Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Domène 91 a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 février 2017 par lequel le préfet de l'Isère a approuvé le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) pour l'établissement Sobegal, sur le territoire de la commune de Domène, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux.
Par un jugement n° 1704071 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2019, la société Domène 91, représentée par Me Aoudiani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2017 approuvant le PPRT pour l'établissement Sobegal ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé que les modalités de concertation définies par l'arrêté du 23 mai 2007 ont été respectées, alors que les documents d'élaboration du PPRT n'étaient pas accessibles sur internet, que l'organisation de réunions publiques n'est pas une modalité de concertation suffisamment précise et que leur nombre et leurs modalités de publicité sont insuffisantes ;
- elle a obtenu la communication incomplète du dossier d'enquête publique et seulement six jours avant la fin de l'enquête publique ;
- les avis des personnes et organismes associés doivent être versés au dossier dans leur intégralité ; c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen comme n'ayant exercé aucune influence sur le sens de la décision attaquée et n'ayant privé le public d'aucune garantie ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'avis du commissaire-enquêteur, qui s'est contenté de formuler des observations d'ordre général, était suffisamment motivé ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; le tribunal n'a pas analysé le déséquilibre entre le nombre d'emplois maintenus sur le site et le risque de perte d'emplois induits par la délocalisation d'entreprises qui seront expropriées ;
- le PPRT approuvé est imprécis ; il ne permet pas aux propriétaires concernés de connaître avec précision les activités qu'il est possible d'exercer dans les bâtiments situés dans le périmètre du plan.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 avril 2020, la société Béarnaise des Gaz Liquéfiés, représentée par Me Hercé, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Domène 91 la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisance des modalités de la concertation est inopérant ;
- les moyens soulevés sont infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 3 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
- les conclusions de Mme Sophie Corvellec, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Ancel, pour la société Sobegal.
Considérant ce qui suit :
1. La société Domène 91 relève appel du jugement du 29 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 8 février 2017 approuvant le PPRT pour l'établissement Sobegal sur le territoire de la commune de Domène, ainsi que de la décision rejetant implicitement son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la concertation :
2. L'article L. 515-22 du code de l'environnement renvoie, pour déterminer les modalités de la concertation relative à l'élaboration des projets de PPRT, à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans son ensemble, y compris le IV de cet article, devenu l'article L. 600-11 du même code. Il suit de là que l'auteur d'un recours tendant à l'annulation de la décision préfectorale approuvant un PPRT peut utilement invoquer l'irrégularité de la procédure résultant de la méconnaissance des modalités de concertation définies par le préfet, mais ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet a fixé ces modalités.
3. Les circonstances, à les supposer même établies, que l'organisation de réunions publiques n'aurait pas été suffisamment définie par l'arrêté du préfet de l'Isère du 23 mai 2007 et que leurs modalités de publicité seraient insuffisantes pour permettre une participation effective du public à l'élaboration du plan est donc sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.
4. Pour le surplus, le moyen tiré de la méconnaissance des modalités de concertation définies par l'arrêté du 23 mai 2007, en particulier s'agissant de la mise en ligne sur internet des documents d'élaboration du PPRT doit être écarté par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
En ce qui concerne la communication du dossier d'enquête publique :
5. La société Domène 91 reprend en appel son moyen selon lequel elle n'a obtenu la communication du dossier que six jours avant la fin de l'enquête publique. Il y a également lieu d'adopter les motifs par lesquels les premiers juges ont écarté ce moyen.
En ce qui concerne la complétude du dossier d'enquête publique :
6. La requérante ne précise pas en quoi l'absence au dossier des avis des personnes et organismes associés dans leur intégralité, alors que le dossier d'enquête publique comprenait, comme l'ont relevé les premiers juges, un bilan de la consultation des personnes et organismes associés et de la commission de suivi du site, aurait, dans les circonstances de l'espèce, été de nature à priver le public d'une garantie ou à exercer une influence sur le sens de la décision attaquée.
En ce qui concerne la motivation de l'avis du commissaire enquêteur :
7. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. ". Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
8. Il ressort des pièces du dossier que, dans son rapport, le commissaire enquêteur a analysé les observations émises lors de l'enquête publique, qu'il a regroupées selon quatre thématiques, et les réponses du maître d'ouvrage du projet. Il a, à cette occasion, donné son avis sur certaines observations, émises par la commune de Domène. Le commissaire enquêteur a également assorti ses conclusions d'une liste de recommandations. Par les précisions qu'il a ainsi apportées, le commissaire enquêteur doit être regardé comme ayant suffisamment motivé l'avis qu'il a émis sur le projet.
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le transfert de tout ou partie des installations :
9. Comme l'a relevé le tribunal, l'article L. 515-17 du code de 1'environnement envisage le transfert de tout ou partie des installations à l'origine du risque vers un autre emplacement, lorsque cette mesure est moins coûteuse que les mesures de délaissement et d'expropriation prévues aux articles L. 515-16-3 et L. 515-16-4 du code de l'environnement.
10. Si la société requérante invoque le risque de perte d'emplois induits par la délocalisation d'entreprises qui seront expropriées, elle n'invoque aucun élément tendant à établir, et ne soutient d'ailleurs même pas, que le coût d'une délocalisation serait inférieur à celui des mesures de délaissement et d'expropriation engendrées par le PPRT. Il ressort au demeurant des indications de la pétitionnaire, non contredites, que le coût du déplacement représenterait treize millions d'euros, soit près du double de celui des mesures foncières prévues par le projet.
En ce qui concerne les activités susceptibles d'être exercées dans les bâtiments situés dans le périmètre du plan :
11. En application de l'article L. 515-23 du code de l'environnement, le PPRT approuvé vaut servitude d'utilité publique et, dès lors qu'il est annexé au plan local d'urbanisme, est directement opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme. L'absence d'autorisation au titre du code de l'urbanisme ne dispense pas du respect de ses dispositions, le code de l'environnement sanctionnant les infractions aux prescriptions édictées dans les zones de maîtrise de l'urbanisation future.
12. Le règlement du PPRT délimite des zones de maîtrise de l'urbanisation future en édictant une réglementation spécifique relative à la fois aux projets nouveaux (PN) et aux projets sur l'existant (PE) dans les zones " rouge foncé ", " bleu foncé " et " bleu clair " délimitées par le plan de zonage. Il prévoit en outre des mesures de protection relative à l'urbanisation existante dans les mêmes zones.
13. Il en résulte que le PPRT en litige comporte des prescriptions suffisamment précises, contrairement à ce qui est soutenu.
14. Il résulte de ce qui précède, que la société Domène 91 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société Domène 91 demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Domène 91 le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Société Béarnaise des Gaz Liquéfiés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Domène 91 est rejetée.
Article 2 : La société Domène 91 versera la somme de 1 500 euros à la commune de la Société Béarnaise des Gaz Liquéfiés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Domène 91, à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la Société Béarnaise des Gaz Liquéfiés.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.
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N° 19LY04702