ne pouvait pas se fonder sur des éléments postérieurs à la date de cession et elle ne démontre pas d'écart entre le prix d'achat unitaire de l'action Prosol gestion le 17 décembre 2010 et la valeur réelle des titres à cette date par une évaluation des titres qui ressortirait du jeu normal de l'offre et de la demande ;

- il n'existe pas d'avantage imposable dans la catégorie des traitements et salaires ; il n'existe ni lien de subordination, ni contrat de travail entre M. B... et la société HPL ni entre la SA Prosol gestion et M. B... ;

- l'administration ne démontre pas l'absence ou l'existence d'un aléa suffisant caractérisant le risque économique pris ;

- la somme litigieuse n'était pas imposable en 2010, en l'absence de perception du prix de cession au cours de cette année ; la vente de la société Prosol gestion n'était pas certaine en 2010 et M. B... était en outre soumis à un pacte d'actionnaire qui l'empêchait de céder ses titres en dehors de la volonté de l'actionnaire majoritaire ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Une ordonnance du 7 septembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 8 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a déchargé M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes afférents à l'imposition dans la catégorie des traitements et salaires de l'avantage consenti à M. B... par l'achat d'actions de la SA Prosol gestion à prix préférentiel le 17 décembre 2010.

Sur le motif de décharge retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 82 du même code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant des traitements, indemnités et émoluments, salaires (...) L'estimation des rémunérations allouées sous forme d'avantage en nature est faite (...) d'après leur valeur réelle ".

3. En vertu de l'article 156 du code général des impôts, un revenu est imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année au cours de laquelle le foyer fiscal en a la disposition. Ainsi, l'avantage litigieux, correspondant à l'écart entre la valeur vénale des titres et leur prix d'acquisition, doit être rattaché à l'année au cours de laquelle le contribuable en a eu la disposition. Cet avantage ne constitue un revenu disponible qu'à partir du moment où les titres ont été ou auraient pu être cédés.

4. Il résulte de l'instruction que M. B..., par convention conclue le 17 décembre 2010, a bénéficié à cette date de l'attribution de 127 actions de la société HPL, relevant du groupe Prosol gestion, à prix préférentiel. Il est constant que M. B... exerce des fonctions de directeur du développement de la SAS Grand Frais Développement détenue pour un tiers par M. Denis A..., président du conseil de surveillance de la SA Prosol Gestion et contrôlant via des holdings, les sociétés HPL, Vrucht et Fruit Invest, la majorité du capital de la SA Prosol Gestion. Par proposition de rectification du 23 décembre 2013, l'administration a considéré l'avantage constitué par la différence entre le prix unitaire fixé à 850 euros par action par la convention du 17 décembre 2010 et la valeur vénale réelle unitaire des titres évaluée à 3 938 euros comme un complément de rémunération imposable dans la catégorie des traitements et salaires. Si M. B... a cédé ultérieurement le 29 mars 2011 les actions Prosol gestion qu'il détenait, celles-ci pouvaient, si elles avaient été cédées par l'intéressé à la date de leur acquisition, lui procurer un revenu immédiatement disponible à hauteur de leur valeur réelle. L'administration, après avoir relevé qu'un avantage imposable sur le fondement des dispositions précités était constitué, a à bon droit estimé que l'avantage était ainsi imposable dès l'année 2010, date à laquelle les actions auraient pu être cédées, sans que l'intimé ne puisse se prévaloir d'un pacte d'actionnaire l'empêchant de céder lesdites actions alors que cet acte est daté du 29 mars 2011 et n'empêchait pas la cession des actions avant le 31 décembre 2010. Par suite, c'est à tort que, pour décharger M. B... des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge en droits et pénalités au titre de cet avantage, les premiers juges ont estimé que ces actions n'auraient procuré un revenu disponible qu'à la date de leur cession soit le 29 mars 2011.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, l'intimé se prévaut des dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales qui ont pour objet et pour effet de donner à l'administration la faculté de substituer, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien au prix stipulé lorsque cette valeur vénale est supérieure. Ces dispositions ne sont pas en lien avec le litige et sont par suite inopérantes.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...)". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

8. Pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

9. La proposition de rectification du 23 décembre 2013 adressée à M. B... mentionne l'impôt concerné, l'année en cause, le montant des rectifications envisagées dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi que celui des impositions mises en conséquence à sa charge. Le service y a précisé la méthode utilisée pour évaluer la valeur vénale réelle des actions de la SA Prosol gestion au 17 décembre 2010 en retenant les deux cessions des mêmes titres antérieures à cette date, dont il est ressorti qu'ils avaient été cédés à M. B... à un prix nettement inférieur à leur valeur vénale. Par suite, le contribuable, qui a été mis en mesure de contester utilement les impositions en litige, n'est pas fondé à soutenir que la motivation de la proposition de rectification ne répondait pas aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

10. En troisième lieu, la valeur vénale d'actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un montant aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société.

11. En l'espèce, l'administration, pour estimer la valeur vénale réelle des actions de la SA Prosol gestion à la date de la cession litigieuse et ainsi évaluer l'avantage consenti à M. B..., a pris en compte les deux cessions intervenues immédiatement avant cette date les 22 juin 2010 et 9 septembre 2010 concernant les mêmes titres pour un prix unitaire de 3 599,71 euros et de 4 276 euros dont l'administration a tiré une moyenne s'élevant à 3 938 euros. Si l'intimé conteste le fait que ces transactions puissent être considérées comme réalisées dans des conditions équivalentes à la cession en cause, ces transactions ont précisément été réalisées entre des personnes physiques et morales reliées au même groupe Prosol alors que la cession en cause intervenue le 17 décembre 2010 a également concerné des cadres du groupe. M. B... ne critique pas ainsi utilement la méthode d'évaluation des titres Prosol gestion mise en oeuvre par l'administration.

12. En quatrième lieu, M. B... conteste le rattachement catégoriel au titre des traitements et salaires de l'avantage ainsi constitué en estimant que cet avantage ne saurait constituer un complément de rémunération puisqu'il est sans lien avec ses activités salariées au sein du groupe Prosol. Toutefois, il ressort de la convention de cessions d'action conclue le 17 décembre 2010 entre, d'une part, la société HPL, Mme A..., la société Charly et, d'autre part, onze cadres du groupe dirigé par la SA Prosol Gestion, que cette cession d'actions s'est effectuée " au profit de certains cadres clés du Groupe ". Toutefois, s'il est constant que M. B... exerce des fonctions salariées et notamment de cadre au sein d'une des sociétés du groupe Prosol Gestion, il ne résulte pas de l'instruction qu'il serait salarié de la SA Prosol gestion ni de la société HPL. Ainsi, l'avantage litigieux ne pouvant revêtir la qualification de complément de rémunération, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé cet avantage en tant que complément de rémunération au barème de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôts.

13. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes. ". Si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier du bien-fondé de l'imposition en modifiant le fondement juridique, c'est à la condition que la substitution ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi.

14. L'administration sollicite une substitution de base légale en soutenant que le gain litigieux doit être imposé sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts. Dès lors qu'il est constant que cette cession d'actions à M. B... à un prix avantageux ne constitue pas la rémunération d'un apport en capital en raison de sa qualité d'actionnaire au sein du groupe, ce qu'il n'est pas, ou serait intervenue en contrepartie de diligences personnelles et particulières de l'intéressé, et alors que cet avantage a bien un caractère occulte, n'étant pas déclaré, il doit être regardé pour la fraction en litige comme un avantage occulte imposable sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. Cette substitution ne privant le contribuable d'aucune garantie, il y a lieu de la prononcer et de maintenir les impositions supplémentaires mises à la charge de M. B... au titre de l'année 2010.

15. En dernier lieu, l'article 1729 du code général des impôts dispose que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

16. Pour appliquer la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts aux rectifications susvisées, l'administration fait valoir que M. B..., en sa qualité de cadre du groupe Prosol, ne pouvait ignorer avoir acquis lesdites actions à un prix inférieur à leur valeur réelle et fait état de l'importance de l'avantage ainsi consenti. L'administration justifie ainsi de l'application de la majoration pour manquement délibéré.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a accordé à M. B... la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes. Les conclusions présentées à cette fin devant le tribunal et la cour par M. B... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1701364 du 11 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2010 ainsi que les pénalités correspondantes sont rétablies.

Article 3 : Les conclusions de M. B... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B....

Délibéré après l'audience du 24 juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2021.

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N°19LY01237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01237
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-07 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET IXA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-15;19ly01237 ?
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