Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Domaine Bernard D... et Fils a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er août 2013 au 31 juillet 2015, des compléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1801944 du 7 octobre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 novembre 2019, le 2 septembre 2020 et le 23 mars 2021, la SARL Domaine Bernard D... et Fils, représentée par Me Fiorese, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'Etat aux dépens.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
- le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales a été méconnu, dès lors, d'une part, qu'elle ne pouvait opter pour la réalisation, en interne, des traitements demandés par l'administration, ces traitements étant inexécutables et, d'autre part, qu'elle n'a pas eu la possibilité d'effectuer un choix éclairé pour l'une ou l'autre des options ouvertes ;
- l'administration ne pouvait effectuer des traitements à partir des éléments non informatisés de sa comptabilité tels que ses déclarations de récolte, ses registres de caves et ses stocks ;
- l'administration ne pouvait régulièrement lui demander de lui remettre, sous format informatisé, des éléments de sa comptabilité qui ne faisaient pas partie du fichier des écritures comptables et qui n'avaient pas été répertoriés sous format informatique ;
- elle a été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire avec la vérificatrice ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, s'agissant du chef de redressement relatif à la réintégration d'un passif injustifié ;
- elle a été privée de la garantie tenant à un recours effectif à l'interlocuteur interrégional ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
- c'est à tort que l'administration a écarté sa comptabilité comme irrégulière et non probante ;
- la méthode de reconstitution utilisée par l'administration est approximative et ne permet pas une évaluation de ses chiffres d'affaires et de ses résultats plus juste que celle à laquelle elle a eu recours ;
- c'est à tort que l'administration a réintégré dans son résultat imposable la somme de 35 689 euros regardée comme un abandon de créance de Mme F... D..., dès lors que cette somme correspond en réalité au remboursement des avances consenties par le gérant à sa mère et que la société conserve une dette à l'égard de son associé ;
- c'est à tort que l'administration a réintégré dans son résultat imposable la somme de 25 000 euros regardée comme un passif injustifié, dès lors que cette somme n'a été inscrite que pour éviter que le compte courant de M. D... dans les écritures de la société ne se trouve débiteur ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause une provision constituée en 2015 pour dépréciation des stocks antérieurs à 2013, dès lors que la dépréciation a été calculée en retenant des prix comparables à ceux retenus par le vérificateur dans le cadre de la reconstitution de son chiffre d'affaires ;
En ce qui concerne les majorations :
- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Domaine Bernard D... et Fils, qui a pour activité la production et le négoce de vins de Bourgogne à Meursault (Côte-d'Or) et qui a pour gérant M. C... D..., par ailleurs associé à hauteur de 24,99 % des parts, a fait l'objet d'un contrôle inopiné, les 2 et 3 décembre 2015, portant sur l'inventaire de ses stocks, suivi d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er août 2012 au 31 juillet 2015. Après avoir écarté la comptabilité regardée comme irrégulière et non probante et reconstitué les chiffres d'affaires et les résultats de la société au titre de la période vérifiée, l'administration a réintégré, dans les chiffres d'affaires et les résultats déclarés, le montant des recettes omises. Elle a également réintégré, dans les résultats de l'exercice clos en 2015, une somme de 35 689 euros résultant d'un abandon de créance et une somme de 25 000 euros regardée comme un passif injustifié. Enfin, elle a partiellement remis en cause, au titre de ce même exercice, une provision pour dépréciation des stocks antérieurs à 2013. En conséquence de ces rectifications, la SARL Domaine Bernard D... et Fils a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er août 2013 au 31 juillet 2015 et à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, auxquels ont été appliqués l'intérêt de retard et des majorations pour manquement délibéré. La SARL Domaine Bernard D... et Fils relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations dont elles ont été assorties.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " IV. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général./ Le premier alinéa du présent article s'applique également aux fichiers des écritures comptables de tout contribuable soumis par le code général des impôts à l'obligation de tenir et de présenter des documents comptables autres que ceux mentionnés au premier alinéa du même article 54 et dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés./ L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis. (...) ".
3. Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, dont les données sont soumises au contrôle qu'ils prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.
4. Il résulte de l'instruction que la SARL Domaine Bernard D... et Fils a eu recours, à compter du 1er mai 2012, à un logiciel SAGE comprenant à la fois des fonctionnalités de gestion commerciale et de tenue de la comptabilité. L'administration a relevé, au cours de la vérification de comptabilité, que, s'agissant des ventes effectuées par la société depuis son siège, qui ne représentaient qu'une partie des ventes effectuées, la société établissait des factures sur des facturiers " papier ", puis les saisissait quotidiennement dans l'application de gestion commerciale, tandis que les factures de vente de vin expédiés étaient éditées après saisie directe dans cette même application. L'administration a également constaté que si les applications de gestion commerciale et de tenue de la comptabilité du logiciel n'étaient pas reliées entre elles, les données issues de l'une faisaient l'objet de reversements manuels dans l'autre. Il résulte de ces constatations que les données de l'application de gestion commerciale utilisée par la société constituent des informations concourant directement ou indirectement à l'élaboration des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, et entraient en conséquence dans le champ du contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'application de gestion commerciale n'était pas connectée à l'application de comptabilité. Il s'ensuit que les données issues de l'application de gestion commerciale entraient dans le champ de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Dès lors qu'elle a eu recours à ce logiciel de gestion commerciale et de tenue de la comptabilité pour l'établissement de ses documents comptables, lequel lui a permis de procéder à une centralisation de ses recettes de manière informatique, la société requérante doit être regardée comme ayant tenu sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, alors même qu'une partie de ses documents comptables était initialement établie sous format " papier ". Contrairement à ce que soutient la SARL Domaine Bernard D... et Fils, la copie des fichiers qu'elle a remise à la vérificatrice contenait uniquement des données, relatives à la nature et au montant des ventes opérées, que l'administration pouvait consulter en application des articles L. 13 du livre des procédures fiscales et 54 du code général des impôts et qu'elle pouvait utiliser pour effectuer les traitements informatiques envisagés sur le fondement de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les traitements opérés par l'administration sur les données en cause auraient été irréguliers.
5. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " II.- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 ".
6. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a ensuite fait le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.
7. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 19 janvier 2016, la vérificatrice, après avoir rappelé les modalités concrètes de facturation et de comptabilisation employées par la SARL Domaine Bernard D... et Fils, a informé cette dernière de son souhait de procéder à quatre types de traitements, portant, respectivement, pour le premier, sur l'appréciation du caractère probant de la comptabilité par l'analyse de la cohérence et de la concordance des données de la gestion commerciale présentée (séquentialité des enregistrements, chronologie des transactions, suppression d'enregistrements et comptabilité matière), pour le deuxième, sur la validation du chiffre d'affaires comptabilisé ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée, pour le troisième, sur la détermination du nombre ou de la quantité de références (bouteilles ou autres) vendues (comptabilité matière) et du chiffre d'affaires généré par ces ventes et enfin, pour le dernier, sur le calcul des prix de vente moyen par appellation. Cette lettre précisait ensuite les modalités de présentation des fichiers informatiques en renvoyant aux prévisions de l'article A47 A-2 du livre des procédures fiscales. Enfin, elle indiquait les trois options ouvertes à la société aux fins de satisfaire à la demande de traitement de l'administration, en renvoyant aux trois aliénas du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et en précisant, pour chacune de ces options, les conditions de présentation des fichiers et les délais de remise.
8. Il résulte de ces éléments, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la SARL Domaine Bernard D... et Fils, l'administration a indiqué, d'une façon suffisamment précise et intelligible, la nature des investigations qu'elle souhaitait effectuer sur la partie de sa comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés, de telle sorte que la société a pu effectuer de façon éclairée son choix entre les trois options qui lui étaient offertes. Il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu des modalités particulières selon lesquelles elle a tenu sa comptabilité, et, notamment, de la circonstance que les données relatives aux stocks, les déclarations de récolte et le registre de cave étaient répertoriés sous format " papier ", la société aurait été dans l'incapacité technique d'effectuer les traitements envisagés par la vérificatrice, et qu'elle a été en pratique privée de la possibilité d'opérer un choix pour l'option b). En outre, ni les dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, ni aucune autre disposition n'imposent de délai spécifique entre le moment où le contribuable est informé de la nature des investigations souhaitées et invité à choisir entre les options prévues par le II de cet article et le moment où il formalise ce choix par écrit. Par suite, la circonstance que la société a effectué son choix, en l'espèce, pour l'option c), le jour même où le courrier de l'administration lui offrant les différentes options lui a été remis, n'est pas de nature à entacher la procédure d'imposition d'irrégularité. Enfin, il ne résulte d'aucun élément du dossier que le choix de la société pour l'option c) aurait été obtenu par l'administration fiscale sous la contrainte ou à la suite de manœuvres. Par suite, la SARL Domaine Bernard D... et Fils n'est pas fondée à soutenir que le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales a été méconnu.
9. En dernier lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
10. Il est constant que la vérification de comptabilité de la SARL Domaine Bernard D... et Fils s'est déroulée au siège social de l'entreprise et que le contrôle a donné lieu à plusieurs rencontres entre la vérificatrice et les représentants de la contribuable entre le 15 décembre 2015, date de l'engagement de la vérification de comptabilité, et le 5 avril 2016, date de la réunion de synthèse. En se bornant à faire état de la complexité des opérations de reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats et à alléguer, sans au demeurant l'établir, qu'elle était dans l'incapacité de vérifier par elle-même les résultats obtenus par l'administration, la société n'établit pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues sur le montant de ses chiffres d'affaires et de ses résultats et n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle avait été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec la vérificatrice.
En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :
11. La SARL Domaine Bernard D... et Fils reprend en appel le moyen, invoqué en première instance, tiré de ce que la proposition de rectification du 7 juin 2016 est insuffisamment motivée s'agissant du chef de redressement résultant de la réintégration dans son résultat de l'exercice clos en 2015 du passif injustifié de 25 000 euros. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Dijon.
En ce qui concerne la rencontre avec l'interlocuteur interrégional :
12. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". La charte remise au contribuable précisait : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). Si après ces contacts des divergences subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque des désaccords subsistent entre l'administration et le contribuable sur les redressements envisagés, il est loisible au contribuable de faire appel à l'interlocuteur départemental, aussi bien avant la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'après que cette commission, saisie par ailleurs, a rendu son avis et, dans cette dernière hypothèse, jusqu'à la date de la mise en recouvrement de l'impôt.
13. Il est constant que, par un courrier du 22 novembre 2016, la SARL Domaine Bernard D... et Fils a, d'une part, sollicité la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et, d'autre part, demandé un entretien avec l'inspecteur principal puis, le cas échéant, avec l'interlocuteur départemental, et, que, conformément à sa demande, elle a pu rencontrer l'interlocuteur interrégional le 10 avril 2017. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des termes mêmes du courrier du 15 mai 2017 dans lequel l'interlocuteur interrégional a formalisé le contenu de cet entretien, qu'au cours de celui-ci, la SARL Domaine Bernard D... et Fils a pu exposer les raisons pour lesquelles elle contestait les rectifications proposées et a, notamment, fait valoir qu'elle n'avait pas été en mesure de vérifier les résultats des investigations effectuées par la vérificatrice et que la réalité économique de son activité n'avait pas été prise en compte, critiques auxquelles l'interlocuteur a répondu de façon détaillée. Dans ces conditions, la seule circonstance que le secrétaire de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a adressé à la SARL Domaine Bernard D... et Fils, le 14 mars 2017, soit avant la tenue de l'entretien avec l'interlocuteur interrégional, un courrier l'informant que le litige l'opposant à l'administration fiscale serait examiné lors d'une prochaine séance, dont la date n'était, au demeurant, pas encore déterminée, n'est pas de nature à établir que, comme le soutient la société requérante, la réunion avec l'interlocuteur interrégional a été purement formelle, qu'elle n'a pas pu discuter les redressements et qu'elle a ainsi été privée de la garantie tenant à un recours effectif à l'interlocuteur interrégional.
14. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des paragraphes n° 14 et 15 de la documentation administrative référencée BOI 13 L-2-08, n° 80 et 90 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-60-40-10, n° 640 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40, ni du paragraphe n° 40 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40 qui sont relatifs à la procédure d'imposition et ne peuvent être regardés comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
15. En vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe à cette dernière.
16. L'administration a constaté, au cours du contrôle, que la SARL Domaine Bernard D... et Fils, qui dispose, en plus du caveau situé à Meursault, de plusieurs entrepôts et lieux de dépôt-vente situés à Pommard, Volnay et Beaune, commercialise à Meursault, outre les vins qu'elle produit sur sa propriété, les vins provenant d'exploitations viticoles appartenant à M. C... D..., Mme F... D... et M. E... B... ou M. A... D.... Les recettes issues de la vente de vins provenant d'autres exploitations étaient créditées aux comptes courants d'associés ouverts dans les écritures de la société, au nom, respectivement, de " Philippes Ventes ", " MJD Ventes ", " B... " et " Alban D... ", la SARL Domaine Bernard D... et Fils refacturant également à ces exploitants des frais de vinification.
17. L'administration a en outre relevé que la SARL Domaine Bernard D... et Fils a eu recours, pour la tenue de sa comptabilité, à un logiciel contenant des applications de comptabilité et de gestion commerciale qui n'étaient pas renseignées de façon automatique ni reliées entre elles, que les ventes effectuées au caveau de Meursault, qui concernaient pour partie des vins provenant d'autres domaines, étaient retranscrites périodiquement de façon manuelle dans le logiciel commercial, et que les données relatives aux stocks, qui étaient tenues sur des fichiers non dématérialisés, n'étaient pas intégrées dans le logiciel de gestion commerciale et de tenue de la comptabilité. L'administration a également relevé l'existence de ruptures dans la séquentialité des factures émises par la société, au nombre de 33 au titre de l'exercice clos en 2014 et de 56 au titre de l'exercice clos en 2015, l'existence d'écarts importants, tant négatifs que positifs, atteignant pour certains produits plus de 200 %, entre les stocks résultant de la comptabilité " papier " et ceux reconstitués à partir de l'inventaire physique réalisé de façon contradictoire lors du contrôle inopiné des 2 et 3 décembre 2015, de même que la présence d'écarts importants entre les ventes déclarées et celles reconstituées en tenant compte de l'état des stocks d'ouverture et de clôture, du volume de la récolte et des pertes, et, enfin, l'absence de clôture de la comptabilité de l'exercice 2015. Elle a considéré que la comptabilité des exercices clos en 2014 et 2015 était irrégulière et non probante.
18. La SARL Domaine Bernard D... et Fils ne conteste pas l'existence de ruptures dans la séquentialité des factures qu'elle a présentées et l'absence de clôture des comptes au titre de l'exercice 2015. Si elle fait état du caractère marginal de ces anomalies, il résulte de l'instruction, et, notamment, des mentions de la proposition de rectification, que les lacunes sont répétées sur les deux exercices concernés. L'administration fait en outre état de l'importance des recettes non déclarées, lesquelles correspondent, selon les différentes appellations commercialisées par la société, à des omissions de ventes allant de plusieurs centaines à plusieurs milliers de bouteilles de vin par exercice. Dans ces conditions, l'administration a pu se fonder sur le nombre significatif de factures manquantes. Si la SARL Domaine Bernard D... et Fils conteste par ailleurs la fiabilité de l'inventaire des stocks effectué les 2 et 3 décembre 2015 en indiquant que ce dernier s'est déroulé dans la précipitation, il résulte toutefois de l'instruction, et, notamment, des procès-verbaux d'inventaire annexés à la proposition de rectification, que, d'une part, les opérations d'inventaire ont été effectuées par la vérificatrice assistée de trois inspecteurs des finances publiques et de deux contrôleurs en présence du gérant assisté d'un conseil, et, d'autre part, qu'elles se sont étendues sur deux journées et ont donné lieu à un inventaire détaillé précisant, pour chacune des 22 appellations commercialisées, la récolte de l'année ainsi que le stock en vrac et le stock en bouteilles. La seule circonstance que l'administration a effectué, à la même date, l'inventaire du domaine exploité à titre individuel par M. D..., n'est pas de nature à remettre en cause la validité du contrôle ni la fiabilité les résultats obtenus. Si la SARL Domaine Bernard D... et Fils soutient en outre que les écarts positifs entre les ventes comptabilisées et celles reconstituées s'expliquent par des déclassements qui n'avaient pas été répertoriés et fait valoir que l'administration n'a pas tenu compte des écarts négatifs, il résulte de l'instruction, d'une part, que l'administration a tenu compte des déclassements qui étaient établis et que la société n'apporte, à l'appui de ses affirmations, aucune précision ni aucun élément de preuve permettant d'établir qu'elle aurait été dans l'obligation d'effectuer des déclassements supplémentaires, alors que les écarts constatés atteignent, pour certaines appellations, entre 64 % et 277 % des ventes comptabilisées, d'autre part, que l'existence d'écarts négatifs est de nature à corroborer l'absence de sincérité de la comptabilité présentée, laquelle ne permet pas de s'assurer avec une précision suffisante du montant des recettes de la société.
19. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme établissant que la comptabilité de la SARL Domaine Bernard D... et Fils était irrégulière et dénuée de caractère probant, et qu'elle devait être écartée au titre des exercices clos en 2014 et 2015.
En ce qui concerne la reconstitution :
20. Aux termes de l'article L. 192 livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration n'a pas soumis le litige à l'avis de l'une des commissions visées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales et que le contribuable s'est opposé aux redressements qui lui ont été réclamés, la charge de la preuve pèse sur l'administration, alors même que la comptabilité du contribuable comporte de graves irrégularités.
21. En l'espèce, il est constant que, si la SARL Domaine Bernard D... et Fils avait initialement demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, elle s'est par la suite désistée de sa demande. Dans ces conditions, et dès lors que la requérante s'est par ailleurs opposée aux redressements, la charge de la preuve pèse sur l'administration.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :
22. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / [...] 2 La taxe est exigible : a) pour les livraisons et les achats visés au a) du 1 [...], lors de la réalisation du fait générateur ; / [...] ".
23. Il résulte de l'instruction que, pour procéder à la reconstitution des chiffres d'affaires de la SARL Domaine Bernard D... et Fils des périodes du 1er août 2013 au 31 juillet 2014 et du 1er août 2014 au 31 juillet 2015, l'administration a déterminé, pour chacune des 22 appellations commercialisées par la société et au titre de chaque période, le volume de vin sorti du stock, en soustrayant du stock comptable de début d'exercice auquel elle avait ajouté la récolte de l'année, le stock de fin d'exercice ainsi que les pertes et le vin offert dans le cadre de dégustations. Elle a comparé ce volume de vin sorti du stock au volume facturé et comptabilisé, en opérant un traitement informatique à partir des données extraites du logiciel de gestion commerciale et de comptabilité, après s'être assurée, au moyen de rapprochements et de sondages, de la fiabilité des données reportées sur ce fichier. Elle a ensuite appliqué au volume de vin sorti du stock, converti en bouteilles de 75 cl, un prix moyen pondéré par période et par appellation, en se fondant sur le prix constaté sur les factures de vente présentées et après avoir écarté les ventes en vrac au regard de leur caractère minoritaire. L'administration a admis un taux de pertes, résultant de mauvaises récoltes ou de dégradation en cours de stockage, de l'ordre de 6 %, en se référant à la moyenne admise pour la profession. Le montant des recettes non déclarées a été déterminé en multipliant le nombre de bouteilles par le prix moyen pondéré. Le service a par ailleurs tenu compte de frais liés à la mise en bouteille, évalués à 1 euro par bouteille. Le montant des recettes omises a ainsi été évalué à 143 175 euros pour la période du 1er août 2013 au 31 juillet 2014 et 171 919 euros pour la période du 1er août 2014 au 31 juillet 2015.
24. La SARL Domaine Bernard D... et Fils soutient, en premier lieu, que l'administration n'a pas tenu compte des déclassements ou replis l'ayant conduite à commercialiser une appellation d'origine sous une autre appellation plus générale. L'administration fait toutefois valoir, sans être utilement contredite, qu'elle a retenu l'ensemble des replis mentionnés sur le registre de cave tenus par la société, et, notamment, les déclassements entre les appellations Volnay Clos Village et Volnay ainsi qu'entre Volnay Premier Cru et Volnay Taillepieds Premier Cru. L'administration fait en outre valoir, sans être davantage contredite, que la société n'a déclaré aucun repli supplémentaire auprès de l'organisme de défense et de gestion et l'organisme de contrôle agréé, alors qu'une telle déclaration est obligatoire en vertu de l'article D. 644-9 du code rural et de la pêche maritime. La société ne produit aucune précision ni aucun justificatif permettant d'établir que les replis pris en compte par le service seraient insuffisants au regard de ceux qu'elle aurait réellement opérés.
25. La SARL Domaine Bernard D... et Fils soutient, en second lieu, que les écarts négatifs constatés par le service entre les ventes de vin comptabilisées et celles reconstituées s'expliquent par la vente du vin concerné sous d'autres appellations ou au titre d'autres exercices. Toutefois, l'administration fait valoir, ainsi qu'il a été dit au point précédent, qu'elle a tenu compte des replis dûment justifiés et que la société n'est pas autorisée à pratiquer des replis non déclarés, lesquels ne lui sont, en tout état de cause, pas favorables. En outre, il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué le stock réel de l'exercice clos en 2015 après avoir effectué un rapprochement entre l'inventaire physique du stock et le stock comptabilisé, et qu'elle a reconstitué les ventes opérées à partir des stocks ainsi identifiés. La SARL Domaine Bernard D... et Fils ne produit aucune précision ni aucun justificatif permettant d'établir que les sorties de stock relevées par le service au titre d'un exercice donné correspondraient en réalité à des ventes prises en compte au titre d'un exercice distinct.
26. Il résulte de ce qui précède que l'administration, qui comme il a été rappelé ci-dessus, ne pouvait se fonder sur la seule comptabilité de la société qui n'était pas régulière ni probante, apporte la preuve qui lui incombe que la méthode utilisée par elle, qui repose sur les données propres à l'entreprise, n'est ni radicalement viciée dans son principe, ni entachée d'approximation qui la rendrait excessivement sommaire.
S'agissant de l'impôt sur les sociétés :
Quant à la reconstitution des résultats :
27. L'administration doit être regardée, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 23 à 25 comme établissant que la méthode du vérificateur n'était ni excessivement sommaire ni radicalement viciée, et ainsi comme apportant la preuve du bien-fondé des redressements opérés au titre des exercices clos en 2014 et 2015 à la suite de la reconstitution des résultats de la société.
Quant aux sommes regardées comme des passifs injustifiés :
28. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...)2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ".
29. En premier lieu, l'administration a constaté, au cours de la vérification de comptabilité, que le compte courant d'associée ouvert dans les écritures de la SARL Domaine Bernard D... et Fils au nom de Mme F... D..., mère de M. C... D..., avait été débité, le 31 juillet 2015, d'une somme de 35 689 euros, et qu'une somme d'un même montant avait été portée, le même jour, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. C... D... par une écriture intitulée " réaffectation retraits ". Le service a en outre relevé que cette somme correspondait au montant total des retraits en espèces effectués par M. C... D... sur son compte courant par divers retraits effectués au cours de l'exercice clos en 2015. L'administration a considéré que, dès lors que la société ne démontrait pas l'existence d'une cession de créance entre ses associés, l'écriture en cause caractérisait un abandon de la créance détenue par Mme F... D... sur la société, à l'origine d'une augmentation de l'actif net de cette dernière et générant un profit imposable à son nom à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015.
30. La SARL Domaine Bernard D... et Fils, qui ne conteste pas devant la cour que le transfert de créance entre Mme D... et M. D... dont elle se prévaut n'a pas été effectué selon les formalités prescrites par l'article 1690 du code civil, soutient qu'elle apporte néanmoins la preuve de ce que la société demeure débitrice à l'égard de son associé, M. D..., d'une dette d'un même montant, justifiant le maintien d'une telle dette au passif de son bilan. Toutefois, la seule circonstance que le compte courant d'associée de Mme D... a été débité d'une somme du même montant que celle portée au crédit du compte de M. D... ne suffit pas pour admettre la compensation dont la société se prévaut et ne permet pas davantage de justifier l'inscription d'une dette de la société à l'égard de son associé. La SARL Domaine Bernard D... et Fils n'apporte aucun élément permettant de justifier du motif pour lequel elle aurait contracté une telle dette à l'égard de son associé. Dans ces conditions, et dès lors que la réalité de la substitution de créanciers alléguée n'est pas établie, la société requérante ne démontre pas que l'administration aurait à tort estimé que l'écriture en cause devait s'analyser comme un abandon de créance à son profit.
31. En second lieu, l'administration a constaté, au cours du contrôle, qu'une somme de 25 000 euros avait été portée, le 31 juillet 2015, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. C... D... dans les écritures de la SARL Domaine Bernard D... et Fils au titre de l'exercice clos en 2015. Considérant que la société n'avait pas été en mesure de justifier de la dette contractée à l'égard de son associé, l'administration a regardé cette somme comme un passif injustifié qu'elle a réintégré dans son résultat imposable de l'exerce clos en 2015.
32. La SARL Domaine Bernard D... et Fils reprend en appel le moyen, invoqué en première instance, tiré de ce que le redressement en cause n'était pas fondé. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Dijon.
Quant à la déduction d'une provision pour dépréciation de stock :
33. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) ". Aux termes du 3 de l'article 38 du même code : " (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. / (...) ". Lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle peut, à concurrence de l'écart constaté, soit opérer une décote, soit constituer une provision pour dépréciation. Une telle provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante.
34. L'administration a constaté que la SARL Domaine Bernard D... et Fils avait déduit de son résultat imposable de l'exercice clos en 2015 des dotations de provisions pour dépréciation de ses stocks correspondant aux récoltes antérieures à l'année 2013, pour un montant total de 241 731 euros en se fondant, pour le calcul de ces provisions, sur la différence entre le prix de revient et le prix de vente des produits en cause. L'administration, qui n'a pas remis en cause le prix de revient pris en compte par la société, a toutefois considéré que le montant retenu par la société pour le calcul des provisions ne reflétait pas la valeur probable de réalisation du stock dans la mesure où la société s'était fondée sur les tarifs, tels qu'indiqués dans un relevé qu'elle lui avait communiqués au cours de la vérification de comptabilité, qui correspondaient à la vente à destination des seuls professionnels et étaient appliqués pour des quantités minimales de 100 bouteilles, alors que la société comptait parmi sa clientèle des particuliers et effectuait une grande partie de ses ventes à l'unité. Elle a également considéré que la société ne justifiait pas de sa méthode consistant à appliquer une décote identique à l'ensemble de sa récolte antérieure à 2013, quel que soit le millésime. L'administration a, par conséquent, considéré que la société n'avait pas justifié avec une approximation suffisante du montant des provisions retenues, et a, par suite, réintégré dans son résultat de l'exercice clos en 2015 les dotations aux provisions pratiquées, à hauteur de 90 710 euros, montant ramené à 22 772 euros au stade de la réponse aux observations du contribuable.
35. La SARL Domaine Bernard D... et Fils, qui ne conteste plus, devant la cour, que la remise en cause des provisions constituées pour la dépréciation des stocks des appellations Auxey Duresse rouge, Beaune Boucherottes, Bourgogne rouge et Volnay Premier cru, soutient que les prix de vente qu'elle a retenus, d'un montant respectif de 9 euros, 15 euros, 4 euros et 13 euros, correspondent à ceux déterminés par l'administration dans le cadre de la reconstitution de son chiffre d'affaires. Il résulte toutefois de l'instruction, que, contrairement à ce que soutient la société, qui ne produit au demeurant pas la copie du CD-Rom dont elle se prévaut, le prix de vente des appellations en cause, s'agissant des millésimes 2012 et 2013, s'établit, respectivement, à 22 euros, 29 euros, 9 euros et 40 euros, à l'exception de quelques unités qui ne peuvent être regardées comme représentatives de la valeur réelle du stock, alors que le prix de revient, non contesté, des appellations en cause, a été évalué, respectivement, à 57 euros, 19 euros, 21 euros et 19 euros. En outre, la société n'apporte aucune précision ni aucun justificatif de nature à établir que l'ensemble de sa récolte antérieure à 2013 avait une valeur probable de réalisation identique à la clôture de l'exercice 2015, quel que soit le millésime. Dans ces conditions, l'administration a pu limiter la provision admise pour l'appellation Auxey Duresse rouge à la différence entre le prix de revient de 57 euros et le prix de vente pratiqué de 22 euros, et, pour les autres appellations, remettre en cause la totalité des provisions constituées dès lors que le prix de vente pratiqué était supérieur au prix de revient.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
36. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
37. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les compléments d'impôt sur les sociétés assignés à la SARL Domaine Bernard D... et Fils à raison de recettes non déclarées et de passifs injustifiés au titre des exercices clos en 2014 et 2015 ont été assortis de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Pour justifier l'application de cette majoration aux redressements résultant d'une minoration des recettes, l'administration se fonde sur l'importance des minorations constatées, tant au regard des déclarations effectuées par la société, les minorations équivalant, pour le chiffre d'affaires, à 37 % et 23 % du montant déclaré pour chacune des périodes en cause, et, pour les bénéfices omis, à 15 % et 25 % des bénéfices déclarés pour chacun des exercices, qu'au regard du volume des vins dont la vente n'a pas été comptabilisée, qui représente, pour certaines appellations, de 33 % à 277 % des ventes comptabilisées au titre de ces deux exercices. L'administration s'est également fondée sur les anomalies constatées dans la tenue de la comptabilité de la société, et, notamment, les ruptures répétées dans la séquentialité des factures, ainsi que sur la circonstance qu'en sa qualité de professionnelle de la vente de vin, elle ne pouvait ignorer les minorations ainsi constatées ni la circonstance qu'elles correspondaient à des recettes qui auraient dû être déclarées. S'agissant du redressement correspondant à un abandon de créance, l'administration a relevé, d'une part, que la société ne pouvait maintenir l'inscription d'une dette de 35 689 euros à son passif alors que la somme en cause avait été débitée du compte courant d'un des associés et qu'elle n'était pas en mesure de justifier ni d'un transfert de créance, ni de l'inscription d'une nouvelle dette de la société, dans la mesure notamment où les flux dont elle prévaut correspondent en réalité à de retraits d'espèces effectués par le gérant lui-même et que l'anomalie en cause avait été relevée lors de l'assemblée générale de la société relative à l'exercice clos en 2015. S'agissant enfin de la somme de 25 000 euros créditée au compte courant d'associé ouvert au nom de M. C... D..., l'administration a relevé que la société ne pouvait ignorer qu'une telle écriture, qui était irrégulière, n'avait aucune justification, et qu'elle était destinée en réalité à éviter que le compte courant d'associé ouvert au nom du gérant présente un solde débiteur. En faisant état de ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant la volonté de la SARL Domaine Bernard D... et Fils d'éluder les impositions dont elle était redevable, justifiant l'application des majorations en litige.
38. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Domaine Bernard D... et Fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Domaine Bernard D... et Fils est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Domaine Bernard D... et Fils et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.
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N° 19LY04063