Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement public Voies navigables de France (VNF) a déféré la société Bâtiment Évolution 2000 au tribunal administratif de Dijon comme prévenue d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L. 2122-1, L. 2132-26 et L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques et a demandé à ce tribunal de condamner la société Bâtiment Évolution 2000 au paiement d'une amende en application de ces dispositions et d'ordonner la libération du domaine public, avec remise en état des lieux à ses frais dans le délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1900339 du 11 octobre 2019, ce tribunal a condamné la société Bâtiment Évolution 2000 au paiement d'une amende de 1 500 euros et lui a ordonné de libérer le hangar qu'elle occupe sans droit ni titre rive gauche de la rivière Yonne au point kilométrique 12.700 dans le délai de trois mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2019, la société Bâtiment Évolution 2000, représentée par Me Durif, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par VNF devant le tribunal ;
2°) subsidiairement, de réformer ce jugement, de réduire le montant de l'amende, de rejeter le surplus des conclusions de la demande de VNF et de condamner l'établissement public à lui verser une indemnité d'éviction ;
3°) de mettre à la charge de VNF la somme de 1 500 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- VNF ne pouvait dresser une contravention pour occupation sans droit ni titre d'un hangar qui ne lui appartient pas ;
- la notification tardive du procès-verbal de contravention a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ;
- lorsque VNF a dressé la contravention, elle occupait régulièrement le hangar ;
- la circonstance que la commune de Gurgy ne disposerait plus de droits sur ces locaux ne pourrait affecter le bail de location qui arrivera à échéance en 2023 qu'elle a contracté en toute bonne foi et VNF ne peut invoquer à son encontre des griefs afférents à la convention l'unissant à la commune de Gurgy ;
- le bail de location, de nature commercial, devant se poursuivre jusqu'à son terme à défaut de résiliation par la commune, VNF doit lui verser une indemnité d'éviction en application de l'article L. 145-14 du code de commerce ;
- à tout le moins elle était titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public ;
- elle a loué les locaux dans un état usagé et les travaux sollicités par VNF incombent au propriétaire ;
- elle est fondée à demander une minoration de l'amende compte tenu de son occupation paisible pendant presque 20 ans du hangar dans lequel elle a développé une large clientèle ;
- l'injonction sous astreinte de libérer le local n'est pas justifiée en l'absence d'urgence.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2020, l'établissement VNF conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête de la société Bâtiment Évolution 2000 se borne à reproduire les termes de sa demande de première instance sans invoquer des moyens d'appel ;
- le hangar en cause se situe sur un chemin de halage qui borde la dérivation de Gurgy qui constitue un canal de dérivation appartenant au domaine public artificiel conformément à ce que prévoit l'article L. 2111-10 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- la société appelante connaissait l'appartenance de la parcelle au domaine public fluvial puisqu'elle était stipulée à l'article 1er du bail ;
- elle ne peut utilement se prévaloir de ce que la commune de Gurgy l'a induite en erreur ;
- la gestion du domaine public fluvial lui a été confiée par la loi ;
- la société appelante ne démontre pas que le retard de la notification du procès-verbal aurait eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 774-2 du code de justice administrative est inopérant ;
- depuis 2001, la commune de Gurgy n'était plus autorisée à occuper le domaine public et devait en conséquence résilier le contrat de sous-location du local, la tolérance du maintien de l'occupant ne pouvant faire naître aucun droit ;
- à l'expiration de la convention d'occupation temporaire passée avec la commune, le bail consenti à la société appelante est devenu caduc et en tout état de cause, il devait prendre fin le 14 mars 2014 en vertu de son article 2 ;
- la société Bâtiment Évolution 2000 ne bénéficiait pas d'un bail commercial dès lors que l'autorisation d'occupation a été accordée à la commune avant l'entrée en vigueur de la loi Pinel et un contrat de sous-occupation ne peut reconnaître au sous-occupant plus de droits que ceux dont bénéficie l'occupant principal ;
- les occupants du domaine public ne peuvent bénéficier de l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-14 du code de commerce ;
- la libération du hangar devait intervenir dans les meilleurs délais pour les besoins de ses services ;
- la contravention de grande voirie implique obligatoirement une réparation de l'atteinte portée au domaine public par la remise en état des lieux le cas échéant.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 juin 1986, le maire de la commune de Gurgy a été autorisé par le service de la navigation de l'Yonne à implanter pour une durée de vingt ans à compter du 1er juin 1986 un atelier, un bureau et une surface de dépôt sur la rive gauche de l'Yonne, au point kilométrique 12.700 du domaine public fluvial confié à l'établissement Voies navigables de France (VNF). À compter du 15 mars 1999, la commune de Gurgy a donné à bail une partie de la surface de dépôt à la société Bâtiment Évolution 2000. L'autorisation d'occupation temporaire du domaine public fluvial accordée à la commune a été abrogée à compter du 1er janvier 2001 par un arrêté du 5 juin 2000 de VNF. Par une délibération de son conseil municipal du 9 février 2017, la commune de Gurgy a rejeté la proposition de VNF de conclure une convention d'occupation temporaire qui aurait permis à la société Bâtiment Évolution 2000 d'occuper régulièrement le hangar. VNF a vainement proposé à la société une convention d'occupation temporaire pour une courte durée jusqu'à fin 2018. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 28 décembre 2018 à l'encontre de la société Bâtiment Évolution 2000. Celle-ci relève appel du jugement du 11 octobre 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à payer une amende de 1 500 euros et à restituer dans un état permettant leur utilisation les locaux occupés sans droit ni titre dans le délai de trois mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Sur la contravention de grande voirie :
2. En vertu de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public de l'État ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. En vertu de l'article L. 2132-26 de ce code, sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder 1 500 euros. Aux termes de L. 2132-27 du même code : " Les contraventions (...) qui sanctionnent les occupants sans titre d'une dépendance du domaine public, se commettent chaque journée et peuvent donner lieu au prononcé d'une amende pour chaque jour où l'occupation est constatée, lorsque cette occupation sans titre compromet l'accès à cette dépendance, son exploitation ou sa sécurité. ".
3. En outre, en vertu de l'article L. 2111-10 du code général de la propriété des personnes publiques, les ouvrages ou installations destinés à assurer la sécurité et la facilité du halage appartiennent au domaine public fluvial artificiel.
4. Il résulte de l'instruction que le bâtiment occupé par la société Bâtiment Évolution 2000 a été édifié par la commune de Gurgy sur un chemin de halage du canal de dérivation de l'Yonne. Ce chemin est au nombre des ouvrages destinés à faciliter le halage dans sa portion comprise entre le point kilométrique 10.500 et le point kilométrique 15.500, qui appartient à l'État.
5. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le hangar occupé par la contrevenante a été édifié par la commune de Gurgy qui en a été propriétaire pendant la durée de l'autorisation d'occupation temporaire. À la cessation de l'autorisation, le hangar est devenu de plein droit propriété de l'État.
6. Selon l'article L. 4313-2 du code des transports, VNF est substitué à l'État dans l'exercice des pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public qui lui est confié. Il en résulte que VNF est compétent pour poursuivre la procédure de contravention de grande voirie visant l'occupation irrégulière par la société Bâtiment Évolution 2000 d'une parcelle relevant du domaine public fluvial et sur laquelle est édifié le hangar devenu la propriété de l'État.
7. Le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 28 décembre 2018 a été notifié le 24 janvier 2019 à la société Bâtiment Évolution 2000, après l'expiration du délai de dix jours prévu par l'article L. 774-2 du code de justice administrative. Toutefois ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité. La durée excessive de la notification n'est donc pas de nature à rendre la notification irrégulière et ce même délai, pour regrettable qu'en soit la durée, n'a pas été de nature à porter atteinte aux droits de la défense.
8. Du fait de l'abrogation de l'autorisation d'occupation temporaire accordée à la commune de Gurgy, la société Bâtiment Evolution 2000, qui ne saurait se prévaloir d'une autorisation d'occupation que lui aurait accordée tacitement VNF, n'avait plus aucun droit à occuper le hangar et le terrain en cause à compter du 1er janvier 2001.
9. Compte tenu de la durée persistante de l'occupation irrégulière de la société Bâtiment Évolution 2000 sur le chemin de halage du canal de dérivation de l'Yonne, elle n'est pas fondée à soutenir, alors qu'elle se borne à invoquer la circonstance qu'elle a occupé paisiblement le hangar pendant une vingtaine d'années et qu'elle y a développé une large clientèle, que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Dijon a fixé à 1 500 euros le montant de l'amende.
10. Quel qu'ait été le projet de VNF, le président du tribunal administratif de Dijon était tenu, sans avoir à rechercher si le maintien en place de la société Bâtiment Évolution 2000 compromettait l'installation dans de nouveaux locaux d'une partie des services de l'établissement, de faire droit à la demande de celui-ci tendant à ce qu'il soit enjoint à la société de libérer le domaine public qu'elle occupait sans titre. La contrevenante ne peut davantage utilement soutenir que l'injonction sous astreinte de libérer le domaine public fluvial n'est pas justifiée en l'absence d'urgence, le caractère irrégulier de l'occupation suffisant à fonder l'obligation de quitter les lieux.
11. La société Bâtiment Évolution 2000 qui n'établit pas l'état de vétusté du local à son entrée dans les lieux, n'est pas fondée à contester sa condamnation par le premier juge à restituer le hangar dans un état permettant son utilisation ni l'autorisation qu'il a donnée à VNF de procéder, à défaut, à la remise en état des lieux à ses frais.
Sur l'indemnité d'éviction :
12. Le président du tribunal administratif de Dijon a justement rejeté comme irrecevables dans le contentieux de la contravention de grande voirie les conclusions reconventionnelles de la société Bâtiment Évolution 2000 tendant à la condamnation de VNF à lui verser une indemnité d'éviction en application de l'article L. 145-14 du code de commerce. En tout état de cause, compte tenu du caractère révocable et personnel d'une autorisation d'occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d'un fonds de commerce dont l'occupant serait propriétaire. Si la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel " Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre ", ces dispositions ne sont, dès lors que la loi n'en a pas disposé autrement, applicables qu'aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur. Par suite, l'exploitant qui occupe le domaine public ou doit être regardé comme l'occupant en vertu d'un titre délivré avant cette date, qui n'a jamais été légalement propriétaire d'un fonds de commerce, ne peut prétendre à l'indemnisation de la perte d'un tel fonds. Il en résulte que la société Bâtiment Évolution 2000 n'est pas fondée à prétendre qu'elle a le droit d'obtenir une indemnisation à un tel titre par VNF.
13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la société Bâtiment Évolution 2000 n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Sa requête doit donc être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Bâtiment Évolution 2000 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bâtiment Évolution 2000, à Voies navigables de France et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
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N° 19LY04598