Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices consécutifs aux accidents et maladies de service qui lui ont occasionné des congés maladie du 31 mai au 26 juin 2011, du 9 au 12 février 2012, du 22 au 29 janvier 2013 et du 17 au 20 juin 2014, outre le préjudice financier né du ralentissement de sa carrière à compter du 7 septembre 2007.
Par jugement n° 1802807 lu le 31 décembre 2019, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme B... une indemnité de 1 500 euros en réparation de ses souffrances morales et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 mars et le 10 décembre 2020 (ce dernier non communiqué), le ministre de l'éducation nationale demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, faire partiellement droit à une demande irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée dont était revêtue le jugement n° 1202025 du 6 mai 2015 ;
- les motifs des arrêts de travail ne suffisent pas à caractériser une souffrance morale indemnisable.
Par mémoire enregistré le 11 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Degrange, conclut au rejet de la requête. Elle demande en outre :
1°) par la voie de l'appel incident, que le montant de son indemnisation soit porté à 20 000 euros ;
2°) qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé et qu'elle a subi des souffrances morales, insuffisamment indemnisées, ainsi qu'un ralentissement de sa carrière.
La clôture d'instruction a été fixée au 10 décembre 2020, par une ordonnance du 20 octobre 2020.
En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la cour est susceptible d'opposer l'irrecevabilité des conclusions à fin d'indemnisation du ralentissement de carrière imputable à une faute de l'administration, relevant d'un litige distinct de l'appel principal et présentées postérieurement à l'expiration du délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
- et les observations de Me Degrange, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., maître des établissements d'enseignement privé sous contrat, a été affectée en 1995 au collège Notre Dame du Rocher à Chambéry où elle enseigne l'éducation physique et sportive. Elle a été placée en congés de maladie du 31 mai au 26 juin 2011, du 9 au 12 février 2012, du 22 au 29 janvier 2013 et du 17 au 20 juin 2014 pour soigner une pathologie reconnue comme imputable au service. Par courrier du 25 janvier 2018, elle a demandé au recteur le versement de la somme de 20 000 euros en indemnisation du préjudice moral né de cette maladie ainsi que le dédommagement des conséquences financières du ralentissement de carrière qui serait résulté de sa situation. Le ministre de l'éducation nationale relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat au versement de la somme de 1 500 euros pour préjudice moral, tandis que Mme B... relève appel incident du rejet du surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué, en tant qu'il condamne l'Etat :
2. La demande sur laquelle le tribunal administratif de Grenoble a statué par jugement n° 1202025 lu le 6 mai 2015 tendait à la réparation de divers préjudices découlant de l'illégalité du refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B.... La demande enregistrée sous le numéro 1802807 tendant à obtenir réparation des conséquences de la maladie de service avait un objet différent et le tribunal n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée dans l'instance n° 1202025 en ne rejetant pas comme irrecevable la seconde demande dont il était saisie et en y faisant partiellement droit. Ainsi l'objet et la cause de ces deux requêtes sont distincts, et le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en statuant sur une demande qui n'était pas irrecevable.
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne la réparation des conséquences de la maladie de service :
3. Mme B..., maître agréée d'un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par un contrat d'association, victime d'un accident de service, est en droit d'obtenir de l'Etat, en vertu de l'article R. 914-105 du code de l'éducation, même en l'absence de faute de ce dernier, réparation des préjudices personnels causés par cet accident, dès lors qu'elle bénéficie dans les mêmes conditions que les maîtres titulaires de l'enseignement public des avantages accordés en cas d'accident de service, sans préjudice d'une action indemnitaire visant à obtenir réparation sur le fondement de la faute.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la maladie psychique contractée en service par Mme B... lui a occasionné, en raison de sa nature même, une souffrance morale indemnisable en vertu des principes énoncés au point 3. Le ministre de l'éducation nationale n'est donc pas fondé à soutenir que le lien d'imputabilité au service ne serait pas suffisant pour fonder une condamnation. Toutefois, cette maladie n'a entraîné que quatre arrêts de travail d'une durée totale de trente-quatre jours sur l'ensemble de la période en litige. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat au versement d'une somme de 1 500 euros. Compte tenu de la gravité modérée de cette affection, il sera fait une juste évaluation du préjudice moral en en limitant le montant à la somme de 500 euros, tandis que Mme B... n'est pas fondée à demander que l'indemnisation que lui a allouée de ce chef le tribunal soit réévaluée.
5. En second lieu et d'une part, la maladie de service de Mme B... n'ayant été diagnostiquée qu'en 2011, le prétendu retard de promotion à la hors classe que celle-ci invoque depuis 2007 ne peut se rattacher aux conséquences que l'Etat est tenu de prendre en charge au titre de sa responsabilité sans faute d'employeur public. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de promotion à compter de 2011 soit liée aux quatre courtes périodes d'absence dues aux soins nécessités par la maladie de service. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation de ce chef de préjudice.
En ce qui concerne la réparation des conséquences de la gestion fautive de la carrière :
6. Les conclusions tendant à ce que l'Etat indemnise Mme B... du traitement discriminatoire et fautif dont elle soutient avoir été victime au sein de son établissement d'affectation se rattachent à un litige distinct de l'appel principal. Présentées après l'expiration du délai d'appel décompté depuis le 3 janvier 2020, date de notification du jugement, elles sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées.
7. Il résulte de ce qui précède, que le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme B... une somme excédant 500 euros et que le surplus des conclusions de l'appel principal ainsi que l'appel incident doivent être rejetés.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les conclusions présentées par Mme B..., partie perdante, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La condamnation de l'Etat prononcée par le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1802807 lu le 31 décembre 2019 est ramenée de 1 500 euros à 500 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1802807 du 31 décembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre de l'éducation nationale et les conclusions de Mme B... sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à Mme A... B....
Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2021.
N° 20LY00899 3
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