Vu la procédure suivante :
Par un arrêt avant dire droit n° 18LY01931, la cour, premièrement, a rejeté les conclusions de Mme D... tendant à déclarer l'arrêt commun et opposable à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières (Camieg) et à la mutuelle des industries électriques et gazières (Mutieg), deuxièmement, a retenu la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination de Mme D... par le virus de l'hépatite C et a jugé qu'il appartenait à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, d'indemniser Mme D... au titre de la solidarité nationale, troisièmement, a confirmé le jugement n° 1604925 du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il a statué sur le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique subis par Mme D... jusqu'au 10 décembre 2016, quatrièmement, a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'expertise de Mme D..., cinquièmement, a décidé, avant de statuer sur les conclusions de la requête, à l'exclusion des préjudices indemnisés jusqu'au 10 décembre 2016, qu'il serait procédé à une expertise médicale.
Le rapport d'expertise établi par le docteur A... a été enregistré le 26 mai 2021 au greffe de la cour.
Par une ordonnance du 16 juin 2021, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme hors taxe de 1 200 euros.
Par des mémoires enregistrés le 29 septembre 2021 et le 15 octobre 2021, Mme D..., représentée par Me Lettat-Ouatah, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 675 724,17 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination d'origine transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;
2°) de mettre à la charge de l'ONIAM, outre les entiers dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle a droit à :
- la somme de 81 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge ;
- la somme de 600 euros au titre des honoraires de médecin conseil ;
- la somme de 243,70 euros correspondant aux frais de déplacement pour se rendre aux opérations des expertises du docteur C... et du docteur A... ;
- la somme de 26,62 euros au titre des frais de photocopie de son dossier médical ;
- la somme de 57 794 euros au titre des frais d'assistance temporaire par une tierce personne du 1er janvier 2008 au 21 juin 2020 ;
- la somme de 134 650 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne ;
- la somme de 80 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
- la somme de 52 328,85 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi depuis le 20 septembre 1991 ;
- la somme de 15 000 euros au titre des souffrances endurées ;
- la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
- la somme de 177 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
- la somme de 40 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
- la somme de 30 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
- la somme de 50 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;
- la somme de 35 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination.
Par des mémoires en défense enregistrés le 30 septembre 2021 et le 27 octobre 2021, l'ONIAM, représenté par Me Ravaut, conclut à que l'indemnité due à Mme D... soit limitée à 70 532,20 euros et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- la date de consolidation doit être fixée au 22 mai 2017 ;
- il s'oppose au versement d'un capital au titre de la réparation du préjudice liés aux frais d'assistance par une tierce personne ;
- le déficit fonctionnel temporaire subi par Mme D... ne saurait être supérieur à un taux de 35 % entre le 11 décembre 2016 et le 22 mai 2017 ; ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 907,20 euros ;
- l'indemnité susceptible d'être allouée au titre des souffrances endurées à compter du 11 décembre 2016 ne saurait excéder la somme de 1 500 euros ;
- l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, évalué à 34 %, ne saurait excéder la somme de 68 125 euros ;
- les autres chefs de préjudice invoqués ne sont pas fondés.
Un courrier du 1er octobre 2021 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 15 novembre 2021, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.
Un mémoire présenté par Mme D..., enregistré le 26 novembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Martin, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêt avant dire droit du 2 juillet 2020, la cour, d'une part, a retenu la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination de Mme D... par le virus de l'hépatite C et jugé qu'il appartenait à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, d'indemniser l'intéressée au titre de la solidarité nationale, d'autre part, a confirmé l'évaluation de 40 000 euros faite par le tribunal administratif de Lyon au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique ainsi que les souffrances endurées subis jusqu'au 10 décembre 2016, et, enfin, a ordonné une mesure d'expertise aux fins de déterminer ces mêmes préjudices pour la période postérieure au 10 décembre 2016 et ceux qui n'ont pas pu faire l'objet d'une évaluation compte tenu du caractère évolutif de la pathologie. L'expert a déposé son rapport le 26 mai 2021. Mme D... demande de condamner l'ONIAM à l'indemniser des préjudices subis à hauteur de la somme totale de 675 724,17 euros. L'ONIAM conclut à ce que l'indemnité allouée soit limitée à la somme de 70 532,20 euros.
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
2. L'expert désigné par la cour a estimé que la réalisation d'un examen par élastométrie (fibroscan) le 22 juin 2020 révélant une fibrose hépatique de stade F2 conduisait à fixer la consolidation de l'état de santé de Mme D... à cette date. S'il est vrai, comme le soutient l'ONIAM, que l'expert relève que l'état de la requérante en lien avec le virus de l'hépatite C aurait pu être consolidé au 22 mai 2017, date à laquelle un examen d'imagerie par résonnance magnétique s'est révélé normal sur le plan morphologique, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que, dès cette date, la fibrose dont souffrait Mme D... avait déjà régressé au stade F2, alors qu'une fibrose au stade F4 avait été constatée lors du précédent fibroscan réalisé le 9 juin 2016. Dès lors que la stabilisation de la fibrose au stade F2 n'a été acquise qu'au 22 juin 2020, et en l'absence d'évolution défavorable de l'hypothyroïdie et du diabète de type 2 dont souffre Mme D... en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, il résulte de l'instruction que la consolidation de son état de santé doit être fixée, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, au 22 juin 2020.
En ce qui concerne les préjudices temporaires :
S'agissant des dépenses de santé :
3. Si Mme D... indique avoir supporté des frais restés à sa charge à hauteur de 81 euros à la suite d'une hospitalisation à la clinique de la Sauvegarde le 10 novembre 2017, elle ne précise pas le motif de cette hospitalisation et, dès lors, ne justifie pas d'un lien entre les frais exposés et sa contamination par le virus de l'hépatite C. Au demeurant, l'expert n'a pas mentionné cette hospitalisation au nombre de celles qu'il a retenues comme imputables à la contamination de l'intéressée par ce virus. Par suite, ce chef de préjudice doit être écarté.
S'agissant des frais liés à l'assistance d'une tierce personne :
4. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
5. Mme D... fait valoir qu'elle a eu besoin de recourir à l'assistance de membres de sa famille, en particulier pour effectuer des tâches ménagères et l'aider dans ses déplacements, à raison de quatre heures par semaine du 1er janvier 2008 au 10 décembre 2016 et du 1er février 2017 au 21 juin 2020, et d'une heure par jour pour la période courant du 11 décembre 2016 au 31 janvier 2017.
6. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise du 12 février 2016 du docteur C..., mandaté par l'ONIAM, que l'état de santé de Mme D... en lien avec le virus de l'hépatite C a justifié le recours à une tierce personne à raison de deux heures par semaine, comme l'a d'ailleurs indiqué la sœur de l'intéressée, à compter de l'année 2008 jusqu'à la date de ce rapport. Contrairement à ce que fait valoir l'ONIAM, il est justifié, en particulier par les indications fournies dans ce rapport, du besoin d'aide d'une tierce personne à partir de 2008. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que le volume de cette aide devrait être porté, pour cette période, à quatre heures par semaine, comme l'indique la requérante dans ses écritures, sans en justifier. Alors qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur A... du 10 décembre 2016 que l'état de santé de Mme D... n'avait pas évolué entre le 12 février 2016 et 10 décembre 2016, il y a lieu d'estimer les besoins en tierce personne de l'intéressée du 1er janvier 2008 au 10 décembre 2016, à deux heures par semaine.
7. L'aide non spécialisée nécessaire se limitant à accompagner les gestes de la vie quotidienne de l'intéressée et étant susceptible d'être effectuée par l'un de ses proches, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'indemnisant, pour la période courant du 1er janvier 2008 au 10 décembre 2016, sur la base d'un taux horaire moyen, non de 22 euros, comme le fait valoir Mme D..., mais de 13 euros, correspondant au salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales. Compte tenu de ce taux horaire, du nombre de 466 semaines qui se sont écoulées entre le 1er janvier 2008 et le 10 décembre 2016, et dès lors qu'une année doit être calculée sur la base de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, Mme D... a droit, à ce titre, à une indemnité s'élevant à la somme de 13 676 euros.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée avant dire droit par la cour, que, du 11 décembre 2016 au 31 janvier 2017, l'état de santé de Mme D..., à qui il était alors administré un traitement antiviral destiné à lutter contre l'hépatite C et engendrant d'importants troubles asthéniques, a requis l'aide d'une tierce personne à raison d'une heure par jour. Dès lors que l'aide par une tierce personne consiste en une aide-ménagère, laquelle peut être fournie par un personnel non spécialisé, il y a lieu de calculer la somme due à partir d'un taux horaire de 14 euros, légèrement supérieur au coût horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance alors applicable, majoré des cotisations sociales, tenant compte ainsi des majorations de rémunération pour travail du dimanche. Compte tenu de ce taux horaire, du nombre de 52 jours qui se sont écoulés entre le 11 décembre 2016 et le 31 janvier 2017, et dès lors qu'une année doit être calculée sur la base de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, les besoins en assistance d'une tierce personne à domicile doivent être évalués à la somme arrondie de 822 euros.
9. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la cour, qu'à compter du 1er février 2017, date à laquelle le traitement antiviral administré à Mme D... a pris fin, l'état de santé de l'intéressée s'est rapidement amélioré, avec une régression notable des lésions hépatiques, en particulier de la fibrose passant du stade F4 au stade F2, ainsi qu'il a été définitivement constaté lors de l'examen pratiqué le 22 juin 2020. Il résulte de ce même rapport que l'insuffisance thyroïdienne et le diabète instable de type 2, qui constituent des complications de l'infection par le virus de l'hépatite C, n'ont pas connu d'aggravation au cours de cette période. Au vu de l'état de santé de la requérante au cours de cette période, de ce qui a été dit au point 6, et de l'attestation de Mme D... du 27 janvier 2021 indiquant que son état de santé requiert l'aide d'un tiers à raison de deux heures hebdomadaires, il y a lieu d'estimer, contrairement aux indications de l'expert non circonstanciées sur ce point, que le besoin d'aide par une tierce personne pour la période en cause doit être estimé à deux heures hebdomadaires, et non quatre. Compte tenu d'un taux horaire de 14 euros, du nombre de 176 semaines qui se sont écoulées entre le 1er février 2017 et le 21 juin 2020, et du calcul d'une année sur la base de 412 jours, Mme D... a droit, à ce titre, à une indemnité s'élevant à la somme de 5 563 euros.
10. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 à 9, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme D... aurait perçu des aides au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne sur cette période, l'indemnité due par l'ONIAM au titre de ce préjudice pour la période avant consolidation s'élève à la somme de 20 061 euros.
S'agissant des frais divers :
11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme D... a supporté, pour un montant de 600 euros, des honoraires de médecin conseil pour l'assistance aux opérations de l'expertise diligentée par l'ONIAM. Il y a lieu de mettre cette somme à la charge de l'Office.
12. En deuxième lieu, compte tenu de la distance non contestée de 127 kilomètres séparant le domicile de Mme D... (F...) du cabinet du docteur C... (E...), mandaté comme expert par l'ONIAM, et sur la base du barème kilométrique de l'administration fiscale applicable au cours de l'année 2016 pour les distances inférieures à 5 000 kilomètres, lequel prévoit un montant de 0,493 euro par kilomètre parcouru pour un véhicule de quatre chevaux, ces frais doivent être fixés à la somme de 125,22 euros. En revanche, si Mme D... indique avoir supporté des frais de péage autoroutier à hauteur de 13,10 euros pour se rendre aux opérations de cette expertise amiable, elle ne justifie pas de la réalité du préjudice allégué.
13. En troisième lieu, Mme D... demande le remboursement de frais postaux et de reprographie de son dossier médical à hauteur de la somme de 26,62 euros, dont elle justifie s'être acquittée. Il y a lieu, par suite, de mettre cette somme à la charge de l'ONIAM.
En ce qui concerne les préjudices permanents :
S'agissant des frais liés à l'assistance d'une tierce personne :
14. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 et ainsi qu'il résulte en particulier de l'expertise ordonnée par la cour, l'état de santé de Mme D... a requis, entre le 22 juin 2020, date de consolidation de son état, et le présent arrêt l'aide d'une tierce personne dans la vie quotidienne à raison de deux heures par semaine. Dès lors que l'aide requise par l'état de santé de Mme D... peut être fournie par un personnel non spécialisé, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'indemnisant sur la base d'un taux horaire de 14,50 euros correspondant au coût horaire moyen au salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales sur la période considérée. Compte tenu de ce taux horaire, du nombre de 84 semaines qui se sont écoulées entre le 22 juin 2020 et le présent arrêt, et dès lors qu'une année doit être calculée sur la base de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, Mme D... a droit, à ce titre, à une indemnité s'élevant à la somme de 2 750 euros.
15. En second lieu, s'agissant des frais futurs d'assistance par tierce personne non échus à la date du présent arrêt, il y a lieu de fixer le tarif horaire à 15 euros afin de tenir compte de l'évolution du salaire minimum moyen et des charges sociales. Compte tenu de ce tarif horaire, d'une assistance hebdomadaire de deux heures, d'un nombre de 59 semaines par an pour prendre en compte les majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les jours fériés, l'ONIAM doit être condamné, au titre de cette assistance par une tierce personne après la date du présent arrêt, à verser à Mme D... une rente trimestrielle, et non un capital compte tenu de l'âge de la victime et de son taux d'incapacité permanente partielle, de 440 euros, soit un montant annuel de 1 760 euros. Le montant de cette rente sera revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les sommes perçues par Mme D... au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toute autre prestation ayant le même objet dès lors qu'aucune disposition particulière ne permet à l'organisme qui l'a versée d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune, dont il lui appartiendra de justifier annuellement du montant, viendront en déduction de cette rente.
S'agissant de l'incidence professionnelle :
16. Le préjudice résultant de l'incidence professionnelle du dommage, qui a vocation à indemniser ses incidences périphériques touchant à la sphère professionnelle, s'apprécie après consolidation de l'état de santé de la victime.
17. Mme D..., qui souligne au demeurant qu'elle n'a subi aucune perte de revenus, exerce depuis 2003 les fonctions d'assistante médicale au sein de la société EDF. Elle fait valoir que son activité professionnelle a été rendue plus pénible durant les périodes où un traitement antiviral lui a été administré, dans la mesure où ce traitement a engendré une asthénie, des céphalées ainsi que des vomissements. Toutefois, il résulte de l'instruction que, postérieurement à la consolidation de son état de santé, Mme D... n'a pas subi de troubles en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ayant rendu son travail plus pénible. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que le déroulement de carrière de Mme D..., qui a bénéficié d'un " avancement au choix " en 2018, est classée au 8ème échelon d'ancienneté et doit bénéficier d'un avancement d'échelon en juin 2024, aurait été affecté par sa maladie hépatique. Il n'est pas établi que l'aménagement du poste de travail de la requérante à compter du 9 août 2021 serait en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, dont le traitement mis en œuvre en 2016 a permis l'extinction de la charge virale, alors qu'il résulte de l'instruction, notamment d'un certificat médical du 28 juin 2021, que l'intéressée souffre d'une thalassémie qui nécessite une transfusion sanguine toutes les trois à quatre semaines, associée à une ostéoporose compliquée de fractures du poignet droit et de la main gauche, d'une algodystrophie, d'une sinusite maxillaire chronique, d'une hémochromatose posttransfusionnelle et d'un syndrome migraineux. Enfin, la requérante n'établit pas que du fait de son état physique en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, elle a subi une dévalorisation sur le marché du travail. Mme D... n'est par suite pas fondée à réclamer une indemnisation au titre de l'incidence professionnelle qu'elle allègue.
Sur les préjudices à caractère extrapatrimonial :
En ce qui concerne les préjudices temporaires :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
Quant à la période antérieure au 10 décembre 2016 :
18. Mme D..., qui a été indemnisée, par l'arrêt avant dire droit du 2 juillet 2020, du déficit fonctionnel temporaire qu'elle a subi jusqu'au 10 décembre 2016, ne peut solliciter une indemnité au titre de ce préjudice qui a déjà été réparé.
Quant à la période du 11 décembre 2016 au 31 janvier 2017 :
19. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par la cour, que Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire en lien avec sa contamination à l'hépatite C évalué à 60 % du 11 décembre 2016 au 31 janvier 2017, soit durant 52 jours, correspondant à la période au cours de laquelle l'intéressée s'est vue administrer un traitement antiviral. Il résulte des indications fournies par l'expert que ce taux inclut le fait que Mme D..., particulièrement fatiguée par le traitement antiviral, souffrait alors d'une fibrose hépatique de type F4, d'une insuffisance thyroïdienne ainsi que d'un diabète instable en lien avec l'hépatite C. Au vu de ces éléments, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, il ne résulte pas de l'instruction que ce taux aurait été surestimé par l'expert.
Quant à la période du 1er février 2017 au 21 juin 2020 :
20. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total au cours de son hospitalisation du 9 au 14 avril 2018 en lien avec son diabète instable.
21. D'autre part, l'expert, après avoir pris en considération l'arrêt du traitement antiviral et la disparition de la charge virale, a évalué au total à 40 % le déficit fonctionnel temporaire subi par la requérante sur le reste de la période en cause, soit durant 1231 jours, en estimant à 10 % le déficit lié à fibrose hépatique, passée au cours de cette période du stade de cirrhose (F4) à un stade modéré (F2), à 5 % le déficit lié à l'insuffisance thyroïdienne et à 25 % le déficit imputable au diabète instable de type 2. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, que cette évaluation serait erronée.
22. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme D... du 11 décembre 2016 au 21 juin 2020 en lui allouant une somme de 8 474 euros.
S'agissant des souffrances endurées :
23. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'intensité des souffrances, physiques et morales, endurées par Mme D... entre le 11 décembre 2016 et le 21 juin 2020 du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C a été évaluée par l'expert à 1,5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à la requérante une somme de 1 500 euros.
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
24. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'expertise, que Mme D... aurait subi un préjudice esthétique temporaire postérieurement au 10 décembre 2016. Si la requérante fait valoir à cet égard que le second traitement antiviral qui lui a été administré a occasionné une perte de cheveux et un amaigrissement, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation. Par suite, ce chef de préjudice doit être écarté.
En ce qui concerne les préjudices permanents :
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
25. Mme D... demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, évalué par l'expert à 38 %, acquis à l'âge de 40 ans en prenant en considération l'hypothyroïdie, le diabète de type 2 instable et une fibrose hépatique de type F2. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant l'ONIAM à verser à Mme D... une somme de 80 000 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
26. Si Mme D... fait valoir qu'elle a été contrainte d'arrêter la pratique du piano, de la natation, de l'escalade et du vélo à compter de 2008 et qu'elle n'est désormais plus en mesure de voyager, elle n'établit pas le lien entre l'arrêt de ces activités de loisirs et les séquelles dont elle demeure affectée avec sa contamination au virus de l'hépatite C. Ce chef de préjudice doit, dès lors, être écarté.
S'agissant du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement :
27. Si Mme D... fait valoir qu'elle n'a pas pu avoir de relations sexuelles suivies de peur de contaminer son partenaire au VHC et que cette circonstance l'a empêchée de fonder une famille, il résulte de l'instruction que, depuis la consolidation de son état de santé, la requérante ne présente plus de charge virale et, par suite, plus de risque de contamination. Si la requérante fait valoir qu'elle souffre toujours, en lien avec sa fibrose, de problèmes de constipation, de maux de tête et de vomissements, ces circonstances ne permettent pas, à elles seules, de tenir pour établie l'existence d'un préjudice sexuel et d'un préjudice d'établissement. Dès lors, ces chefs de préjudice doivent être écartés.
S'agissant du préjudice spécifique de contamination :
28. De la date de la révélation de sa contamination en septembre 1991, alors qu'elle était âgée de onze ans, jusqu'à la date du constat de sa guérison le 22 juin 2020, Mme D... a pu légitiment éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient en résulter. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'elle a subi de ce fait en lui allouant une somme de 5 000 euros.
29. Il résulte de ce qui précède, que Mme D... est fondée à demander que l'indemnité de 40 000 euros que le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à lui verser soit portée, en plus de l'indemnité allouée par l'arrêt avant dire droit du 2 juillet 2020, à la somme de 118 536,84 euros, sous déduction de la provision versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2016.
Sur les dépens :
30. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
31. D'une part, les frais de déplacement des parties pour se rendre auprès de l'expert désigné par une juridiction administrative faisant partie des dépens, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM, les frais de déplacement en voiture, dont Mme D... justifie valablement avoir dû supporter pour se rendre de son domicile aux opérations des expertises ordonnées par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 2016 et par l'arrêt avant dire droit de la cour du 2 juillet 2020, qui se sont tenues respectivement le 30 novembre 2016, d'une part, et les 4 novembre 2020 et 3 février 2021, d'autre part, à Lyon. Compte tenu de la distance de 44,40 kilomètres parcourue par Mme D... pour se rendre aux opérations de la première expertise, et de 126 kilomètres pour la seconde expertise, et sur la base du barème kilométrique de l'administration fiscale applicable au cours des années 2016, 2020 et 2021 pour les distances inférieures à 5 000 kilomètres, lequel prévoit respectivement un montant de 0,493 euro et 0,523 euros par kilomètre parcouru pour un véhicule de quatre chevaux, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM à ce titre la somme arrondie de 88 euros. En revanche, Mme D... n'établit pas avoir supporté les frais de péage autoroutier qu'elle allègue.
32. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM les frais des expertises, ordonnées par l'ordonnance du 30 novembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon et par l'arrêt avant dire droit du 2 juillet 2020 de la cour, et taxés et liquidés respectivement à la somme de 1 000 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Lyon du 16 janvier 2017 et à la somme de 1 200 euros par ordonnance du président de la cour du 16 juin 2021.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
33. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM, partie tenue aux dépens, la somme de 1 500 euros à payer à Mme D..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 40 000 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme D... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 mars 2018 est portée à la somme de 118 536,84 euros, de laquelle il conviendra de déduire la provision de 15 000 euros versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2016.
Article 2 : L'ONIAM versera à Mme D..., par trimestre échu, une rente dont le montant annuel, fixé à 1 760 euros à la date du présent arrêt, sera ultérieurement revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les sommes perçues par Mme D..., dont il lui appartiendra de justifier annuellement, au titre de la prestation de compensation du handicap ou de toute autre prestation équivalente, seront déduites de cette rente.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 2 200 euros, et les frais de déplacement que Mme D... a dû supporter pour se rendre aux opérations d'expertise et qui s'élèvent à la somme totale de 88 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.
Article 4 : Le jugement n° 1604925 du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'ONIAM versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières et à la mutuelle des industries électriques et gazières. Copie en sera adressée à M. A..., expert.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.
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N° 18LY01931