Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Philips France devenue Signify France a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 28 mars 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. C... A... pour motif économique, ensemble la décision du 16 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique, d'autre part, d'enjoindre à la ministre du travail de l'autoriser à licencier M. A....
Par jugement n° 1809148 lu le 19 novembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 janvier et 3 septembre 2020, la société Signify France, représentée par Me Czernichow, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;
2°) d'enjoindre à la ministre du travail de l'autoriser à licencier M. A... ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'elle n'avait pas respecté son obligation de reclassement ;
- la réalité du motif économique tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise est établie.
Par mémoires enregistrés les 15 juin et 15 octobre 2020, M. A..., représenté par Me Chircop, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Signify France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par mémoire enregistré le 16 novembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et d l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 9 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Marius substituant Me Czernichow, pour la société Signify France, ainsi que celles de Me Chartier pour M. A... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 septembre 2021, présentée pour la société Signify France ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Philips France devenue Signify France, qui fabrique du matériel d'éclairage électrique, a procédé à des licenciements pour motif économique en raison de la réorganisation décidée pour sauvegarder sa compétitivité. Le 26 janvier 2018, elle a demandé aux services de l'inspection du travail l'autorisation de licenciement de M. A..., salarié protégé employé dans l'unité de production de Miribel, vouée à la fermeture. Par décision du 28 mars 2018, l'inspecteur du travail a rejeté sa demande en se fondant sur la méconnaissance par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement. La société a présenté un recours hiérarchique, qui a été rejeté, le 16 octobre 2018. La société relève appel du jugement n° 1809148 lu le 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur le refus d'autorisation de licenciement :
En ce qui concerne la décision de l'inspecteur du travail :
2. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " (...) le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. (...). Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " Aux termes de l'article D. 1233-2-1 du code du travail " I. - Pour l'application de l'article L. 1233-4, l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine. II. - Ces offres écrites précisent : a) L'intitulé du poste et son descriptif ; b) Le nom de l'employeur ; c) La nature du contrat de travail ; d) La localisation du poste ; e) Le niveau de rémunération ; f) La classification du poste. III. - En cas de diffusion d'une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l'entreprise et les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. (...) "
3. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Il appartient au juge, pour juger du respect par l'employeur de l'obligation de moyens dont il est débiteur pour le reclassement d'un salarié, de tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment de ce que les recherches de reclassement conduites au sein de l'entreprise et du groupe ont débouché sur des propositions précises de reclassement, de la nature et du nombre de ces propositions, ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié.
4. Il ressort des pièces du dossier que la société Signify France s'est bornée à informer M. A..., par courrier du 27 novembre 2017, qu'aucun poste de reclassement correspondant à son profil n'avait été identifié et que la liste des postes vacants en France était affichée dans le hall du site de Miribel. Ce faisant, elle n'établit pas que cette liste de postes comportait des indications sur les conditions d'embauche, de travail ou de rémunération et ainsi, que ces offres auraient été précises. Par ailleurs, la communication du registre unique du personnel ne permet pas d'établir l'effectivité d'une recherche personnalisée de reclassement. Par suite, la société qui n'a pas procédé à l'examen individuel de la situation de M. A... en vue d'assurer son reclassement, n'a pas satisfait à l'obligation prévue par les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail. Pour ce motif, l'inspecteur du travail a pu valablement refuser d'autoriser son licenciement.
En ce qui concerne la décision de la ministre du travail :
5. La décision de l'inspecteur du travail qui a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... n'est pas, ainsi qu'il a été dit au point 4, entachée d'illégalité. Cette décision ayant créé des droits au profit de M. A..., la ministre du travail était tenue de rejeter le recours hiérarchique de la société Signify France.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Signify France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société Signify France demande au titre des frais exposés à l'occasion du litige soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Signify France le paiement à M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Signify France est rejetée.
Article 2 : La société Signify France versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Signify France, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.
N° 20LY00189 3