Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I - Mme D... A..., épouse C..., et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sous le n° 1701181, de condamner la commune de Cros de Ronesque à procéder à ses frais au remplacement des grilles d'évacuation le long d'une canalisation d'évacuation des eaux de ruissellement et d'entretenir régulièrement ces grilles d'évacuation, de condamner la commune de Cros de Ronesque à procéder à ses frais au creusement d'un fossé d'évacuation des eaux de ruissellement au droit de la sortie d'une buse d'évacuation dans la parcelle A 89 jusqu'au point bas de ladite parcelle et de condamner la commune de Cros de Ronesque à leur verser une somme 896 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi.
II - Mme D... A..., épouse C..., et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sous le n° 1701213, de condamner la commune de Cros de Ronesque à leur verser une somme de 11 418 euros pour des travaux de canalisation des eaux de ruissellement dans la parcelle cadastrée A 89 et de condamner la commune de Cros de Ronesque à leur verser une somme 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral lié aux contraintes qu'ils subissent.
Par un jugement n° 1701181 et 1701213 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rayé du registre du greffe du tribunal administratif les productions enregistrées sous le n° 1701181 et les a jointes à la requête n° 1701213, a rejeté la demande présentée par M. et Mme C..., a mis les frais d'expertise à la charge de M. et Mme C... et a rejeté les conclusions présentées par la commune de Cros de Ronesque sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, et un mémoire, enregistré le 31 juillet 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Petitjean, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de condamner la commune de Cros de Ronesque à leur verser la somme de 20 000 euros représentant le coût des travaux de sortie des eaux, la somme de 32 500 euros représentant la différence entre la valeur du terrain à bâtir perdue et la valeur du terrain agricole, la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour les tracas causés, la somme de 454 euros au titre des frais de constat d'huissier ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise supplémentaire afin de décrire et chiffrer les travaux de sortie des eaux ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Cros de Ronesque la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- les travaux entrepris ont généré des inondations de leur parcelle qui portent atteinte à sa valeur agricole et à sa valeur de terrain à bâtir ; le préjudice subi du fait de l'aggravation de la servitude s'avère grave et spécial ;
- l'article 640 du code civil a été méconnu par la commune dès lors qu'elle ne pouvait pas aggraver, par des travaux, l'écoulement des eaux pluviales ;
- en application de l'article R. 141-2 du code de la voirie routière, la commune est tenue d'établir un profil en long et en travers des voies communales de manière à permettre l'écoulement des eaux pluviales ;
- la commune doit effectuer les travaux appropriés pour mettre un terme aux inondations de leur parcelle ;
- la commune a commis des négligences ;
- la commune a réalisé les travaux sans accord du département et sans respecter les exigences d'une enquête publique préalable ; si en application du règlement de la voirie départementale du Cantal, les communes peuvent réaliser certains aménagements urbains en agglomération après autorisation du département, la commune de Cros de Ronesque n'a pas sollicité une telle autorisation ; en raison de l'aménagement et de la suppression des fossés ouverts pour la collecte des eaux pluviales de la route, l'entretien du réseau hydraulique canalisé est dorénavant de la compétence de la commune.
Par un mémoire, enregistré le 16 avril 2021, la commune de Cros de Ronesque, représentée par Me Moins, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes indemnitaires, majorées et nouvelles par rapport à la demande préalable en indemnisation, sont irrecevables ;
- selon l'expert, l'exploitant des parcelles à l'état de pré n'a pas remarqué une quelconque aggravation des écoulements d'eaux sur la parcelle litigieuse et ceci depuis les travaux réalisés par la commune ; l'expert a précisé que la zone humide est relativement limitée et la circonstance que la parcelle a été fanée par l'exploitant à l'aide d'un engin agricole démontre que les écoulements d'eaux sont demeurés limités ;
- l'expert ne procède à aucune évaluation de la quantité d'eau supplémentaire qui serait recueillie par le fossé et qui désormais s'écoulerait dans la parcelle A 89 ; l'expert n'a pas déterminé si les grilles d'évacuation sur la voie communale sont sous-dimensionnées par rapport au volume d'eau lors de pluies ; il n'y a pas eu de modification du profil de la chaussée ; l'affirmation de l'expert selon lequel l'agrandissement de la surface de chaussée aurait pour effet d'entraîner un apport d'eau plus important apparaît peu crédible ; les grilles d'évacuation des eaux ne sont pas encombrées de matériaux ; les conclusions de l'expert sont contredites par celles de l'expert de sa compagnie d'assurance ;
- depuis 2003, il n'y pas eu de travaux sur le tronçon de la rue en litige ; les seuls travaux réalisés fin 2011/début 2012 par ERDF ont eu pour objet l'enfouissement d'un câble électrique ; les travaux de voirie réalisés en 2008 concernent la rue de l'Eglise et non la rue relative au litige ; en 2011, lors de l'aménagement du bourg, des travaux de maçonnerie ont eu lieu le long de cette voie mais pas à l'endroit du busage ;
- un défaut d'entretien à l'origine du préjudice invoqué n'est pas établi ;
- s'agissant du coût des travaux évalués à 20 000 euros, les époux C... ne donnent ni explication ni devis concernant la nature des travaux à réaliser ;
- s'agissant de la somme de 32 500 euros, leur terrain n'est pas un terrain à bâtir et, s'il l'était, les époux C... ne justifient pas que ce terrain ne serait plus constructible ; il n'est pas justifié de la valeur du terrain à bâtir ; si l'expert a évalué la valeur vénale de la parcelle à 8 500 euros, cette appréciation n'est pas justifiée ;
- s'agissant de la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts, les époux C... ne justifient pas d'un préjudice en lien avec les faits reprochés à la commune.
Par une ordonnance du 4 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 août 2021.
Par courrier du 15 septembre 2021, la cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que la responsabilité pour faute ne peut être invoquée pour la première fois en appel.
Un mémoire récapitulatif enregistré le 17 septembre 2021, présenté pour la commune de Cros de Ronesque n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny, président,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... sont propriétaires de la parcelle cadastrée A 89, d'une superficie de 2 108 m², en bordure de la route départementale 459 à Cros de Ronesque dans le département du Cantal. La commune de Cros de Ronesque a réalisé des travaux de pose de canalisation dans un fossé longeant cette voie départementale, dans sa partie traversant son bourg. Estimant subir depuis ces travaux une aggravation des préjudices résultant de l'écoulement des eaux pluviales sur leur parcelle, les époux C... ont demandé à la commune de " mettre fin à ces désagréments " puis ils ont demandé la réalisation d'une expertise au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. L'expert désigné a déposé son rapport le 13 juillet 2016 et M. et Mme C... ont présenté le 20 mars 2017 une réclamation indemnitaire à la commune, qui l'a rejetée implicitement. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de la commune de Cros de Ronesque à leur verser une somme de 11 418 euros au titre de travaux de canalisation des eaux de ruissellement sur la parcelle cadastrée A 89 et à les indemniser des autres préjudices subis.
Sur la responsabilité de la commune de Cros de Ronesque :
En ce qui concerne la responsabilité pour dommage de travaux publics :
2. Même sans faute de sa part, le maître de l'ouvrage est intégralement responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont il a la garde, en raison tant de leur existence que de leur entretien ou de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure, sans pouvoir utilement invoquer le fait du tiers. Les tiers victimes sont tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère permanent, alors qu'ils ne sont pas tenus de démontrer ce caractère grave et spécial lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'à sa date d'acquisition par les époux C..., la parcelle A 89, située en point bas du bourg, recueillait les eaux de pluie en provenance du haut du bourg par un fossé à ciel ouvert. L'expert indique que : " avant les travaux de 2011 (drain et canalisation placée dans le fossé, matériau filtrant, couverture par goudronnage), les nuisances issues de la collecte de ces eaux du haut du bourg n'ont pas augmenté. Cependant avant l'élargissement de la route, le fossé recueillait aussi toutes les eaux de ruissellement de la surface de roulement lors des gros épisodes pluvieux. Il est évident que ce fossé jouait le rôle de collecteur aussi bien que de tranchée filtrante pour cette grande surface en pente (environ 800 m²). Maintenant que le revêtement imperméable arrive contre le muret, ce rôle n'existe plus. Le débit qui se présente aux grilles d'évacuation peut donc être très important, ce qui va entrainer une dégradation du terrain en sortie de la buse. En outre, ces grilles (de surface trop faible) ne pourront absorber tout le flot (surtout si elles sont encombrées de matériaux) et le flot se déversera depuis le point bas de la route par l'entrée de la parcelle A 89 créant une vaste zone de submersion. Ainsi les travaux de 2011 ont créé à l'évidence les conditions d'aggravation de la servitude de collecte des eaux lors de périodes de forte pluviométrie ". L'expert conclut que " ces travaux réalisés selon le plan du maître d'œuvre, s'ils ont collecté les eaux de la partie amont du bourg qui se déversaient préalablement dans le fossé ont aussi par élargissement de la voirie et comblement de ce fossé qui avait une action drainante, augmenté le débit des eaux de ruissellement en partie basse de la route en cas de fortes pluies, aggravant ainsi la servitude de collecte de ces eaux ".
4. La commune de Cros de Ronesque fait valoir que, depuis 2003, elle n'a pas engagé de travaux sur le tronçon de la rue en litige. Toutefois, en se bornant à produire une facture de l'entreprise EATP du 30 juin 2003 relative à des travaux de voirie et comportant la mention de la fourniture, le transport et la mise en œuvre de canalisation PVC 250 ainsi que la création de puisard avec grille sans que soit précisée la localisation de ces travaux, une facture de la même entreprise du 30 septembre 2008 relative à des travaux de voirie en 2008, qui ne concerne pas la rue litigieuse, et une facture du 29 novembre 2011 relative à des travaux d'aménagement de la traversée du bourg, elle n'établit pas qu'elle n'aurait pas réalisé en 2011, comme l'affirme l'expert, des travaux consistant en l'élargissement de la chaussée d'environ un mètre, ce qui a entrainé le busage d'un fossé à ciel ouvert existant par une canalisation PVC de diamètre 25 cm et un drain agricole annelé recouverts de matériaux filtrants puis d'enrobé, et en la pose de grilles de récupération des eaux pluviales et de ruissellement avec le maintien de l'usage des deux évacuations existantes en limite de parcelles A 89-A 90 et sur la parcelle A 89.
5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la conjonction de l'imperméabilisation de la route départementale jusqu'au pied du muret la longeant, entraînant la couverture totale du fossé préexistant, et du sous-dimensionnement des grilles d'évacuation des eaux pluviales situées sur des terrains en pente, conduit à concentrer l'écoulement des eaux pluviales vers le point bas de la route, à savoir la parcelle A 89. La conception de ce réseau est, selon l'expertise, la cause de l'aggravation de la servitude de collecte des eaux de ruissellement de la rue principale de la commune lors des gros épisodes pluvieux. Ainsi les dommages invoqués par M. et Mme C..., qui ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public constitué de la canalisation et du fossé recouvert d'un revêtement imperméable, sont liés à l'existence même et au fonctionnement de cet ouvrage public. Ils présentent ainsi le caractère d'un dommage permanent de travaux publics et non d'un dommage accidentel. Il s'ensuit qu'il appartient à M. et Mme C... d'établir le caractère grave et spécial des préjudices qu'ils subissent pour engager la responsabilité de la commune de Cros de Ronesque en raison des conséquences dommageables du ruissellement des eaux pluviales sur leur propriété.
6. Les époux C... font valoir qu'ils subissent une perte de la valeur vénale de leur terrain qui aurait vocation à être bâti. Toutefois, si les époux C... subissent une perte de la valeur vénale de ce terrain évaluée par l'expert à hauteur de 896 euros et tenant compte uniquement de son caractère agricole, ce préjudice ne revêt pas un caractère anormal dès lors que, d'une part, M. et Mme C... n'établissent pas que le terrain serait classé en zone constructible et, d'autre part, que l'expert a estimé, sans que cela soit sérieusement contesté, à 10 % la surface du terrain de 2 108 m² connaissant une dégradation globale du sol du fait du ruissellement des eaux par compactage de la terre, création d'ornière et érosion et a constaté que l'usage agricole de cette parcelle à l'état de pré n'est pas rendu impossible du fait de l'aggravation de la servitude de collecte des eaux de ruissellement. Les époux C... font, en outre, état d'un préjudice moral relatif aux tracas causés mais ne l'établissent pas, eu égard, comme il a été dit, aux circonstances que l'usage agricole de cette parcelle à l'état de pré n'est pas rendu impossible du fait de l'écoulement des eaux pluviales et que le fermier a indiqué ne subir aucune gêne dans l'exploitation de cette parcelle. Par suite, les époux C... n'établissent pas que la perte de la valeur vénale et le préjudice moral qu'ils estiment subir du fait de l'existence et du fonctionnement de l'ouvrage public présentent le caractère de gravité nécessaire à l'engagement de la responsabilité de la commune. Il s'ensuit que la responsabilité de la commune de Cros de Ronesque ne saurait être engagée sur le fondement des dommages permanents de travaux publics. Enfin, les requérants ne sont pas fondés à demander que la commune de Cros de Ronesque soit condamnée à leur verser une indemnité de 20 000 euros au titre des travaux qui seraient nécessaires pour mettre fin à l'écoulement des eaux sur leur parcelle dès lors que cet écoulement ne leur cause pas un préjudice présentant un degré de gravité suffisant pour leur ouvrir un droit à indemnisation.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
7. M. et Mme C... ont recherché devant les premiers juges la responsabilité de la commune de Cros de Ronesque sur le seul fondement des dommages de travaux publics. Par suite, n'ayant invoqué en première instance qu'un régime de responsabilité sans faute, ils ne sont pas recevables à invoquer pour la première fois en appel la responsabilité pour faute de la commune du fait d'une éventuelle méconnaissance des dispositions de l'article R. 141-2 du code de la voirie routière, de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales ou de l'article 640 du code civil.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Cros de Ronesque ni d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Cros de Ronesque, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Cros de Ronesque présentées au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Cros de Ronesque sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme D... A... épouse C... et à la commune de Cros de Ronesque.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021.
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N° 20LY00533