Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du maire de Corpeau du 11 juillet 2018 portant permis de construire délivré à l'EARL Domaine Taillardat pour la construction de bâtiments agricoles d'une surface de plancher de 934,60 m² sur un terrain situé chemin des Riaux, ensemble la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le maire de Corpeau a rejeté leur recours gracieux formé contre ce permis.
Par un jugement n° 1803332 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 11 juillet 2018 et la décision du 15 octobre 2018 susvisés.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2020, la commune de Corpeau, représentée par Me Gourinat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1803332 du 31 décembre 2019 ;
2°) de mettre à la charge de M. et Mme A... B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. et Mme B... ne présentaient pas d'intérêt pour agir à l'encontre du permis de construire contesté ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé fondé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A4 du plan local d'urbanisme de la commune de Corpeau et de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme dès lors que le permis en cause mentionnait le délai et la collectivité ou le concessionnaire de service public chargés d'exécuter les travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité nécessités par le projet et alors que les modalités de financement de ces travaux sont sans incidence sur la légalité de l'autorisation d'urbanisme délivrée en vertu des dispositions de l'article L. 332-7 du même code.
Par un mémoire, enregistré le 4 décembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Barberousse, concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que le moyen d'annulation retenu par le tribunal est fondé.
Une ordonnance du 14 décembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 14 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... sont propriétaires sur la commune de Corpeau d'une maison d'habitation située chemin des Riaux. Par arrêté du 11 juillet 2018, le maire de la commune de Corpeau a délivré à l'EARL Domaine Taillardat un permis de construire afin d'édifier un bâtiment à usage de cuverie, bureaux et stockage sur un terrain situé en face de leur propriété. Par décision du 15 octobre 2018, le maire de la commune a également rejeté leur recours gracieux. La commune de Corpeau relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ce permis de construire ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux.
Sur la recevabilité de la requête présentée par M. et Mme B... :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation."
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
4. En l'espèce, M. et Mme B... sont propriétaires d'une propriété implantée sur une parcelle située en face du terrain d'assiette du projet de l'EARL Domaine Taillardat et en sont donc les voisins immédiats. Ils justifiaient devant le tribunal de troubles de jouissance de leur bien constitués notamment par la visibilité de leur piscine depuis la tour de 15 mètres prévue par le projet pour accueillir des clients dans une salle avec vue sur les vignes et située à moins de 70 mètres de leur propriété, de l'augmentation de trafic routier sur le chemin des Riaux et des nuisances inhérentes aux odeurs engendrées par la cuverie installée dans l'un des bâtiments à construire. Par suite, et alors que la commune et le pétitionnaire ne justifiaient pas en première instance de l'absence de réalité de ces nuisances, les époux B... justifiaient d'un intérêt pour agir à l'encontre du permis de construire en litige.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
5. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ".
6. Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité, et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement. Un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et que, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
7. En outre, l'article A4 du plan local d'urbanisme de Corpeau impose aux constructions nouvelles d'être raccordées aux réseaux publics de distribution d'eau potable, d'assainissement et d'électricité.
8. En l'espèce, il est constant que la réalisation du projet de l'EARL Domaine Taillardat nécessite des travaux de desserte sur les réseaux d'eau potable, d'assainissement ainsi que d'extension du réseau d'électricité sur une distance de 300 mètres et que la commune de Corpeau, qui n'était pas gestionnaire des réseaux, a chargé son maire, par délibération du 29 mars 2018, de diligenter les extensions nécessaires auprès des collectivités gestionnaires, le tout devant être financé par le biais d'une convention portant participation pour équipement public exceptionnel prévue par les dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, à signer avec l'EARL Domaine Taillardat qui s'engageait à verser à la commune le coût d'extension des réseaux. Il ressort des visas de l'arrêté en litige que la communauté d'agglomération Beaune, Côte et Sud, gestionnaire de l'eau et de l'assainissement, et la société ENEDIS, pour l'électricité, ont fait état de la possibilité de réaliser les travaux, en ont donné la teneur, le délai de réalisation ainsi que le coût estimé. Par suite, le délai de réalisation des travaux nécessités par le projet ainsi que la personne en charge de leur exécution étant déterminés, le permis ne pouvait être refusé sur le fondement des dispositions précitées. Dans ces conditions, et alors qu'un requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'illégalité des prescriptions relatives à la participation prévue à l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme ou de l'illégalité de la convention signée à cette fin à l'appui de conclusions dirigées contre l'autorisation de construire ou d'aménager, c'est à tort que, pour annuler le permis litigieux, le tribunal a combiné les articles L. 111-11 du code de l'urbanisme et L. 332-8 ou L. 332-15 du même code en raison de la mise à la charge de l'EARL Domaine Taillardat de l'intégralité du coût des travaux.
9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal.
10. En premier lieu, M. et Mme B... soutiennent que le permis de construire litigieux et la décision portant rejet de leur recours gracieux sont entachés d'un défaut de motivation dès lors que l'arrêté en cause ne comporte aucune explication des raisons pour lesquelles la qualification d'équipement public exceptionnel au sens de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme a été retenue pour les travaux d'extension des réseaux publics d'assainissement et d'électricité. Si, en vertu de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme, la décision accordant un permis de construire assortie de prescriptions doit être motivée, l'arrêté contesté est assorti de prescriptions énumérées aux articles 2 à 4 portant sur les travaux d'extension des réseaux d'assainissement et d'eau potable, d'extension du réseau électrique et de prescriptions émises par la commission départementale de sécurité et la sous-commission départementale d'accessibilité. La motivation exigée par les dispositions précitées de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme résulte en l'espèce directement du contenu même de ces prescriptions. En outre, l'arrêté portant permis de construire étant suffisamment motivé, la décision de rejet du recours gracieux des intéressés n'avait pas à comporter une motivation. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du permis litigieux et de la décision du 15 octobre 2018 doit ainsi être écarté.
11. En deuxième lieu, en vertu de l'article A2 du PLU de la commune de Corpeau, intitulé " occupations et utilisations du sol soumises à conditions particulières ", les constructions et installations sont autorisées sur la zone A à condition qu'elles soient liées et nécessaires à l'exploitation et à l'activité agricole.
12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'activité de l'EARL Domaine Taillardat, titulaire du permis en litige, est viticole et que le projet consiste en la réalisation d'une cuverie, infrastructure permettant d'élever le vin, d'espaces de stockage de fûts et de bouteilles, de matériel agricole et d'un atelier outre la création d'un espace de réception de clientèle et deux bureaux au sein d'une tour, qui constituent des constructions et installations liées et nécessaires à l'exploitation agricole de production de vin. Contrairement à ce qu'affirment M. et Mme B..., il ne ressort pas des pièces versées que le projet en litige viserait à accueillir les moyens matériels et humains de la SARL Sébastien Taillardat dans le cadre d'une activité de prestations commerciales interdite par les dispositions précitées.
13. En dernier lieu, l'article A11 du PLU de la commune de Corpeau précise : " Généralités : (...) les constructions et installations nouvelles doivent présenter un aspect compatible avec le caractère ou l'intérêt des lieux avoisinants, du site et des paysages. L'aspect des constructions doit, par l'utilisation de matériaux et de techniques appropriés, exprimer une certaine recherche dans le but de traduire de façon esthétique leur caractère fonctionnel ".
14. M. et Mme B... soutiennent que le projet présente un aspect d'entrepôt et que les tonalités de gris retenues pour les façades ne permettent pas une insertion harmonieuse du projet dans son environnement. Toutefois, le projet comporte une toiture en tôle laquée de teinte rouge, les façades des bâtiments sont en acier laqué et les menuiseries en gris anthracite, permettant une intégration dans l'environnement, constitué de vignes, alors que les lieux environnants ne présentent aucun intérêt paysager ou perspective paysagère notable avec la présence d'un garage automobile et de bâtiments d'aspect métallique non loin de la parcelle d'assiette du projet et de celle des requérants. En outre, M. et Mme B... ne se prévalent d'aucune prescription technique du PLU, au demeurant non identifiée par les intéressés, qui aurait été méconnue. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A11 du PLU doit, par suite, être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Corpeau est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du maire de Corpeau du 11 juillet 2018 accordant un permis de construire à l'EARL Domaine Taillardat ainsi que la décision du 15 octobre 2018 portant rejet du recours gracieux de M. et Mme B.... La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Dijon doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Corpeau qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante verse à M. et Mme B... la somme demandée par ceux-ci au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Corpeau sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803332 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Dijon et leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Corpeau sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B..., à la commune de Corpeau et à l'EARL Domaine Taillardat.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2021.
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N°20LY00936